Chapitre 10 : Madame, vos fleurs
Vendredi 15 juillet 1988. Après-midi. Centre-ville.
La jeune fille replia son plan de la ville pour le glisser dans son sac banane qu’elle referma consciencieusement. La porte de l’immeuble était entrouverte. Elle y passa la tête pour regarder dans le hall. Elle n’y vit personne, à part une rangée de boîtes aux lettres et un escalier. Il fait bon ici. Enfin un peu de fraîcheur se dit-elle en se délestant de son sac à dos.
— Jeune fille ?
— Oh excusez moi madame, je ne vous avais pas vue, répondit-elle timidement à la femme qui venait d’entrer, un arrosoir à la main.
— C’est incroyable ça, je sors à peine une minute pour arroser mes fleurs, que l’on se faufile à l’intérieur sans permission !!! Vous cherchez quelqu’un ?
Ça doit être la concierge dont il m’a parlé.
— Vous êtes Myriam, c’est bien ça ? osa la jeune fille.
— Oui parfaitement. A qui ai-je l’honneur ? répondit-elle méfiante.
— Ariane Rivière, madame ! Je suis la sœur de Paul. Il habite bien ici, n’est-ce pas ? dit-elle d’une voix plus assurée.
— Oooh mademoiselle Ariane ! Excusez-moi. Vous êtes la sœur de Paul, mais cela change tout, bien évidemment. Comme je suis ravie de vous rencontrer. Vous me paraissez aussi adorable que lui !
Ouais c’est ça, rattrape-toi comme tu peux, vieille chouette !
— Il est chez lui ? Sa sonnette ne semble pas fonctionner.
— Oui c’est vrai, elles ont toutes un problème depuis quelques temps et on n’est toujours pas venu les réparer. Alors vous le cherchez ? Mais Paul n’est pas ici du week-end. Il revient dimanche.
Le visage d’Ariane s’assombrit d’un seul coup.
— Vous ne le saviez pas ?
— Heu, c’est que…enfin si…excusez moi, je ne vais pas vous déranger plus longtemps.
— Mais vous ne me dérangez pas. En revanche, vous avez l’air perdue ! Êtes vous sûr que ça va ?
— Mais oui, certainement. Excusez-moi de vous avoir importunée. Je m’en vais tout de suite, se dépêcha-t-elle de dire, reprenant son sac à dos sur les épaules.
— Au revoir mademoiselle…et je dirais à votre frère que vous êtes passée alors…, répondit Myriam, décontenancée par cette jeune fille qui avait déjà tourné les talons.
Mais avant même que la porte ne se referme sur elle-même, Ariane revint sur ses pas.
— Madame, vos fleurs…
— Quoi mes fleurs ?
— Elles sont en train de crever vos fleurs. Ma mère m’a toujours dit de les arroser le matin à la fraîche avant qu’il ne fasse trop chaud ! dit-elle d’un ton moqueur, avant de partir en courant, laissant la concierge consternée d’une telle impertinence.
Après s’être éloignée suffisamment de l’appartement de son frère, elle reprit son souffle à l’ombre d’un abri-bus. Seule, elle se permit d’enlever ses baskets pour se masser les pieds. Elle avait tellement marché depuis ce matin ! Elle ressortit de son sac banane la carte qu’elle avait étudiée de long en large. Bon ok, ne pleure pas, c’est pas grave. T’aurais peut-être dû laisser un message dans la boîte aux lettres de ton frère ! Mais après ce que t’as dit à l’autre bonne femme, tu ne peux pas y retourner comme ça. Il te reste une dernière solution.
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