Chapitre 4 (2) : Un été radieux
Jeudi 14 juillet 1988. Après-midi. Île d'Oléron.
Avant de retourner à l’eau, Paul se jeta furieusement sur Tom pour le chatouiller. Celui-ci se contorsionna, riant à ne plus pouvoir s’arrêter. Paul cessa rapidement son jeu et reprit son souffle au-dessus de lui, descendit progressivement son torse pour se coller au sien. Tom se laissa faire, admirant ses yeux bleus clairs et ses taches de rousseur. Tom accueillit son baiser avant de le renverser sans préavis, pour prendre sa revanche. Paul se dégagea en moins d’une minute, et lui tirant la langue. Il courut rejoindre l’océan. Tristan regarda la scène, avec une pointe de jalousie envers cette liberté que ses amis s'autorisaient à la vue de tous, mélangée à une certaine gêne. Mais personne n’était choqué le moins du monde et ne semblait absolument pas se préoccuper d’eux. Hormis, son voisin de plage, un garçon de son âge, au crâne rasé, qui lui sourit. Tristan lui sourit en retour par sympathie. Après tout, ce sont eux qui ont raison. Décoince toi mon vieux ! se dit-il. Il finit par se lever, mais préféra rester dos à Tom, avant de retirer son maillot de bain.
— Tu veux que je te passe de la crème solaire dans le dos ? proposa Tom, sans équivoque.
— Heu…oui, je veux bien merci, énonça-t-il de manière la plus naturelle possible. Tom sentit Tristan se contracter un instant. Il lui appliqua soigneusement la crème et vérifia à ne pas oublier la moindre parcelle de peau. Il s’arrêta en bas du dos à la limite de ses fesses.
— Merci ! Tu fais ça très bien, mieux que Paul, blagua-t-il en se retournant vers Tom qui s'apercut que Tristan avait rougi, cachant timidement son sexe.
— Tu vas pas rester comme ça, les mains croisées !
— Mouais, si tu le dis. Et puis c’est pas très pratique pour nager, hein ? s’empressa-t-il de répondre pour cacher son embarras.
Tom lui sourit avant de s’allonger tranquillement sur sa serviette. Il le regarda courir rejoindre Paul affronter les vagues. Il ne put s'empêcher d'apprécier de nouveau les fesses galbées de Tristan s'éloigner au loin. Il soupira gentiment d'envie.
*
Si on avait dit à Tom qu’il passerait d'aussi belles vacances ! Il se vit, deux ans en arrière, à la même période de l’année. Il venait d'avoir 18 ans quelques semaines plus tôt. C'était au vernissage de l’exposition de Marc. Ce photographe lui avait grand ouvert les portes de son univers, de sa maison. Mais aussi montré un autre visage, celui d’un homme tourmenté et manipulateur. Marc avait fini par s’auto-détruire. Aujourd’hui, sur cette plage, cette histoire lui paraissait tellement lointaine et encore parfois irréelle. Pourquoi penser à ça maintenant, alors qu’il était là, à se faire bronzer ? Alphonse, son père, avait été ravi de savoir son fils et son petit ami profiter de la mer. À votre âge, on s'amuse ! C’était la première fois que Tom présentait officiellement un petit ami à son père. Après quelques instants de gêne, ses appréhensions s'étaient vite envolées. Paul avait joué le jeu et avait ri aux blagues d'Alphonse, qui s'en était donné à cœur joie, ravi d'avoir un nouveau public. Depuis, ils venaient dîner parfois chez lui, certains dimanches. Un soir, Alphonse l'avait pris à part. Il lui avait dit sans détour qu'il était fier de lui. Que Paul était un gentil garçon et qu'il l'aimait bien. Je suis sûr que ta mère sera du même avis. Tom avait été ému en lui répondant qu’il mesurait la chance d'avoir un père si tolérant. Je ne suis pas tolérant, j' aime mon fils, c'est tout ! avait répliqué son père en lui donnant une tape sur les épaules. Quant à sa mère, il s'agissait d'être encore patient. Sa convalescence dans la maison de repos de l'hôpital prendrait encore quelques mois, avant d'envisager une sortie définitive.
Les cris de joie de Paul et de Tristan lui parvinrent aux oreilles et le ramenèrent instantanément au présent. Paul était sur les épaules de son ami, les bras à l’horizontal, à faire l’avion et bientôt, à se servir de son bras, pour faire feu sur des ennemis invisibles. Tom était rassuré que leur relation amicale à ces deux là reste intacte, malgré le fait qu’il fréquente Paul. Tristan était un ami comme on espérait tous en avoir un jour. À l’écoute et tolérant. Un grand rêveur aussi. Il aimait bien ça chez lui. Il était très heureux de partager avec lui ces quelques jours de vacances.
Il resta encore peu à savourer le soleil sur sa peau, jusqu'au moment où ses compagnons de jeu l'appelèrent avec de grands signes. Il n'eut alors qu'une envie, celle de les rejoindre, pour partager avec eux les joies d'un été radieux.
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