Chapitre 12 : Révélations, rires et un client...vraiment étrange
Le mystère autour de Pauline n'avait pas refroidi à l'ambiance à la ferme. Au contraire, Jules et Lou avaient décidé que tout cela ressemblait à une mission secrète et s'étaient autoproclamés "Agents Très Spéciaux du Coffre Perdu". Armés de leurs jumelles en plastique et d'un carnet de notes sur lequel Lou dessinait surtout des licornes, ils passaient leurs journées à observer Mireille, convaincus qu'elle cachait quelque chose.
Un après-midi alors que Mireille discutait bruyamment avec Claire près du poulailler, Jules et Lou décidèrent de fouiller son panier en osier, posé négligemment sur une chaise.
"Tu crois qu'elle cache des indices dans ses oeufs ?" demanda Lou, sceptique.
"Non, mais regarde !" murmura Jules en sortant un carnet à couverture en cuir, vieilli et griffoné de notes.
Ils feuilletèrent rapidement, et leur excitation grandit lorsqu'ils tombèrent sur une photo coincée entre deux pages. C'était un vieux cliché en noir et blanc montrant Mireille, plus jeune, à côté d'une femme élégante... Pauline.
"C'est elle !" s'exclama Jules en montrant la photo à sa sœur.
"Alors, elle se connaissent vraiment ! Mireille nous a menti." Lou plissa les yeux. "Je parie qu'elles faisaient partie d'un gang... ou qu'elles ont volé des trucs."
Avant qu'ils ne puissent élaborer davantage leurs théories, une ombre imposante tomba sur eux. Mireille, bras croisé, les regardait fixement.
"Et je peux savoir ce que vous faites avec MON carnet ?" grogna-t-elle.
Les enfants échangèrent un regard paniqué avant de répondre à l'unisson :
"On vérifiait juste si tes œufs étaient bio !"
Mireille éclata de rire. "Vous êtes des petits malins, hein ? Bon, d'accord, je vais vous dire. Pauline et moi, on se connaît parce qu'elle est ... ma belle-soeur."
Les enfants bouche bée, n'avaient pas prévu cette révélation.
"Elle a été mariée à mon frère, mais ils ont divorcé. Elle a toujours aimé les vieilles histoires, les trucs mystérieux, et je parie qu'elle vous a fait tourner en bourrique."
Avant que les enfants n'aient le temps de digérer cette information, une caravane criarde, ornée de guirlandes lumineuses multicolores et traînant un scooter accroché par des tendeurs, se gara dans la cour. Un homme grand et maigre, coiffé d'un chapeau melon et vêtu d'un gilet jaune fluo, en descendit en faisant un grand salut.
"Bonjour, mesdames et messieurs !" Je suis Jean-Guy De la Tourniole, artiste itinérant, poète de l'absurde et sommelier autodidacte !"
Adrien, déjà en train de faire le bilan de tout ce qui allait encore casser, lança un regard désespéré à Claire.
"Je crois qu'on tient notre client le plus bizzare."
Jean-Guy s'approcha, traînant une valise qui émettait des bruits métalliques inquiétants.
"Je viens pour la chambre avec vue ! Et si possible, un espace pour m'entraîner à jongler avec mes couverts."
Claire sourit poliment. "Euh...bienvenue ! Et vos...couverts ?"
Jean-Guy hocha la tête, très sérieux. "Oh, oui. Je suis un maître du jonglage gastronomique : cuillères, fourchettes, assiettes, je fais tout. Vous verrez, ça laisse les gens bouche bée. Enfin, sauf quand une cuillère tombe."
Alors que Jean-Guy, tout sourire, traînait sa valise bruyante derrière lui, Adrien, les bras croisés, ne put s'empêcher de lever un sourcil en voyant la caravane colorée.
"Permettez-moi, Monsieur De la Tourniole," commença Adrien, un air perplexe sur le visage, "mais pourquoi ne souhaitez-vous pas dormir dans votre caravane ? Elle semble pourtant... assez accueillante, non ?"
Jean-Guy posa son chapeau melon avec une grande solennité, avant de répondre avec un ton dramatique : "Ah, mon cher monsieur, la caravane... c’est une prison, une véritable geôle pour un artiste tel que moi. Elle est encombrée de tout un tas de souvenirs désuets, de pots de peinture oubliés et même d’un juke-box qui chante des airs passés de mode !"
Il leva les mains, comme un chef d'orchestre s’apprêtant à dévoiler une grande vérité. "Je ne peux pas créer dans un tel lieu ! L’atmosphère y est oppressante, noyée par des boîtes de conserve vides et des vieux pinceaux..."
Il fit une pause théâtrale, comme s'il portait un lourd fardeau. "Non, non, non, Monsieur. La caravane, c’est pour entreposer les œuvres non achevées, les rêves qui n’ont pas trouvé leur forme. Moi, je cherche l’espace, la lumière, l’inspiration pure ! Et peut-être un canapé un peu plus... confortable pour mes méditations nocturnes."
Jean-Guy se tourna alors vers Claire et, d'un geste théâtral, ajouta : "En plus, il n’y a même pas de fenêtres avec vue ! Un artiste sans fenêtre, c’est comme un poisson sans eau. Une véritable mutilation de l’âme !"
Adrien, un sourire amusé malgré lui, secoua la tête. "Donc, si je vous suis bien, il vous faut absolument une 'chambre avec vue' pour que votre génie puisse s’exprimer, n’est-ce pas ?"
Jean-Guy s’éclaircit la gorge et tendit la main avec gravité : "Exactement, mon cher ! Un espace où l’art peut respirer, librement. Ou, à défaut, un endroit où je puisse m’adonner à mon exercice favori : jongler avec mes couverts."
À l'heure du dîner, Jean-Guy insista pour "animer la soirée". Pendant que les autres clients, amusés, tentaient de comprendre ses poèmes énigmatiques sur "l'âme des tire-bouchons", Lou et Jules interrogèrent Mireille dans un coin.
"Alors, Pauline et toi, vous faisiez quoi ensemble ?" demanda Jules.
Mireille laissa échapper un long soupir. "Rien d'illégal, si c'est ce que vous pensez," dit-elle d'un ton lassé. "Mon frère avait hérité d'une vieille maison, avec, comme dans celle des Duval, un coffre mystérieux. Pauline était déjà venue chez les Duval, et, à l'époque, elle avait repéré le même coffre. Elle était convaincue qu'il renfermait un trésor, mais mon frère ne voulait jamais qu'elle y touche. Il lui disait que c'était juste un vieux meuble sans importance, mais moi, je savais bien que c'était de vieilles pierres..." Elle s'interrompit un instant, les yeux perdus dans ses pensées.
Lou, la curiosité piquée au vif, murmura alors, d'une voix presque rêveuse : "Et si ce n'était pas que des pierres ?"
Mireille haussa les épaules. "Qui sait ? Mais je ne suis pas du genre à courir après des fantaisies. Maintenant, si vous voulez bien, je vais éviter que votre poète là-bas ne mette le feu à la nappe."
Jean-Guy, décidément fidèle à lui-même, termina son spectacle en jonglant avec trois cuillères, une pomme et... un couteau. Lorsque l'ensemble s'écrasa sur la table avec fracas, Adrien éclata de rire nerveusement.
"Je crois qu'on va se souvenir de celui-là."
Mais dans un coin du salon, Jules et Lou continuaient de réfléchir. Le coffre, Pauline, Mireille... Tout cela formait un puzzle étrange. Et si Pauline chercher toujours ce fameux coffre ?
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