Chapitre 1.1
Planète Ragoahine - Cercle Central - Année de la Dissidence
Surface : 40 millions km² - Habitants 400 - Climat : tempéré, doux - Nature luxurieuse.
Ragoahine gravitait autour de Paghorim et bien que cette dernière ai été pleinement investie pour devenir le cœur de la civilisation des Hommes, le satellite de la planète mère a été préservé méticuleusement. Vue comme le berceau de la création, les écrits faisaient mention des échos de paroles sacrées portées par le vent, des ondes d'énergie ancestrale perceptibles à la surface de ses eaux et de bien des manifestations du pouvoir transcendant l'univers. Ainsi, seul le Temple des Sept, fut érigé sur cette terre vierge où vivent les membres du Septentrion. Afin de perpétuer les traditions et préserver la stabilité de la société galactique, ces Maîtres d'armes et érudits avaient pour rôle de former les futurs défenseurs des mondes royaux à travers le renforcement du corps et le développement de l'esprit.
Tout les cinq ans, une formation nouvelle débutait lors d'un événement festif titanesque diffusé à travers toute la République Royaliste et certains mondes libres: le Tournoi des Sept. Afin que chaque nouvel élève, âgé de 21 à 26 ans appelé «initié», entrant dans la formation soit préparé psychologiquement et physiquement au Tournoi, un mois d'enclavement sur Ragoahine était imposé. Ainsi, ils bénéficiaient d'un encadrement privilégié aux côtés des Maîtres et auprès des «novices», ceux ayant achevé leur quinquennat
Maître Calrann, un homme en pleine force de l’âge à la barbe brune soigneusement taillée, était assis sur un rondin de bois le dos courbé, ses coudes reposant sur ses cuisses et les mains jointes alors qu’il parlait, s’adressant à une assemblée d'initiés assis en tailleur à même l’herbe en ce début d’après midi à l’ombre d’un chêne. Son regard balayait le petit groupe au fil de son élocution.
- La légende raconte que la galaxie est née lors d'un conflit titanesque. D'immenses créatures ailées peuplaient le cosmos, chacune forte d’un élément de puissance. Narisilith insufflait la matière. Piret créait les atmosphères. Ydon forgea les noyaux volcaniques. Cissoa gorgea les surfaces de ses eaux malicieuses. Gamyr insuffla conscience et volonté aux êtres qui émergeaient. Dyren déployait sa lumière bienveillante sur ces créations. Mais si les Dieux de la Terre, de l’Air, du Feu, de l’Eau, de l’Esprit et de la Lumière œuvraient à la création de l’'univers, l’obscur Allmogg préférait se jouer de cette harmonie en la perturbant, distillant ses ténèbres et avec elles la convoitise, la colère, la peur.
C'est ainsi que naquit Dioscuri Nebula.
Mais aucunes des autres entités ne voulut laisser le loisir à Allmogg d'altérer leurs créations et une violente bataille éclata. L'énergie déployée par la guerre finit par consumer les déités qui disparurent totalement.
Nul ne sait ce qu’il advint des Dieux élémentaires. D’aucuns disent qu’ils sont endormis. D’autre qu’ils veillent au bon équilibre des choses.
Une jeune fille aux longs cheveux roux ébouriffés leva alors la main, ses yeux émeraudes un peu écarquillés.
- Miya ?
- Est-ce pour symboliser ce conflit que nos Maisons s’affrontent alors, Maître ?
- En partie, oui. A travers la compétition et l’opportunité pour les novices d’être remarqués en tant que combattants, les nations des mondes unis commémorent le Jour de Création. Chaque Maison est représentée par bon nombre de participants provenant du royaume qu'elle gouverne et surtout par un champion de sang royal arborant sa couleur.
Il sourit et lui fit un clin d’œil. Les joues de Miya se teignirent d’un léger rose alors qu’elle lui rendait son sourire en passant ses doigts brièvement sur les pans bleus de sa tunique. A ses côtés, un grand gaillard aux épaules larges couvertes de pans rouges soupira en plaçant ses mains au sol derrière lui pour s’y appuyer et détourner les yeux sur la droite où se trouvait une aire d’entraînement en terre battue. Son regard se perdit alors qu’il observait deux combattants en plein exercice de confrontation au bâton. Maître Calrann reprit.
- Évidemment, tout vos professeurs ici ont conscience que vous avez été préformés par vos Maisons respectives. D'où la nécessité d'être rigoureux durant votre retraite préliminaire sur Ragoahine. Avant le tournoi nous allons oeuvrer à recadrer vos objectifs en les recentrant sur les valeurs primordiales à la pérennité de la République Royaliste afin que le tournoi des initiés malgré l'inexpérience en soit son reflet.
Il figea son regard sur le jeune homme distrait à côté de Miya et sourit en coin puis balaya de nouveau l'assemblée du regard.
- Je crois, jeunes gens, qu'il est temps de passer à autre chose. Je vous invite à prendre une pause pendant que le champion de la Maison Teperra et moi même mettons en forme le terrain. J'aimerai éviter qu'il ne finisse par s'effondrer de sommeil.
Il reposa les yeux sur le concerné et tous suivirent son regard, des sourires naissant sur la plupart des visages.
