Chapitre 5 (1) : Ton t-shirt c’est du 12 ans ?
Jeudi 14 juillet 1988. 19h. Café du Petit Marcel.
Rickie et Philippe étaient accoudés au bar.
— T’as encore pris du muscle ou la taille de ton t-shirt, c’est du 12 ans ? demanda Lucas, en posant deux bières sur le comptoir.
— T’as vu, y a ses petits tétons qui pointent. J’adore, répondit Rickie, en approchant sa main du torse de Philippe.
— Trois jours par semaine à soulever de la fonte, voici le résultat. On admire, c’est tout. On ne touche pas. Enfin du moins ici. Parce que la petite bourgeoise assise avec son mari à la table du fond, ils vont nous faire une syncope ! prévint Philippe qui se retint d’embrasser son petit ami.
Rickie se retourna discrètement pour leur jeter un coup d'œil.
— Depuis quand tu te censures Philippe ? Ça serait une première ! sourit Lucas.
— Elle me fait penser à ma mère, si tu veux tout savoir. En un peu plus jeune. Je vous parie combien qu’elle porte son Lagon bleu pour l’été elle aussi !
— Bougez pas les filles, elle se lève. Attendez…elle réajuste sa petite jupe. Elle arrive droit sur vous, chuchota Lucas.
— Les commodités sont juste à votre droite madame ! lança-t-il, de son plus beau sourire.
— Je vous remercie jeune homme, répondit-elle, avant de pousser la porte réservée aux dames.
— Ah…j’ai perdu….Mais j’arrive pas à reconnaître son parfum. C’est quoi, déjà, je le sais pourtant…
— Bah alors, on perd la truffe ? le taquina Rickie.
Philippe, tel un chien qui a chaud fit pendre sa langue avec un bruit d’halètement.
— Et beau-papa, comment va-t-il Philippe ? questionna Lucas, enjoué.
— Beau-papa n’est pas très en forme depuis quelque temps. Il est tout gris. Pourtant les Grandes galeries fonctionnent bien. Il a du surprendre son employé du rayon parfumerie, en train de se faire une petite gâterie par son fils, dans la remise. Ça a dû lui faire un tel choc que depuis, il est sous tranquillisants. répondit Philippe du tac au tac.
— C’est vrai que depuis que je lui ai dit que je suis pédé, c’est une autre personne. Il s’est mis à m'appeler régulièrement pour prendre de mes nouvelles. J’en reviens toujours pas. Alors de mon côté, je suis bien obligé moi aussi de faire des efforts. Mais hors de question qu’il sache que je me tape son employé modèle !
— Il a quand même de la merde dans les yeux ton père Rickie. Toutes les filles du rayon parfumerie sont au courant ! Il finira bien par l’apprendre tôt ou tard, pipelettes comme elles sont.
— Ouais, bah le plus tard possible, ça me convient très bien. J’hésite à accepter de le rejoindre à Bruxelles à la fin du mois. Un week-end entre père et fils m’a-t-il proposé l’autre jour, lorsque j’ai accepté de prendre un café avec lui. Tu sais, celui qui fait l’angle avec les Grandes galeries.
— Monsieur Frantzmann désire se rapprocher de son fils unique. Tu ne réalises pas la chance que tu as chéri. Derrière son côté caporal chef, se cache un être humain, doué de sensibilité.
— T’en rajoutes pas un peu Philippe ? le coupa Lucas en riant.
— Le pire, c’est que Philippe a raison. Si j’avais su, je lui aurais parlé plus tôt. Mais vu le passif que j’ai avec lui...Je n’arrive toujours pas à réaliser. Trop d’années à me faire rabaisser, ça ne s’oublie pas comme ça…. répondit Rickie, songeur.
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