Proposition : inventer un métier loufouque
Durée : 50 minutes

Être éleveur de métro n’est pas un travail de tout repos. Tout ne roule pas toujours comme on voudrait. Les métros se trouvent dans des hangars périphériques. Ils y vivent en troupeau. Pour pouvoir les contrôler, on sépare les jeunes mâles. Ils se chamaillent tout le temps. Ils ne cessent de se chercher quand ils se croisent. Il ne faudrait pas grand-chose pour que ça déraille. Mais si on sépare les fratries, on leur laisse garder une correspondance, on n’est pas des sauvages. Alors commence l’élevage.

La bouche de métro est un puits sans fond. Il faut faire attention à son alimentation. Gare au gavage ! Il faut qu’il garde la ligne, sinon il reste à quai. L’estomac du métro est fragile. Il n’est pas rare qu’il ait des aigreurs. Des remontées acides. Souvent, il sature. Comme une impression de trop-plein. Alors il peine à avancer, il rame. On n’est plus loin de l’incident technique. Des éleveurs véreux leur font une ligne pour tenir. Un petit rail de coke pour qu’ils pointent à l’heure.

La reproduction des métros est un sujet épineux. Il faut trouver le bon étalon, celui qui n’a jamais de panne. On l’approche alors d’une femelle en station couchée – faites attention à vos doigts, ça pourrait pincer très fort – et la nature fait son travail. Le ticket est poinçonné. Si votre métro a du retard, alors elle est enceinte du métro. Vous aurez bientôt plein de petits wagons vigoureux.

Quand le métro a fait son temps, qu’il voit le bout du tunnel, c’est l’heure de la retraite. Il a roulé sa bosse, voilà qu’on le désosse. Il a vu les plus jeunes arriver, les derniers métros qui lui ont pris son boulot. On le met à la porte, c’est automatique. Il regrette son train-train quotidien, mais profite d’un repos mérité. Après toutes ces années, il reste sur le quai.