Chapitre 4 : Du rêve aux réalités
Quelques jours avaient passé depuis la découverte du coffre dans la grange. Après l'excitation, la famille s'était remise des émotions (et de la poussière) et avait décidé de faire une pause, ainsi que de se concentrer pour parler de leur grand projet : transformer la vieille ferme en maison d'hôtes.
"On va accueillir des gens de toute la France. Imaginez, des touristes qui viendraient ici." s'enthousiasma Claire, les yeux brillants en consultant ses notes. "Un lieu unique, avec des chambres confortables et un charme rustique. Ils seront séduits par l'authenticité !"
Adrien grimaça, enfoncé dans une chaise bancale.
"Authentique, c'est sûr. Confortable, on en reparlera quand on aura réparé le toit. Mais séduits...attends qu'ils voient les murs qui s'effritent."
Lou, qui gribouillait sur une feuille, leva la tête. "Moi, je veux une chambre rose pour les invités !"
Jules protesta. "Et moi, une salle de jeux."
"Et moi, une maison qui ne tombe pas en ruine", répliqua Claire en soupirant.
Pour avancer sur leur projet, Claire décida de s'attaquer à deux choses : organiser les travaux et descendre au village. Objectif : acheter des provisions, glaner des conseils, et, si possible, obtenir des informations supplémentaires sur la fameuse maison Duval.
"C'est l'occasion de rencontrer des gens du coin et de mieux comprendre ce qu'on pourrait offrir aux touristes." déclara-t-elle en ajustant son foulard.
"Bonne chance" lança Adrien de sa chaise bancale. "Ramène des clous, du lait, de la patience, et, si possible, une bonne dose de courage."
Armée d'un panier et d'un optimisme fragile, Claire prit le vieux vélo retrouvé dans la grange. Un modèle tellement vintage qu'il aurait mérité une place dans un musée .
"Maman, tu es sûre qu'il roule encore ?" demanda Lou en observant les pneus à moitié dégonflés.
"Ça ira très bien", répondit Claire avant de pédaler en direction du village.
Mais dès les premiers mètres, elle regretta ses paroles : Le chemin, bordé de champs et de haies pleines de ronces, était idyllique en théorie, sauf quand on devait s'arrêter tous les dix mètres pour remonter une chaîne récalcitrante qui grinçait comme un vieux moulin. Chaque bosse du chemin semblait vouloir tester ses limites et surtout son périnée.
Arrivée au village, elle attira immédiatement l'attention et fut repérée sur-le-champ.
Les Parisiens étaient encore une nouveauté et une curiosité locale. Tout le monde semblait avoir un avis sur eux, et les regards ne manquaient pas. Elle entra dans l'unique épicerie du coin, où Mireille, la fameuse voisine au tracteur rouge, était en pleine négociation et menait un débat animé avec Robert, l'épicier.
" Non mais écoute-moi bien, Robert : ces pommes, elles sont plus chères qu'à Rodez ! Tu veux ruiner ta clientèle ? Je te le dis, Robert, ces pommes sont une insulte à notre terroir !" tonna Mireille, plantée comme un général en campagne.
Robert leva les mains en signe de reddition. " Calme-toi, Mireille, c'est juste une augmentation de vingt centimes, pas un complot", répondit-t-il en soupirant.
"Vingt centimes ? Et après quoi ? Tu vas vendre des patates à prix d'or ?".
Claire, tenta de passer inaperçue en se faufilant discrètement entre les étals, mais son panier heurta malencontreusement un présentoir, faisant tomber un paquet de nouilles. Mireille se retourna aussitôt, comme un faucon qui aurait repéré une souris.
"Ah ! Voilà notre parisienne préférée ! Alors, comment ça se passe dans votre château ? Vous avez survécu aux araignées ?" lança-t-elle avec un sourire aux lèvres, mi-sarcastique, et mi-amusé.
Claire, un peu intimidée et gênée, salua Mireille. "C'est... une maison avec beaucoup de potentiel."
