Chapitre 50 : C'est nous les terroristes ? (Mike)
30 janvier 2022, 22h32 - Hôtel de Stuttgart.
J'ouvre la porte de la chambre en grand et j'explore immédiatement la pièce du regard à la recherche du petit Jérémie. Il est là, debout, à trois mètres de moi. Je me précipite sur lui pour le prendre dans mes bras. J'ai eu si peur.
— Hé ! Doucement Mike ! J'ai échappé à la mort par balle, c'est pas pour finir étouffé par un ours.
— T'as raison, excuse-moi, dis-je en le reposant par terre et en m'éloignant d'un pas.
Je prends le temps de l'observer. Impossible de deviner qu'il y a à un peu plus d'une heure, il se prenait une bastos dans l'épaule. Devant mon air interrogateur, il soulève la manche de son tee-shirt pour me montrer ce qui n'est déjà plus qu'une cicatrice.
— Ouahou ! Trop classe pour draguer les minettes, elles adorent ça... enfin je suppose que ça marche aussi pour les p'tits mecs. Tu vas pouvoir lourder ton gros balourd et t'en trouver un bien mieux.
Jérémie ne répond pas mais rougit légèrement et, coïncidence ou pas, je capte un échange de regards entre lui et Liang. Ce n'est pas le moment de le taquiner plus avec ça, mais il ne perd rien pour attendre.
— C'est le thé qui a fait ça ? dis-je en touchant du bout des doigts le haut du bras de Jérémie.
— Oui, le thé et surtout Tom.
Je me tourne vers ce dernier qui n'a pas vraiment l'air dans son assiette. Il semble très loin de nous, comme plongé dans ses pensées. Surement sombres, au vu la tête qu'il fait.
— Ça va Tom ?
Il sort de sa torpeur, mais élude ma question.
— Je n'y suis pas pour grand-chose, ce sont les feuilles de thé qui ont fait l'essentiel. Et vous de votre côté, qu'est-ce qui s'est passé ? Où est Céline ?
Il se tourne vers Alexis dont le moral ne semble pas bien meilleur que le sien. Entre colère contenue et culpabilité. Il n'est visiblement pas décidé à sortir du silence qu'il s'impose depuis que nous avons quitté le parlement, je reprends donc la parole pour raconter à nos amis les évènements qui ont eu lieu depuis notre séparation. Pas grand-chose au final, d'ailleurs.
— Dès que vous êtes partis, on a essayé de rejoindre la salle principale dans laquelle devait avoir lieu l'intervention Céline. On a dû jouer à cache-cache avec les connards du service d'ordre, sans trop comprendre à qui on avait à faire entre les "men in black" et les mecs de la sécurité des Nations Réunies. Au bout d'une vingtaine de minutes, on a enfin réussi à approcher de notre but, mais là impossible d'aller plus loin. Il y avait des casques bleus partout qui évacuaient une partie de la salle. D'après l'information que nous a donné un journaliste, seuls les membres du congrès étaient autorisés à rester et uniquement après une fouille intégrale. On a quand-même essayé de s'approcher un peu plus près mais c'est là que les choses se sont corsées, le mec aux yeux chelous était là et il nous a captés direct. Trente secondes plus tard une dizaine de soldats se dirigeaient dans notre direction.
— Putain, mais c'est qui ce mec ? s'exclame Jérémie.
— Je ne sais pas, en tout cas, il est... il m'a...
Alexis semble hésiter, avant de se décider à poursuivre :
— Il résiste à nos attaques mentales et il a même réussi à la retourner contre moi tout à l'heure.
Tout le monde regarde Alexis qui a repris un visage neutre et qui ne semble pas décidé à nous donner plus d'explication pour l'instant.
— En tout cas, on n'a pas cherché à savoir s'ils en avaient après nous ou pas et on a décidé d'essayer d'abord de se sortir de ce bourbier... et malheureusement d'abandonner nos recherches...
Je ne suis pas trop fier d'avouer qu'on est partis comme des lâches, mais que faire...
— Céline…, gémit Jérémie.
Liang s'approche de lui et pose un bras, qui se veut sans doute rassurant, sur ses épaules. Et bizarrement, cela semble avoir un effet immédiat. Décidément, ces deux-là nous cachent quelque chose.