- N'est ce pas, Eijiro ?
- Hein ?! Euh... oui, oui. Bien sur, répondit-il subitement en se redressant, son regard allant rapidement sur chacun avant de revenir sur son interlocuteur.
- Parfait en ce cas. Vous pouvez tous disposer sauf Eijiro qui va donc m’aider à la vérification du matériel avant que vous ne puissiez vous entraîner avec. Je vous revois dans une heure.
L'incompréhension manifeste sur le visage d’Eijiro suscita quelques rires discrets de ses camarades qui quittèrent tranquillement les lieux. L’un d’entre eux à la silhouette fine et élancée, le visage couvert par la capuche d’une bure sombre, patienta une minute avant de s’avancer vers le Maître qui pencha un peu la tête vers lui pour tendre l’oreille. L'initié lui murmura quelques mots brefs avant que son interlocuteur ne se redresse et lui réponde en fronçant un peu les sourcils, intrigué, mais d’une voix calme.
- Nous en parlerons ce soir, Kodama.
Ce dernier acquiesça une fois simplement avant de s’éloigner sous l’œil sceptique d’Eijiro qui finit par lever les yeux au ciel.
- Bizarre ce type, dit-il en s’avançant de quelques pas.
- Sa différence t’interpelle-t-elle ?, demande le Maître en levant un sourcil.
- Y’a d’quoi, non ? On dirait un fantôme, répondit l'élève en passant une main sur sa nuque pour frotter la base de ses cheveux châtains coupés très courts d'un air perplexe.
- Les fantômes ont la réputation d’être blancs, pas noirs, rétorque-t-il en prenant le chemin du terrain d’entraînement maintenant libre.
- D’accord, admettons. Mais c’est quand même étrange son attitude, surenchérit Eijiro en lui emboîtant le pas.
Le Maître lui indique alors un râteau au bord du terrain d’entraînement en bois vêtu de quelques pièces d’armures.
- Je te laisse ratisser le sol pendant que je vérifie l'état des armes à disposition.
Puis il ouvrit un coffre et entama la vérification des lames tandis que l'initié, non sans une moue dépitée, se saisit du râteau et s'affaira à ajuster le terrain meuble.
- Ainsi donc, tu trouves que Kodama a une attitude particulière.
- Un peu, oui. C’est pas parce qu’il représente Allmogg qu’il doit se prendre pour son incarnation non plus !
- Que fais ta Maison sur Naboro dis moi, Eijiro ?
- C’est assez vaste comme question... elle régit les forges et l’extraction de minerai des terres volcaniques. Pourquoi ?
- Sais tu ce que font les autres Maisons ?
- Oui, ils forment une complémentarité avec Naboro en commerçant avec nous mais j’vois pas le rapport avec Kodama ?
- Natralis où se trouve le Maison de Kodama, les Ruowei, est ce qu’on appelle une planète morte.
- Morte ?, demande-t-il d’un air totalement sceptique. Pourquoi ils y sont alors ?
- Parce qu’elle se trouve proche de l’œil du dragon, le centre de notre galaxie, et que les prêtres Ruowei sont des chercheurs, des savants. Ils pensent pouvoir un jour percevoir l’énergie déployée par les déités lors du conflit galactique et parvenir à la manier.
- Donc... leur rôle c’est de... chercher ?
- Ils sont les gardiens de notre Histoire et tâchent de résoudre l'énigme ancestrale qu’elle représente pour en saisir l'essence et l'exploiter, peut être, à l'avenir, oui.
- Et Kodama est bizarre parce qu’il... étudie de vieux bouquins ?
Le Maître se figea dans sa tâche, un petit bouclier de fer rond dans les mains, et fixa son regard un court instant dans le vide avant de regarder Eijiro en poussant un très léger soupire.
- Je sais qu’il est parfois difficile d’amener les membres des Maisons appréciant la force brute sur le chemin de la réflexion mais toi...
- Moi ?, l’interrogea Eijiro pour l’encourager à continuer alors qu’il interrompit sa besogne pour le regarder d'un air intrigué.
- ... et bien, tu dois être un combattant fort puissant, finit par conclure le professeur en souriant très légèrement.
Le jeune homme lâcha un rire, enorgueillit par le compliment sans percevoir le sous-entendu.
- Évidemment qu’oui ! Vous l’verrez bientôt d’ailleurs !
- Là où je voulais en venir, Eijiro, c'est que Kodama est différent car sa vie l'est aussi de façon radicale mais les Ruowei ne font pas moins partie de la symbiose de notre société. Leur investissement est plus spirituel, presque immatériel, ajoute le Maître sur son ton serein habituel.
- D'accord, répondit simplement le guerrier Teperra tout en lançant quelques branches un peu plus loin dans l'herbe pour dégager le terrain.
Puis après un temps, il ajouta :
- Ça explique pas pourquoi il est bizarre.
Maître Calrann souffla un léger rire avant de répondre, amusé.
- J'imagine qu'étudier les sciences occultes et les écrits relatifs à un dieu de destruction et de malheur peut accessoirement influencer notre comportement. Ce n'est pas pour autant qu'il y adhère, je gage.
Le son de réacteurs interrompit leur activité, le Maître plissant le regard vers le ciel...
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