Chapitre 5 : Gustave le sage (ou presque)
Quelques jours plus tard, après avoir localisé la maison de Gustave grâce aux indications de Mireille ("C'est la baraque avec le portail qui grince comme un chat qu'on a écrasé"), Claire et Adrien s'y rendirent, intrigués et un peu méfiants.
La demeure était exactement comme on pouvait s'y attendre en entendant le nom de Gustave. Un vieux corps de ferme aux volets fatigués, un jardin à moitié entretenu où cohabitaient joyeusement des rosiers, des orties, deux cerisiers tordus, et bien sûr, le fameux portail qui laissa échapper un gémissement lugubre lorsque qu'Adrien le poussa.
Ils trouvèrent Gustave assis sur un vieux banc en bois dont le vernis s'écaillait par endroits, une roulé se consumant lentement entre ses mains et un béret sur la tête. Exactement comme on l'aurait imaginé dans un film sur le Larzac. Il ressemblait à une illustration vivante du vieux berger du village sauf qu'au lieu de s'occuper de moutons, il semblait parfaitement occupé à observer la vie passer. En les voyant, il leva un sourcil amusé et les jaugea d'un regard pétillant avant de lâcher :
"Ah, les Parisiens ! Mireille m'a dit que vous jouiez aux explorateurs dans la maison Duval."
Claire sourit poliment. "Nous voudrions en savoir plus sur la maison. Elle a une histoire, non ?"
Gustave hocha la tête, prenant un temps démesurément long pour aspirer sur sa roulé, avant de répondre.
"Oh, elle en a des histoires, cette maison. Des bonnes, des moins bonnes... et des qui font froid dans le dos."
Adrien, qui avait du mal à contenir son scepticisme, haussa un sourcil. "Froid dans le dos ? Comme quoi ?"
Gustave se pencha en avant, baissant la voix. "Il paraît qu'un des anciens propriétaires y aurait caché quelque chose d'important pendant la guerre. De l'argent, des bijoux... Personne ne sait vraiment. Mais ceux qui ont essayé de fouiller ont tous abandonné. On dit que la maison ne voulait pas qu'on découvre ses secrets."
Claire et Adrien échangèrent un regard.
"C'est-à-dire ?" demanda Claire, suspendue à ses lèvres.
"Des bruits la nuit, des objets qui bougent tout seuls... Des visiteurs qui tombent malades..." répondit Gustave avec un sourire énigmatique.
Adrien secoua la tête. " Et ça ne serait pas juste parce que la maison est vieille, humide et pleine de rats ?"
Gustave éclata de rire. "Peut-être. Mais allez savoir... Les vieilles pierres, elles ont une mémoire, vous savez."
Il tapa sur l'accoudoir de son banc, faisant sursauter un chat roux qui dormait à ses pieds. L'animal le fusilla du regard avant de se rouler en boule ailleurs, dans un coin plus calme.
"Vous savez, poursuivit Gustave, mon grand-père me racontait toujours que cette maison portait malheur à ceux qui cherchaient trop à comprendre. Un cousin de ma belle-soeur, enfin, l'ex-femme de mon frère, parce qu'ils ont divorcé après une sombre histoire de concours de potiron, a voulu la racheter il y a vingt ans. Eh bien, avant même d'avoir signé, il est tombé dans un puits !
Claire écarquilla les yeux. "Dans un puits ?"
"Oui, bon, techniquement, c'était un fossé, et il était un peu éméché. Disons que son alambic était un peu trop généreux ce jour-là. Une dernière cuvée de niole maison, et hop le faussé a l'air d'un excellent fauteuil. Mais c'est pareil... le résultat est le même, dit-il en aspirant sur sa roulé. Depuis, plus personne ne veut trop s'en mêler.
Il hocha la tête d'un air mystérieux avant d'ajouter :
"Et puis, entre nous, y a bien trop d'escaliers dans cette maison. Vous avez remarqué ? À chaque fois que vous en descendez un, y en a un autre qui apparaît comme par magie.
Moi, je dis que rien de bon ne se passe dans une baraque où même les fantômes doivent prendre des pauses pour souffler.
Claire, ne put s'empêcher de rire. Adrien, lui, soupira.
" On a acheté un labyrinthe hanté, génial. J'espère au moins qu'on ne trouvera pas la Bête du Gévaudan dans la cave."
Gustave éclata de rire.
"Oh non, celle-là, elle préfère dormir dans le grenier. Mais méfiez-vous quand même, y a une vieille rumeur qui dit qu'un type a voulu refaire la toiture et qu'il a disparu.
Claire et Adrien se figèrent.
"Disparu ?" demanda Claire, l'air grave.
"Enfin...disparu une journée, hein. Il était juste coincé dans une poutre. Mais c'est dire si cette maison aime garder ses secrets.
Alors qu'ils prenaient congé, Claire remercia Gustave, tout en notant mentalement de ne pas trop en parler aux enfants.
Sur le chemin du retour, Adrien marmonna :
"Super. Donc, soit on finit hantés, soit on se coince dans une charpente. Je m'attends à voir un placard nous attaquer pour défendre son contenu. Des secrets, des objets qui bougent... On n'a pas signé pour un film d'horreur en Aveyron, je te le dis. Vraiment, quelle belle aventure."
Claire, malgré tout, ne put s'empêcher de sourire. La maison Duval n'avait pas encore révélé tous ses mystères, mais une chose était sûre : leur nouvelle vie serait tout sauf ennuyeuse.
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