Chapitre 44 : Alors, Ripley, on fait moins le malin ? (Tom Ripley)

5 minutes de lecture

— Tom, tu sauves Mike des griffes de ces femelles, quant à nous… Eh bien, allons-y, jeune homme, démenez-vous, un peu d’initiative, diantre ! dit Alexis en s’adressant à Jérémie.

Je hoche la tête. Décidément, j’aime l’assurance que dégage Alexis dans ce genre de situation. Je le regarde une dernière fois dans son magnifique costume avant de partir à la recherche de Mike. J’ai un pincement au cœur. Notre bref moment d’intimité de tout à l’heure dans la salle de bain m’a troublé plus que je ne le pensais. Il me déstabilise tellement !

Politiques, économistes, journalistes, ONG et autres activistes, tout ce petit monde est réuni pour une soirée qui s’annonce mémorable. Avec les nouvelles informations de Jérémie, je crains pour le discours de notre ambassadrice. Moi qui me réjouissais tellement de la voir briller sur scène en convaincant son auditoire de son esprit de justice ! Tout aurait pû être différent ! Je me demande d’ailleurs si elle avait prévu de nous présenter les uns aux autres. Comment aurais-je perçu alors, Jérémie ? Et Mike ? Celui-ci me secoue gentiment l’épaule.

— Allô Tom, ici la Terre ! Ne restons pas plantés là et allons voir si Céline est dans sa loge.

Je m’empresse de le suivre. Comme lui, je suis impatient de la retrouver. Il se retourne à plusieurs reprises, pour voir si je le suis toujours. Je suis pourtant bien obligé de ralentir devant bon nombre de personnes qui me coupent le chemin. Soudain, un visage me sourit, c’est Michael Spencer, mon homologue documentaliste franco-américain, du centre de recherche environnemental et de prospections de New York ! Toujours aussi rayonnant. Sa présence me réchauffe le cœur. L’amitié qui nous lie est l’une des rares que je me suis autorisée à avoir en dehors du cadre professionnel stricto-sensu. Il me serre chaleureusement la main.

— Tom, je me doutais que tu serais ici ! Ravi de te croiser parmi tout ce beau monde ! Tiens, bois donc cette coupe de champagne, me dit-il en attrapant une à la volée sur le plateau d’un serveur. Détends-toi, mon vieux ! Dis-donc, tu exagères, tu aurais pu répondre à mes textos. À quel hôtel es-tu descendu ?

— Merci pour le verre, Michael. Désolé, je n’ai pas pris le temps de te répondre, dis-je, dans un sourire timide.

— Tu es pardonné. Tu dois être impatient d’entendre ton amie l’ambassadrice ! Madame Lavoisier fait salle comble, on dirait !

— Tu ne crois pas si bien dire.

Ses yeux, un court instant, s'assombrissent.

— Tu es au courant de la dernière rumeur, j’imagine. Je n’arrive pas à y croire moi-même, et surtout, je m’y refuse ! C’est aussi pour ça que je voulais qu’on se voit rapidement, avant son discours. Tu dois forcément avoir des infos plus fiables.

L’étonnement qu’il lit dans mon regard l’invite à poursuivre.

— Son discours risque d’être quelque peu déroutant pour beaucoup d’entre nous. Une bombe qui va éclabousser plus d' un costume, mais des différents cette fois-ci.

— Qu’est-ce que tu racontes ?

— Tu plaisantes, j’espère ! Tu ne peux pas ne pas être au courant. Barbara Kozlowski ne t'as rien dit !

— Quoi, Barbara ? Elle est là elle aussi, j’imagine.

— Évidemment, idiot, répond-il, en baissant d’un ton sa voix. Impossible de joindre notre amie en direct. Elle te cherche partout, figure-toi. Tu as complètement disparu des radars, on dirait. Qu’est-ce que tu fabriques ?

