Le 25 janvier 2022, à 7h00 sous le saule.

Il est sept heures à peine quand j'arrive sous le grand saule. Si tout se passe comme je l'espère, ils ne devraient plus tarder. Mon corps frissonne à l'idée qu'ils arrivent trop tard ou tout simplement qu'ils n'ont pas reçu mon message. Ou pire encore, qu'ils ne puissent pas venir, engagés dans une autre mission. En ce matin d'hiver, la neige a recouvert mes pas, ne laissant aucune trace de mon passage. Je ne suis qu'une ombre qui se dessine au clair de lune. La chouette effraie, petite compagne de cette aube naissante, me rassure de sa présence.

Adossée au tronc, je me souviens de la première fois où j'ai croisé le regard de Tom. Tu m'étais apparu, un jour de février, alors que j'étais venue me perdre dans ce lieu isolé. Tu m'as tendu la main et tout à coup j'ai compris que tu serais toujours là quand j'aurai besoin toi. Grand, fin et si charmant, les premiers mots que tu m'as adressés m'ont volé un premier sourire. Par magie, tu as gommé les angoisses qui naissaient en moi. Mon cœur se serre à l'idée qu'aujourd'hui tu ne puisses pas venir m'aider.

Lentement, je me laisse glisser dans la neige, le froid n'a plus d'emprise sur moi. Il m'enveloppe, tout comme toi tu le fais Jérémie, quand la vie me malmène, me bouscule ou me chahute. Tu es mon reflet dans le miroir. Chacun de tes mots se dépose avec délicatesse, cherchant avant tout à m'apaiser. Dans tes cheveux, j'aime glisser mes doigts. Ce geste tendre m'a réconforté tant de fois. Tu es cet homme qui rêve de changer le monde pour le rendre meilleur. Permettre à notre terre d'avoir la place qu'elle mérite. Mes mains te cherchent et ne te trouvent pas, j'ai tellement besoin de toi, avant qu'il ne soit trop tard.

Mes battements de cœur se font plus rapides et tressautent en entendant les crissements des pas qui se rapprochent. Ils ne ressemblent en rien à ceux d'Alexis qui lui est entré dans ma vie sans faire de bruit. Alexis, j'ai découvert que même si tu voulais toujours avoir raison, tu prenais à chaque fois le temps d'écouter mes complaintes. Tu as relevé ta première mission avec talent, et ta progression est fulgurante. Toujours droit dans tes bottes, tu ne souhaites qu'une chose, défendre tout un chacun pour ne laisser personne au bord du chemin. Ce matin, j'espère que tu retrouveras la route qui mène jusqu'à moi.

Je sens de plus en plus sa présence malsaine, oppressante, il n'est plus très loin. Mike où es-tu ? Combien de fois, tu es apparu dans mon dos essayant de me surprendre ? Combien de fois tes bras sont venus me serrer contre ton torse pour me rassurer ? Dans tes yeux, je vois le courage qui me manque parfois. Tu es le premier qui a compris qu'une "Attrape Rêve" se devait d'être libre. En ce matin d'hiver, on veut me voler ce que j'ai de plus profond en moi, le rêve utopique de créer un monde meilleur. Je milite pour l'abolition des frontières. Je me bats pour que la différence que chacun possède, soit aussi précieuse que la vie.

Mon corps se tétanise en sentant sa présence toute proche. Un souffle nauséabond vient se glisser sur moi, diffusant un parfum qui me dégoute. Mes amis, il est déjà trop tard. Mon discours est prêt, mon livre ouvert à la page tolérance et bienveillance. Je devais le prononcer, dans une semaine, au congrès des Nations Réunies, pourtant à cet instant je sais que je n'y serai pas. Tous mes espoirs s'envolent. Le vent glacial s'engouffre dans mon manteau. Le soleil se lève sous mon saule, j'emmène avec moi vos sourires.