Chapitre 51 (1/2) : Nous avons tous une part d'ombre... La tienne est plus importante (Alex's_18)

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30 janvier 2022, 23h45 - Dans les rues de Stuttgart.

— Pourquoi c'est toi qui es à l'avant ? grogne Mike.

— Parce que tu es plus gros que moi, que tu prends plus de place et que par conséquent, je ne veux pas être écrasé contre la portière.

Il ronchonne à nouveau mais finit par se taire. Je jette un coup d'œil au conducteur : visage fermé, typé asiatique et n'a pas ouvert la bouche depuis que nous nous sommes engouffrés comme sac à patates dans la voiture. Je ne sais pas ce qu'il pense de nous, s'il fait confiance aveugle à son patron – dont il faudrait que je perce le mystère, il nous aide beaucoup et semble avoir des moyens illimités – ou s'il nous voit comme des terroristes.

Terroristes. Le mot est fort. Les médias ont toujours eu l'habitude d'employer des mots qui choquent, sans se soucier de la signification derrière. Mais on joue sur les mots et clairement, on s'en moque.

Nous sommes dans la merde. Nous avons sous-estimé nos ennemis. Visiblement, ils disposent eux aussi de certains atouts. Après tout, nous ne savons rien d'eux : ni leur organisation, ni leur nombre et encore moins leur but. Mais une chose est sûre : ils ont infiltré toutes les sphères de la société jusqu'à la politique. Impossible sinon qu'ils puissent orchestrer cette machination contre nous sans l'aide de hauts placés pour nous faire porter le chapeau. Sans compter qu'eux aussi, ne sont pas de « simples » humains...

Ils sont allés jusqu'à diffuser notre image : désormais, nous ne sommes plus en sécurité nulle part et il est hors de question de se montrer à découvert en public.

Je grimace en imaginant comment l'opinion publique me voit dorénavant : un magistrat corrompu membre d'une organisation terroriste. Toutes les affaires qui sont passées devant moi devront être rejugés, la justice ne sachant pas depuis quand je le suis.

— Tu penses à quoi ?

— Ma vie... soufflé-je.

Qui aurait cru qu'on en serait là quand je me suis rendu à la Cascade ? Je passe une main sur mon visage fatigué. Nous avons à peine dormi ces derniers jours. Nous ne tiendrons plus très longtemps à ce rythme sans repos. Mais je doute que nous puissions trouver le sommeil, alors que Céline est quelque part dans le pays, entre les griffes de je ne sais quel fou furieux qui veut je ne sais quoi.

— Tu crois qu'elle va bien ?

Je regarde Mike dans le rétroviseur central. Il lève les yeux.

— Je ne sais pas, avoué-je. Elle était droguée quand on l'a retrouvé, mais elle n'avait aucune blessure sur elle. Il ne lui arrivera rien tant qu'ils auront besoin d'elle.

Les yeux de Mike s’agrandissent de surprise.

— Ça veut dire qu'elle peut...

— N'envisageons pas le pire.

— Mais il faut à tout prix qu'on la retrouve. On devrait retourner au Parlement et partir à sa recherche....

— Ah oui, et comment tu comptes t'y prendre ? raillé-je. Retourner toute la ville à la force de tes biceps au risque de te faire tuer ? Oh non, je sais, frapper gentiment et demander gentiment au big boss !

Notre chauffeur me lance un regard et le visage de Mike se décompose. J'y suis allé un peu loin.

— Pardon, Mike, je voulais pas...

— On est tous à fleur de peau, t'inquiète pas.

Il m'adresse un sourire penaud. La suite du voyage se passe dans un silence total.

XXX

La voiture s'arrête devant un bâtiment à la façade industrielle. Notre chauffeur coupe le moteur, signe que nous devons descendre. C'est sûr qu'il ne va pas attirer l'attention, on dirait un de ces terrains de jeu pour de l'urbex.

Un ronronnement de moteur se fait entendre et quelques instants plus tard, une voiture s'engage à son tour dans le chemin, nous éblouissant avant qu'elle ne coupe ses phares devant nous. Jérémie et Tom en descendent.

— Maître Xing n'est pas là ?

Un cliquetis se fait entendre et la porte de la maison s'ouvre.

— Entrez, je vous en prie.

Ledit Maître, acompagné de son petit-fils apparaissent dans l'embrasure. Comment a-t-il fait pour arriver avant nous ? Tom hausse les épaules en réponse à ma question muette. J'entre le premier, laissant les autres derrière moi parler des énergies mystiques et autres jargons qui m'échappent totalement. J'ai déjà bien assez à faire avec moi-même pour tenter d'assimiler plus d'informations. Du moment que les autres savent gérer leur capacité, c'est tout ce qui m'importe. Un pincement à l'estomac survient quand je repense à ce qu'il s'est passé au Parlement.

Je débouche sur un hall d'entrée et comprends que ce n'est pas un immeuble d'habitation. Ce doit être la fameuse école de Maître Xing que Tom nous a parlé. Je ne l'imaginais pas comme ça, à vrai dire ; plus... marquée par la culture asiatique. J'entre dans une pièce qui ressemble à une à salle de repos. Liang est assis sur une chaise, il ne m'a pas entendu, le regard rivé sur une télévision. Soudain, il tourne la tête et m'aperçoit.

— Regarde, souffle-t-il.

