Il était une fois… un village…
En ce début juillet, Richard Peck et toute sa famille s’étaient entassés, avec leurs bagages dans leur voiture, une Ford Mondéo break, pour se rendre sur leur lieu de vacances. Comme chaque année, ils devaient traverser une bonne partie des États-Unis pour se rendre en Californie et pouvoir profiter du soleil, de la plage et des campings miteux.
Les enfants, Caroline, quinze ans, et Joseph, dix-sept ans, suivaient leurs parents avec la nonchalance qui convenait à des ados blasés. Ils n’étaient pas vraiment enjoués par la perspective de ces quinze jours sous surveillance constante de la vieillerie familiale.
Madame Peck, de son prénom, Monica, suivait son mari avec un enthousiasme assez surfait. Il faut dire qu’un jour, elle avait pris une gifle pour une réflexion anodine. Depuis ce fameux jour, elle avait compris qu’elle devait se méfier des colères de son mari et adaptait son comportement à l’humeur de celui qui partageait sa vie.
Monsieur Peck estimait qu’il était normal que sa famille passe ses vacances ensemble et ne se doutait pas qu’il était bien le seul à penser cela. Sa femme rêvait de le quitter et ses enfants, le considéraient comme un homme de Cro-Magnon à peine dégrossi.
Tout ce petit monde filait vers la côte ouest en évitant soigneusement les autoroutes payantes. Monsieur Peck, ayant des idées bien arrêtées sur le racket de l’état et le scandale des autoroutes, maintes fois payées par les impôts. Le voyage prendrait bien trois jours de plus, mais que représentaient trois jours de voiture en comparaison des jérémiades du paternel ?
Monsieur Peck écoutait la radio, madame Peck rêvassait d’une vie sans son arriéré de mari et les enfants étaient perdus dans leur portable à ricaner devant la dernière vidéo d’un chaton tombant d’un canapé.
Pour une raison inconnue, le GPS de monsieur Peck se figea. Cela arrivait parfois, mais rarement quand ils étaient sur une route inconnue au milieu de nulle part. Au lieu de stopper sa voiture, le temps que l’appareil se resynchronise, monsieur Peck continua sa route, persuadé que filer tout droit ne présentait pas vraiment de problème. Ce satané GPS les remettrait bien sur la bonne route une fois rétablie. Malheureusement, le GPS resta bloqué…
Sentant la colère de son mari pointer le bout de son nez, madame Peck activa son propre GPS, mais à sa grande surprise, l’appareil chercha la bonne route sans jamais la trouver. Les enfants à leur tour proposèrent leur GPS, mais le résultat fut identique.
Monsieur Peck décida donc de continuer sa route, espérant que les GPS finiraient bien par retrouver la connexion avec les satellites. Mais il n’en fut rien…
Monsieur Peck, certain de son sens de l’orientation, s’entêta sur cette route inconnue, qui petit à petit, se transforma. Elle perdit subitement son bitume, puis devint de plus en plus étroite pour finalement se changer en un sentier à peine praticable pour une voiture.
Alors qu’il s’apprêtait à faire demi-tour, monsieur Peck aperçut un petit village au loin. Il décida de poursuivre jusqu’au patelin afin de questionner les habitants sur la meilleure route à suivre pour se rendre en Californie.
Monsieur Peck et toute sa famille pénétrèrent dans la zone d’influence du « village » le samedi 6 juillet 2024 à 13h15…
***
Plus il approchait du village, plus Richard doutait que ce soit vraiment une bonne idée de continuer dans cette direction.
- Monica, t’en penses quoi de ce bled ?
- Fais demi-tour Richard ! J’ai une mauvaise intuition…
Sans vraiment se l’avouer, Richard commençait lui aussi à avoir comme un pressentiment douteux. Caroline et Joseph avaient lâché leur portable, qui de toute façon ne captaient plus le réseau et regardaient d’un air éberlué ce village issu tout droit d’un mauvais western de série B.
- Papa, fais demi-tour, supplia Caroline d’une voix chevrotante.
Joseph semblait terrorisé et n’arrivait même plus à parler.