"Potentiel !" répéta Mireille en éclatant de rire. "C'est comme ça qu'on dit "ruine" à Paris, hein ?"
Après quelques échanges légers, Claire aborda leur projet de maison d'hôtes.
" Des touristes ? Chez vous ?" s'étonna Mireille. "Ils savent que c'est pas un hôtel cinq étoiles et qu'ils devront cohabiter avec les poules ? hein ? "
Claire sourit avec assurance (ou du moins, elle essaya).
"C'est justement ça, le concept ! Authentique, chaleureux, et... euh... rustique. C'est ça le charme !" tenta Claire, fière de son argumentaire.
Mireille secoua la tête, amusée. "Rustique ? Ma chérie, ici, rustique, ça veut dire qu'il faut savoir vivre avec les souris et les coupures de courant. T'es sûre que tu vas supporter ? T'as du courage. Mais bon, c'est vrai les parisiens, ils aiment bien les trucs "authentiques". Tu devrais peut-être leur vendre des bocaux de l'air de la campagne."
Claire tenta de détourner la conversation. "Vous connaissez bien la maison ? Elle a une histoire intéressante, non ?"
Mireille plissa les yeux, soudain intriguée. "Ah, tu parles de la maison Duval. Oui, elle a une sacrée réputation. Y'a toujours eu des histoires autour. Mais fais gaffe : les secrets de cette maison, ils ont fait fuir plus d'un curieux."
"Fuir ? Pourquoi ?" demanda Claire, avec un mélange de curiosité et d'inquiétude.
Mireille haussa les épaules. "Disons que certains mystères, c'est mieux de les laisser tranquilles. Mais si tu veux vraiment savoir, va voir le vieux Gustave. Il a travaillé là-bas dans sa jeunesse. Attention, il adore raconter des histoires, il parle beaucoup, et pas toujours de trucs crédibles. Mais il sait des choses, même si la moitié, c'est sûrement des bêtises."
Après avoir rempli son panier (et écouté Mireille débattre avec trois autres clients sur la meilleure recette de confit de canard), Claire reprit la route sur son vélo. Mais sur le chemin, elle se rendit compte que son panier était trop lourd pour la bécane rouillée. Le retour fut moins paisible que prévu.
"Allez, pédale, t'es une femme forte", se murmura-t-elle, les cuisses en feu.
Soudain, un chien surgit de nulle part, aboyant furieusement comme s'il avait vu un fantôme. Claire, surprise et paniquée, tenta d'éviter l'animal, mais fit un écart monumental. Résultat : elle atterrit dans un fossé, le vélo sur elle, son panier de courses renversé dans l'herbe.
" Fantastique. Magnifique. Parfait. La campagne, c'est tellement relaxant." grogna-t-elle en se relevant, couverte de boue.
Quand elle rentra enfin à la ferme, Adrien et les enfants l'accueillirent avec des regards mi-hilares, mi-inquiets.
"Alors, c'était comment le village ?" demanda Adrien avec un sourire moqueur.
"Intense, mais j'ai survécu", annonça Claire, les bras chargés de provisions et les cheveux pleins de feuilles. "Et j'ai des informations. J'ai appris qu'on doit parler à un certain Gustave."
Adrien éclata de rire. "Le vieux Gustave qui raconte qu'il a vu des extraterrestres dans les années 70 ? Ça promet."
Claire soupira. "Tu plaisantes, mais oui, celui-là. Si quelqu'un peut nous en dire plus et nous éclairer sur cette maison, c'est bien lui."
"Très bien, on ira le voir", déclara Adrien. "Mais seulement après avoir réparé ton vélo. Tu veux qu'on t'offre des petites roulettes ?"
Une chose était sûre : entre leur projet de maison d'hôtes, leurs découvertes dans la cave et leurs rencontres avec les habitants du coin, leur nouvelle vie s'annonçait aussi rocambolesque qu'imprévisible. Et sans doute, encore quelques chutes spectaculaires.
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