Son visage blême m'interpelle et je tourne la tête. La télévision est allumée sur une chaîne d'information en direct. Le caméraman zoome sur la personne qu se tient debout face à toute une foule. Je me souviens du décor et mon souffle se coupe quand je reconnais celle qui se tient devant le micro.

— … C'est donc essentiel de favoriser les entreprises qui sont avant tout le socle d'une économie saine. En dressant continuellement des barrières, nous ne leur permettons pas de rester sur le sol français et européen, et elles n'ont d'autres choix que de s'installer ailleurs. La crise économique que nous subissons en est la conséquence et qui en pâtit le plus ? La population. C'est pour cela que je suis pour un marché financier plus ouvert et moins restrictif, laissant ainsi une chance à tous. Il faut que les Etats nationaux mais aussi les Nations unies cessent d'intervenir pour le réguler. Nous ne faisons qu'empirer les choses...

— Et c'est comme ça depuis le début.

Mon regard croise celui de Liang.

— Mike, Tom, il faut que vous veniez, crié-je.

Quelques instants plus tard, tous déboulent dans la pièce.

— Que se passe-t-il ? demande Tom.

— Écoutez et dites moi si je rêve ou non.

Le silence se fait et nous écoutons la suite du discours, maintenant orientée sur l'écologie.

— ... Les centrales nucléaires sont notre première source d'énergie consommable. Si nous les supprimons, il sera alors impossible de pallier la demande toujours plus en hausse des foyers en énergie. Comment expliquer à ces familles que la distribution en électricité ne sera plus possible, Qu'il faudra se passer de chauffage une bonne partie de l'année, notamment l'hiver ? Il a été prouvé récemment que les énergies renouvelables ne seront pas suffisantes, d'autant plus que leur construction demande plusieurs années. J'ai à cœur de prioriser notre population. Nous ne pouvons décemment parier la vie et la dignité de ces personnes sur des rapports scientifiques établissant des faits qui semblent bien trop lointains et succincts, encouragés par des idéologies radicales qui nuiront à tous dans un futur proche. Chaque année, nous demandons à la population des Nations Unies de faire toujours plus d'efforts pour l'écologie et la planète. Mais je tiens à rappeler que la France est un des pays qui polluent le moins. Ces lobbyings ne cherchent qu'attiser une peur infondée pour empêcher le développement économique correct des Etats...

— Mais qu'est-ce qu'elle raconte ? chuchote Jérémie.

— Je n'en aucune idée, répond Mike. Jamais elle m'avait partagé ces idées-là, ce n'est pas possible...

— Regardez l'homme au fond derrière elle, s'exclame Tom en pointant du doigt un endroit à droite de la scène.

— C'est Karl.

— Et à côté, des Men in Black, ajoute Jérémie.

Céline continue son discours, le regard droit, aussi immobile qu'une statue. Sa voix est monotone, comme si ce qu'elle disait n'avait aucun impact.

— Quelque chose cloche... intervient Maître Xing.

— Je suis d'accord, renchéris-je. Elle semble complètement détachée de ce qui l'entoure et de ce qu'elle dit. Comme si.... comme si elle n'était pas vraiment là. Ou pas elle-même.

— Mais se rend-elle compte de ce qu'elle dit ? demande Tom. Tous dans la salle devraient se rendre compte que quelque chose ne va pas.

— Justement, non, le contredis-je. C'est son premier discours et je suis prêt à parier que tous ceux qui sont présents ne la connaissent pas personnellement ou pas assez pour comprendre le problème.

— Et c'est quoi le problème ? s'exclame Jérémie, un peu perdu.

— Céline est l'ambassadrice d'un des plus importants Etats des Nations Unies, explique maître Xing. Son poids politique n'est pas à négliger tout comme son influence au sein de l'organisation. D'autant plus que si ça continue comme ça, elle pourra mettre en pratique ses nouvelles idées (il grimace). Elle a été certainement forcée à faire ce discours par quelque moyen que ce soit et ceux qui la forcent ont certainement infiltré certains postes importants des Nations Unies. En vérité, ce sont eux qui vont tirer les ficelles cachés dans le noir.

Chacun comprend peu à peu tout ce que cela implique.

— Il faut qu'on fasse quelque chose, s'étrangle Jérémie.

— Pour l'instant, nous ne pouvons pas agir : certains d'entre vous sont blessés (le regard de Maître Xing se pose sur moi) et vous devez vous reposer sans quoi vous n'aurez plus la force de lutter contre vos adversaires.

Il éteint la télévision et nous fait face de l'autre côté de la table.

— Pour commencer, il est nécessaire qu'Alexis et Jérémie reçoivent à leur tour leur initiation et découvrent leur ying et leur yang pour être en adéquation avec eux-mêmes.

— On va se faire un tatouage, chuchote Jérémie à côté de moi.

— Ensuite, vous irez vous reposer. Demain, vous partirez pour la Chine afin de récupérer la plante que vous avez expédiée depuis l'Argentine. Nous ne savons pas à quel point s'étend la toile d'araignée que nos ennemis ont tissée et ils détiennent déjà Céline. Il faut à tout prix les empêcher de mettre la main sur la plante et sur les expériences que Céline voulait protéger. Tom, il est nécessaire que tu recharges tes batteries. Emmène ton ami avec toi. Jérémie, je te laisse entre les mains de mon fils et toi, Alexis, suis-moi.

Le ton ferme de Maître Xing ne laisse aucune place à la discussion et nous nous exécutons sans broncher. Alors que nous nous séparons, j'intercepte le clin d'œil de Tom adressé à Jérémie qui rougit.

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