Richard luttait contre lui-même. Allait-il, comme sa femme et ses enfants lui suggéraient, s’enfuir comme un idiot apeuré sans même demander sa route à ces gens ?
La voiture roulait au pas, mais avançait inexorablement vers ces bâtiments issus de la conquête de l’ouest. Étaient-ils entrés par inadvertance au milieu d’un décor de film ? Toutes ces constructions dataient de la fin des années 1890.
Ce village semblait issu d’un passé lointain et mettait mal à l’aise toute la petite famille.
Alors que Richard s’apprêtait à faire demi-tour, la voiture calla et s’arrêta. Elle avait atteint le premier bâtiment d’où sortaient déjà plusieurs personnes. La peur était désormais visible sur le visage des vacanciers, surtout quand Richard tenta de faire repartir la voiture. Le démarreur ne se lança pas, plus aucun voyant n’était allumé sur le tableau de bord. La voiture ne réagissait plus, comme si la batterie était vide ou débranchée.
Les habitants du village ne s’étaient pas approchés. Ils restaient à bonne distance de la voiture. Seul un homme, avec un chapeau de cow-boy, se présenta devant la vitre de Richard.
- Besoin d’aide, l’ami, l’interpella John.
- Je ne comprends rien, la voiture s’est arrêtée et plus moyen de la redémarrer.
L’inconnu sembla réfléchir, puis appela avec de grands gestes des bras d’autres habitants des lieux.
- Vous autres ! Venez pousser la voiture, il est en panne !
Monsieur Peck resta au volant pour diriger sa voiture alors que sa femme et fille sortirent se placer sur le bas côté. Joseph Peck se plaça à l’arrière du véhicule pour aider à le manœuvrer. Quatre hommes s’étaient portés volontaires pour pousser la voiture vers un petit parking qui semblait prévu à cet effet.
La Ford Mondéo fut garée dans un cimetière de véhicule de tout âge. Allant d’une charrette en bois datant du début du siècle en passant par une traction avant, un bus Volkswagen des années 60, une Mustang des années 80 et plusieurs modèles des années 90 à 2010.
Ce parking contenait l’histoire des véhicules américains de ses débuts à nos jours. Un musée aurait accueillit cette collection avec joie.
Monsieur Peck s’en amusa :
- Vous collectionnez les véhicules qui tombent en panne chez vous ?
- C’est un peu ça, répondit John en souriant.
- Vous n’avez pas de garage ? Ou de mécano pour les réparer ?
- Si, bien sûr, on a Bill ! C’est un peu notre homme à tout faire. Je vais lui dire de jeter un œil à votre moteur.
- Merci, se contenta de répondre Richard.
- Venez avec moi, je vous paye un café le temps qu’il intervienne.
John guida Richard et sa famille dans ce qui était communément appelé : un saloon !
Ils s’installèrent un peu à l’écart et furent rapidement rejoints par Marie, une femme assez forte d’une cinquantaine d’années. Son visage était marqué et n’avait pas souri depuis des lustres. Cette femme aurait pu être le croquemort des lieux.
Elle posa son gigantesque fessier sur un banc qui plia et geint sous l’effort. Elle ne s’en offusqua pas.
- Mes amis, je vous présente Marie. Elle s’occupe des gens qui, comme vous, arrivent de façon inopinée dans notre village… le temps qu’on répare votre auto, bien sûr.
- Mais, j’ai juste besoin qu’on change ma batterie, répondit Richard.
- Oui c’est ça, le temps qu’on change votre batterie.
- Et Bill est déjà sur le coup ?
- Bah oui. S’il n’arrive pas à redémarrer votre voiture, il changera la batterie.
Richard dévisageait John avec insistance. L’aimable cow-boy ne lui disait pas toute la vérité.
- Que ma cachez-vous ?
La tension monta d’un cran. Dans le saloon, les habités se levèrent et quittèrent les lieux. Bientôt, la famille Peck resta seule face à John et Marie. Ce fut John qui prit la parole :
- Je vais vous raconter une histoire et ce que je vais vous dire… ne va pas vraiment vous plaire…
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