Chapitre 1 : Nouveau départ
La brise mordante du matin lui rappelait qu'elle avait oublié ses gants et probablement ses bonnes résolutions. Elle s'engouffrait par la fenêtre ouverte du vieux fourgon, transformant les cheveux de Claire en un désordre artistique qu'elle n'aurait jamais choisi elle-même.
Elle ressera son foulard autour de son cou, jetant un regard complice à Adrien, son mari, qui conduisait avec un sourire tranquille. À l'arrière, Jules et Lou, leurs enfants, faisaient un concours pour savoir qui repérerait en premier une vache ou un château. Spoiler : la vache allait gagner, vu la densité bovine locale.
Cela faisait des mois qu'ils préparaient leur départ, avec l'envie de quitter la grisaille parisienne pour l'inconnu. L'Aveyron. Une région dont ils ne savaient presque rien, si ce n'était que le fromage y semblait être une religion et que les paysages ressemblaient à des fonds d'écran d'ordinateur. Tout cela semblait un peu irréel, comme si eux, parisiens endurcis, allaient vraiment réussir à s'intégrer dans un tableau de paysage tranquille à la campagne.
Leur projet ? Rénover une vieille ferme achetée sur un coup de tête et un coup de cœur, un combo risqué mais, selon Claire, parfaitement logique. La bâtisse, avec son toit d'ardoise et ses murs de pierre, avait l'air d'avoir survécu à quelques siècles de vents, de pluies et peut-être même à une invasion de poules. C'était loin d'être le paradis tout prêt, mais c'était leur nouvelle aventure.
"Regardez !" s'écria Lou, pointant du doigt un troupeau de brebis.
"Ah, ça y est, les stars locales", répondit Adrien en riant.
Claire se retourna, admirant le vert des pâturages qui semblait s'étendre à l'infini. Même si elle se demandait à cet instant si leurs enfants allaient les renommer "les gens de la campagne qui ne mettent plus jamais de chaussures propres".
Ils arrivèrent au hameau peu après midi. Quelques maisons, un peu penchées mais pleines de charme, entouraient une petite église romane dont la cloche sonnait comme une chanson d'un autre temps. Claire descendit du fourgon et inspira profondément. L'air pur lui fit presque tourner la tête. Elle se tourna vers Adrien, amusée.
"C'est officiel. Je vais devenir l'une de ces personnes qui parlent du "bon air de la campagne."
Adrien hocha la tête avec un sourire. "Tant que tu ne m'obliges pas à dire "on fait tout maison", ça me va."
La ferme, nichée au bout d'un chemin de terre bordé de noisetiers, semblait les attendre avec l'air fatigué d'une vieille dame qui aurait besoin d'un bon coup de peinture et d'une séance de yoga. Jules grimpa sur le muret bordant la propriété, les yeux ronds comme des billes.
"C'est énorme ! On peut vraiment vivre là-dedans ?"
"Pas tout de suite !" répondit Adrien en riant. "À moins que tu sois fan des araignées."
Alors qu'ils déchargeaient leurs affaires, une silhouette apparut à l'entrée du jardin. Un vieil homme, vêtu d'une chemise en lin et d'un béret, les observait avec un sourire chaleureux. "Le cliché parfait", songea Claire.
"Bienvenue au bout du monde, Miladiou* !" lança-t-il avec un accent chantant.
Claire lui tendit la main. "Non, moi c'est Claire. Merci. C'est exactement ce qu'on cherchait. Enfin, sauf peut-être les ronces", ajouta-t-elle en désignant le jardin.
Le vieil homme éclata de rire. "Les ronces, c'est cadeau ! Vous verrez, elles sont très accueillantes."
C'est ainsi que commença leur nouvelle vie. Entre les travaux, les rencontres improbables et quelques ratés mémorables, ils allaient découvrir que l'Aveyron était bien plus qu'un simple décor bucolique : c'était un endroit où tout pouvait arriver... surtout l'inattendu.
*Miladiou est une expression typique du sud de la France, notamment en Occitanie et dans l'Aveyron. C'est une exclamation qui exprime la surprise, l'étonnement ou parfois même l'agacement. Pour l'anecdote, la première fois que je l'ai entendue, j'ai répondu : "Non, moi c'est Delphine." Pour ma défense, j'avais 14 ans, pas presque 40.
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