2.9. Écriture
Proposition : Écrire sur l'acte d'écrire
Durée : 50 minutes
Quand je marche dans la ville, dans les rues de Paris, mon esprit s’égare. Je regarde les gens qui vont et qui viennent, les filles surtout, et alors le désir s’invite, comme un besoin irrépressible. J’ai l’incipit qui me démange. Je cherche un endroit où m’asseoir et sors mon attirail, car déjà ma main s’impatiente. Je saisis ma plume et ouvre mon carnet. C’est le premier jet. Les mots coulent sur les feuilles, tâchent les pages d’une écriture à peine lisible, celle que ma mère et mes professeurs m’ont reprochée pendant mes jeunes années. Mais la vanne est ouverte, il faut tout relâcher. Mes mouvements s‘accélèrent, l’inspiration ne doit pas s’épuiser. Qu’importe le style. Qu’importe les mots. Ce ne sont que des préliminaires. Il faut que les idées fusent. La plume caresse le papier, puis sur une hésitation, elle le griffe. Et elle repart au plus vite. Il ne faut pas faire retomber la tension. Parfois, une belle formule apparaît, c’est comme une jouissance. Je la sens qui me traverse de page en mot. Pour un baiser dans le cou, je t’écrirai un haïku.
Quand l’excitation retombe, je referme mon carnet. Je n’ose regarder ce que j’y ai fait de peur d’en avoir honte. J’ai l’impression d’avoir fait l’amour à une fille de passage, vite fait, bien fait, un cinq à sept maladroit mais plein de surprises.
Une fois rentré le soir, le besoin est trop fort, je ressors mes feuillets du tiroir. Je relis. C’est une claque. C’est lourd et pataud. On dirait la dissertation d’un lycéen moyen. Pourtant, tout à l’heure, dans l’excitation du moment, cela avait l’air merveilleux. Mais je dois écrire à tout prix. Goncourt et Renaudot ne sont pas que des mots. Voici l’heure de la correction. Je me retrousse les manches, prêt à mettre la fessée aux répétitions. Les adverbes n’ont qu’à bien se tenir ! Alors je paraphrase et file les métaphores. Entre deux anaphores, j’ajoute un peu d’emphase. Tout est question de rythme et de tempo. Il faut tenir la cadence. Bourré de caféine, je traque les mots entre les lignes. Je taille dans le gras et rature à tout-va. L’encre tantôt créatrice se fait castratrice. J’élimine et l’enlève, je ne garde que la sève. Elle devient semence. Quand j’écris, j’éjacule. Mes phrases sont telles des spasmes. Mes mots souillent le papier. De bas en haut, du recto au verso et jusqu’à l’épilogue, au chapitre final, quand la dernière sentence frappera le lecteur. C’est une pulsion de mon âme, qui condamne et répulse. Lis mes écrits et vois : ils sont une confession. Tu perces mes secrets, mais j’ai percé l’abcès. Tu entres dans mon cœur, mais j’ai extrait la douleur. Dans un dernier sursaut, ma main s’affaissera, et mon tout dernier mot, ne sera pas pour toi. Le plaisir solitaire, c’est écrire, non se taire.
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