Chapitre 4 : L'illusionniste (Alex’s_18)

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Le 25 janvier 2022 7h26, appartement d'Alexis.

Un sourire fugace passe sur mes lèvres lorsqu'enfin, les premiers rayons du soleil inondent la ville d'une lueur orangée. Véritable disque flamboyant dans le ciel déjà bien dégagé, il émerge fièrement de derrière l'horizon et entame son inexorable course comme depuis des millénaires, déjà. Mais il finira par disparaître, voué comme nous à une mort certaine. Néanmoins, inconscient du temps qui passe et de sa fin qui n'a jamais été aussi proche que maintenant, il continue à bercer de sa douce chaleur et de sa lumière salvatrice la Terre toute entière. Quoi qu'il arrive, il répondra présent jusqu'à son dernier souffle et s’acquittera de sa tâche à la perfection. Si seulement nous pouvions prendre exemple sur lui.

Je pousse un soupir et m'arrache à cette vision qui ne cesse de me bouleverser chaque matin. Je ne peux pas me languir aujourd'hui, je n'ai pas le temps. Je quitte mon balcon et rejoins l'intérieur de mon appartement. Je suis effroyablement conscient qu'il manque de chaleur humaine, mais il me convient parfaitement, avec sa décoration sobre et ses murs robustes. Je n'ai pas besoin de plus, de toute façon, cela ne m'apporterait aucun confort. J'ai appris depuis longtemps que tout est éphémère et je préfère ne pas m'encombrer de choses inutiles, et surtout d'hommes. Il ne ferait que me détourner de ma tâche.

Mais il est hors de question de me séparer de Céline. Le message qu'elle m'a envoyé il y a quelques jours a mis tous mes sens en alerte tant elle apparaissait désespérée. Et cela ne lui ressemble pas du tout. Elle qui a toujours le sourire aux lèvres et le mot qu'il faut pour nous réconforter et apaiser notre tristesse ou notre souffrance, je pouvais presque percevoir sa peur à travers ce simple message. Je savais depuis quelque temps qu'elle allait occupait un poste convoité et à peine arrivée, elle s'attire déjà les foudres de certaines organisations dont elle bouscule la tranquillité. Elle m'a toujours assuré que tout allait bien et qu'elle arrivait à gérer. Et je n'avais aucune raison de croire que ce n'était pas le cas, jusqu'à tout récemment.

Une boule apparaît au creux de mon estomac à l'idée qu'il lui soit arrivé malheur. Je secoue la tête pour chasser cette pensée stupide, mais malgré tout, elle reste là, ancrée à la frontière de mon inconscient et impossible de la faire partir. Moi qui me vante de maîtriser l'inconscience du bout des doigts...

Je me souviens de la première fois que nous nous sommes rencontrés : elle marchait la tête dans les nuages, comme à son habitude, lorsque nous nous sommes bousculés dans ce petit parc, en fin d'après-midi. Aussitôt, lorsqu'elle a levé son visage pour s'excuser, j'ai été happé par son sourire rayonnant et cette lueur qui brillait au fond de ses yeux. J'ai su immédiatement que je ne pourrais plus lui échapper et qu'elle allait rendre ma vie bien meilleure. Ce qu'elle a fait, dès les premiers mots qu'elle m'a adressés :

— Oh, veuillez m'excuser, jeune homme, je réfléchissais et je ne vous ai pas vu.

Elle m'a regardé avec ce regard qui signifiait qu'elle comprenait tout.

— J'ai l'impression que notre rencontre n'est pas infortune. Je me trompe ?

Je n'ai pas pu résister à lui sourire en retour.

Depuis ce jour-là, nous nous voyons régulièrement.

Je reviens brusquement à la réalité. Trêve de souvenirs, je dois me dépêcher. D'après le message de Céline, elle m'attend dans son jardin secret en compagnie d'autres personnes. Je fronce les sourcils, déçu que d'autres que moi connaissent ce lieu. Mais si Céline les a convoqués, cela veut dire qu'elle les pense loyaux.. Pour autant, et même si je la suivrais les yeux fermés, je ne leur fais pas confiance. L'être humain est passé maître dans l'art de camoufler ses véritables intentions, et tous n'ont pas la même bonté que ma chère amie.

Je me drape de mon long manteau noir, réajuste le col roulé de mon pull et m'observe dans le miroir de l'entrée. L'air se brouille soudain autour de moi, et le visage de Céline apparaît devant mes yeux. J'arrive ma chère, tiens bon.

Le 25 janvier 2022, près du Saule.