Je déglutis, mal à l'aise. Je l'avais complètement oubliée, elle aussi. Je savais que mon amie russe qui travaille pour un des derniers journaux indépendants russes ne raterait pour rien au monde cette soirée. Je devrais pourtant la remercier d'être ici. Après tout, c'est par son intermédiaire que j'ai pu rencontrer Céline, lors de ses recherches journalistiques, il y a deux ans déjà.

— Toujours à exagérer, tu la connais…

— Dans les textos, elle avait l’air très sérieuse pourtant. La pression était encore plus forte pour elle cette année. Avec le nouveau climat politique de Moscou, je crains qu’elle ne finisse par craquer…

— Comment ça ?

— Tom, réveille-toi ! T’es à côté de tes pompes, ou quoi ? Le vent tourne, mon cher ami, bientôt, plus rien ne sera comme avant !

Je fronce les sourcils. Les inquiétudes de Barbara, qu'elle m'a formulées l'été dernier, me reviennent en mémoire. Les enjeux environnementaux au niveau mondial n'ont jamais été la priorité des dirigeants russes, mais plutôt une entrave à leur essor économique ou à leurs intérêts financiers particuliers. Même s'ils ne sont pas les seuls à freiner l'amorce d'un virage écologique vertueux, Barbara m'avait alerté, à cette époque, de leur nouvelle stratégie de plus en plus brutale. Les disparitions suspectes de grandes figures d'opposition n'avaient que renforcé sa peur. Et pire encore, en juillet dernier, le nouveau Tsar, Nicolas III, arrivé au pouvoir par une élection que tout le monde savait truquée, s'est déclaré, empereur de toutes les Russies, annexant du jour au lendemain plusieurs territoires indépendants, sous le regard impuissant de la communauté internationale. L'onde de choc au niveau planétaire fut catastrophique, la question environnementale reléguée au second plan, malgré l'urgence, clamée par d’autres nations puissantes. Mais la lutte n'est pas finie, et les espoirs restent nombreux, avait-elle fini par me dire, comme pour se convaincre elle-même.

—Heu… Je crois que le beau rugbyman que je vois là-bas te fait signe. Regarde !

Pas discret pour un sou, Mike m’intime de le rejoindre.

— Michael, je suis désolé, mais je dois y aller…

— Tu es incorrigible ! Le monde court à sa perte et toi, tu passes ton temps à…

Je ne lui laisse pas le temps de finir sa phrase. Je me précipite en direction de Mike, mais celui-ci a de nouveau disparu. Je continue de naviguer parmi la foule. Bientôt j’aperçois un grand panneau mural, les loges sont indiquées à l’étage. Je me précipite vers le premier ascenseur qui se présente à moi, encadré par deux gorilles de la sécurité. J’attends quelques instants qu’il descende. Les portes s’ouvrent enfin, déversant une dizaine de personnes. Je m’engouffre à l’intérieur, et appuie frénétiquement sur le bouton du deuxième. Au moment où les portes se referment, deux grosses mains viennent les bloquer. Les men in black me poussent violemment dans le fond en me plaquant contre la paroi métallique. J’encaisse le choc. Je n’ai même pas le temps de comprendre ce qui se passe, qu’ils me bloquent déjà les deux mains dans le dos et écrasent mon visage. Je sens des mains baladeuses sur moi qui fouillent tout mon corps.

— Bas les pattes, sale pervers, ici, tu ne trouveras rien sous mes couilles !

Un des deux gorilles ne semble pas avoir apprécié ma réplique. Pour me punir, il accentue la pression de sa prise, ce qui m’arrache un cri malgré moi. Il finit par trouver mon téléphone portable qu’il me confisque.

J’aperçois sur le côté un troisième gorille sortir son talkie walkie. D’où vient-il celui-là ?

— Allô, boss ? C’est bon, on en a déjà neutralisé un ! Ouais, je crois que c'est lui, il est clean, rien à signaler, à part son téléphone.

La communication s’éteint dans un grésillement. Il me sourit de toutes ses dents.

— Vu ta gueule et tes cheveux longs, tu dois être Ripley. On fait moins le malin, hein ?

Annotations

Vous aimez lire Fantafive ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0