— Dans l’Art de la Guerre, le grand stratège Sun Tsu enseigne qu’un repli stratégique est parfois un élan vers le combat, affirme Maître Xing, pour essayer sans doute de remonter le moral des troupes qui est au plus bas.
Pendant ce temps Tom a allumé la télévision et zappe sur des chaines d'information continue qui semblent toutes diffuser des reportages en directe de Stuttgart. Après quelques secondes de recherche, il finit par en trouver une en français.
En bas de l'écran, un bandeau écrit en rouge défile, alors que des images filmées sans doute d'un hélicoptère montrent le parlement entouré de militaire :
Alerte attentat : l'ambassadrice française au Nations Réunies victime d'une attaque terroriste.
Une journaliste dans un studio apparait ensuite et prend la parole :
"J'ai avec moi Monsieur Egelstein, spécialiste des affaires internationales, qui nous donnera son avis sur les évènements qui viennent d'avoir lieu, mais je vais d'abord faire le point sur les dernières informations dont nous disposons. Quelques minutes avant son intervention, l'ambassadrice française a été attaquée par un groupe de terroristes au sein même du Parlement. Les hommes aux nombres de quatre étaient fortement armés et ont, selon nos informations, fait plusieurs victimes parmi les forces en charge de sa protection..."
Nous nous regardons comme pour nous assurer que ce que nous venons d'entendre est vrai.
— C'est nous les terroristes ? demande Jérémie incrédule.
Personne ne prend la peine de lui répondre et nous sommes à nouveau concentrés sur le discours de la présentatrice de l'émission :
"...Selon l'attaché de presse des Nations Réunies, celle-ci n'a été que très légèrement touchée et a décidé de maintenir son intervention, qui devrait avoir lieu dès que la sécurité pourra être garantie dans l'enceinte du parlement. La police allemande a demandé à tous les organismes de presses de diffuser les photos des individus soupçonnés de cette attaque. Attention, les hommes dont vous allez voir les portraits sont extrêmement dangereux, si vous avez une information susceptible d'aider à leur arrestation, vous devez contacter le 0 8.. ... ... ."
Tour à tour, la photo d'Alexis, de Tom, de Jérémie et pour finir la mienne sont diffusées en grand sur l'écran. Ce sont des images qui ont dû être prises par les caméras de surveillance, il y a quelques heures à notre arrivée à la soirée.
Il n'y a plus un bruit dans la pièce. Quelqu'un a éteint la télé, sans doute Liang car mes camarades et moi sommes pétrifiés. J'aimerais bien trouver une grosse bêtise à dire pour détendre l'atmosphère mais mon cerveau tourne à vide, essayant désespérément d'analyser correctement ce que l'on vient d'entendre.
C'est Maître Xing, que je n'avais pas vu sortir, qui brise le silence en entrant dans la chambre.
— Deux voitures seront d'ici deux minutes devant l'escalier de secours à l'arrière de l'hôtel. Il faut quitter immédiatement la chambre. Vous ne prenez rien, ni papier, ni argent, ni vêtement. Tournez à droite en sortant, il faut aller tout au bout du couloir. Dépêchez-vous !
L'entendre hausser la voix nous fait enfin réagir et nous sortons rapidement.
— Marchez normalement, ayez l'air naturel !
Mais le conseil de Liang ne sert à rien. La peur, après nous avoir paralysés, nous pousse à courir. Heureusement, nous ne croisons personne et en quelques secondes nous nous retrouvons devant une porte qui donne sur l'extérieure. Nous dévalons les marches, pendant que deux véhicules s'immobilisent dans la petite rue qui longe l'arrière du bâtiment.
Arrivés en bas, notre sauveur reprend la parole.
— Tom et Jérémie dans une voiture et Alexis et Mike dans l'autre. Pour plus de sécurité les deux chauffeurs ont pour consigne de prendre des itinéraires différents, mais nous nous retrouverons tous, un peu en dehors de la ville, dans une propriété qui m'appartient.
Nous nous engouffrons, sans plus attendre, dans les deux berlines qui démarrent sur les chapeaux de roues.
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