Dès que mes pieds foulent l'herbe tendre, je me sens apaisé. Je souris malgré moi, je ne me ferai jamais à cette douce sensation qui s'empare de moi à chaque fois que je viens ici. Je m'arrête, le temps d'admirer les majestueuses Cascades. Des gouttelettes flottent dans l'air, là où les chutes d'eau commencent leur descente vertigineuse, créant un arc-en-ciel. Ce joli tableau me remplit d'espoir.

J'avance doucement, profitant de la quiétude du lieu lorsque des éclats de voix retentissent. Aussitôt, mes sens se mettent en éveil et je me prépare à parer toute éventualité. Ainsi, je ne suis pas le premier à être arrivé. Deux silhouettes se profilent près du grand Saule, là où Céline aime se recueillir. Mais où est-elle ?

Je plisse les yeux, je crois reconnaître un des deux types. J'accélère le pas. Par le Saint Christ – et Dieu sait que je ne suis pas croyant –, ne me dites pas que c'est...

C'est bien lui. Je dois être maudis, c'est impossible autrement. Comment se fait-il qu'il soit ici ? Je ne me suis jamais intéressé de près ou de loin aux fréquentations de Céline, après tout c'est sa vie et je n'ai pas à fourrer mon nez là où je n'en ai pas le droit, mais quand même... lui !

Arrivé à une distance convenable, je m'arrête et patiente. J'en profite pour me composer un masque neutre, quoique légèrement hautain. Je sais qu'il a capté ma présence depuis que je suis entré mais il a toujours eu tendance à faire comme si de rien n'était. Enfin, il se décide à se retourner.

— Alex, quelle surprise et quelle joie de te voir ici !

Son sourire est aussi faux que ses paroles. Du moins, les premiers mots. Je ne me dépars pas de mon masque glacial, il sait pertinemment que j'ai horreur qu'on m'appelle par ce diminutif.

— Que fais-tu ici ?

— Je pourrais te retourner la question.

— Alors, je suppose que je suis venu pour la même raison que toi.

Et dire que c'était son ton narquois qui m'avait charmé à l'époque.

— Céline, réponds-je d'une voix grave. D'ailleurs, elle n'est pas arrivée ?

Pour la première fois, il devient sérieux et secoue la tête. Mes yeux glissent sur lui. Toujours habillé de noir, il y a des choses qui ne changeront jamais.

— Elle ne devrait pas tarder. Tu as donc reçu son message. Toi aussi, il t'as alarmé ?

Un raclement de gorge se fait entendre et une voix s'élève :

— Excusez-moi, mais vous vous connaissez ?

— Jérémie, je te présente Alex...

— Alexis, rectifié-je immédiatement.

— … nous nous sommes rencontrés il y a de ça quelque temps déjà. Tu te souviens, ajoute-t-il dans ma direction, une lueur malicieuse dans les yeux.

— Evidemment, comment je pourrais oublier, susurré-je, un sourire mauvais aux lèvres.

Aussitôt, je m'immisce dans son cerveau, ou plutôt dans son inconscience, et l'inonde de souvenirs. Lui et moi, moi et lui, moi sur lui...

Tous les muscles de son visage se relâchent, signe qu'il est complètement hypnotisé par l’illusion mentale qui se déroule devant ses yeux.

— Ainsi, tu es Jérémie, reprends-je comme si de rien n'était.

— Et toi, Alex-le-redresseur-de-torts ?

Je dresse un sourcil et il m'adresse un sourire mutin.

— Je vois, tu es le renard.

— C'est ça ! Et mage, par dessus le marché.

Je hoche lentement la tête. Il me regarde, une curieuse expression peinte sur le visage. Je comprends qu'il possède toutes les qualités d'un renard, y compris la curiosité mal placée.

— Et toi ?

— Illusionniste.

— Ça veut dire quoi ?

Je montre du doigt son copain à côté de lui, la bouche ouverte et...

— Seigneur, m'écrié-je en le libérant de mon charme.

Tom se reconnecte à la réalité en papillonnant des yeux.

— Pourquoi tu as arrêté ? me reproche-t-il. J'adorais ce que je voyais.

— Tu es dégoûtant, Tom.

Il m'adresse un sourire ravi et a même l'audace de me faire un clin d'œil. Vraiment, je ne comprends pas ce que Céline a vu d'intéressant chez ce type qui ne pense qu'à se vautrer outrageusement dans la luxure. J'espère qu'elle sera là bientôt parce que je ne sais pas si j'arriverais à les supporter encore longtemps. Il y a intérêt que le dernier qui ne devrait pas tarder, remonte un peu cette belle brochette de zigotos, même si je sens que Jérémie deviendra un compagnon fort appréciable et ne manquera pas de nous contaminer de sa joie de vivre.

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