Chapitre 52 : Un truc basique et simple 1/2  (lelivredejérémie)

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Toujours un peu secoué, j’ai suivi Tom de quelques mètres jusqu’à une BMW série 7, pour en ouvrir la porte et le découvrir, à droite sur la banquette arrière.

— Pas de préséance entre nous, puis je me disais qu’on pourrait un peu parler.

Le chauffeur ne bronche pas et démarre immédiatement, pour très vite plafonner à quatre-vingt-dix km/h sur la nationale qui nous ramène au centre-ville.

Tom n’ajoute rien, je romps le silence. ‘’Tes vénérables maîtres sont très efficaces, sans eux…’’

— Personne n’aurait pu imaginer la dimension que prend cette affaire, ni le danger, sinon Céline n’aurait jamais permis qu’Alexis et toi y soyez mêlés, vous auriez dû être laissés à vos vies.

— J’ai l’impression que la mienne n’a vraiment trouvé un sens que depuis quelques jours ! Même si je ne suis pas trop à la hauteur…

— Si, tu l’es ! C’est plutôt moi qui ai l’impression de ne plus rien gérer, soupire-t-il.

— Tu as absolument géré, Tom ! Tu m’as sauvé la vie ! Alors que je me dis que je suis un poids pour vous.

— Non ! Oooh, tu sais… Bon, ne lui en veux pas, mais Alexis m’a dit… Eh oui, il me parle à nouveau, et j’en suis si heureux… Pour ce que tu soupçonnes peut-être, mais que j’aimerais que tu nous laisses…

— Oui, bien sûr, je respecte.

— Bref, sur le port de Bahia Blanca…

— Je n’ai pas réfléchi, c’était un réflexe ! Et j’ai tué un homme…

— Ne pense pas ainsi ! Il s’est tué tout seul, comme ceux au palais des Congrès ! grogne-t-il froidement.

Je réalise que si Mike a des réactions directes et réactives aux attaques, et Alexis, de plus retenues, celles de Tom balancent entre ces deux extrêmes… Il s’est repris, plus posément.

— Un koan zen… C’est, disons, entre paradoxe et énigme, pour simplifier… veut que tout le monde a deux vies, la seconde commence au moment où on réalise que, depuis le début, on n’en a qu’une. Maître Xing te conseillerait de faire abstraction d’un passé que tu ne changeras pas, de réagir posément sur l’immédiat, et te concentrer sur l’avenir, avec ce qu’il faut de prudence, mais toujours avec optimisme ! Ou plutôt Liang, qui retiendrait peut-être plus ton attention…

— Quoi, Liang ? Il a juste été empathique, sagesse chinoise, tout ça, de quoi parles-tu ? me renfrogné-je.

— Il est affectif et gentil, un jeune humain admirable sous bien des rapports, mais le mot important, ici, c’est humain, et pour ce que je pense percevoir de lui, son attitude envers toi dépasse l’empathie.

— Tout ça devient trop compliqué, dans ma vie avant tout ceci, c’était…

— L’était-ce vraiment ? Et aussi, ta vie ne sera jamais plus comme avant, Jérémie. Pour progresser, il faut parfois jeter du lest, abandonner ce qui nous freine. Ou ceux qui le font, par égoïsme.

Hmmm… J’en ai trop dit, c’est tellement moi, ça. Mais en même temps, peut-être pas assez, et il extrapole juste, avec des phrases empreintes d’une philosophie abstraite et universelle. Sauf que si ce n’était que du blabla, son regard apaisant ne resterait pas calé dans le mien… Et qu’au point où j’en suis, un peu de sagesse serait la bienvenue.

— En fait, quand je dis que je ne gère plus rien, par exemple, cet après-midi, les Men in Black, je… Ça m’importait peu qu’ils meurent ! Ou moi, en fait… Non, attends ! Je ne suis pas en recherche d’attention, c’est juste une accumulation de trucs. Mes parents m’aiment, bien sûr, mais après vingt ans à marcher dans les clous, depuis que je leur ai avoué ce que je suis… J’aurais pu passer mon doctorat chez nous, j’ai préféré m’éloigner, ni eux ni mon copain ne m’ont retenu. Puis à Paris, j’ai rencontré Hugo, pour réaliser après cinq mois que je suis juste un plan cul qui s’est accroché, je n’ai pas voulu voir l’évidence, je suis handicapé des sentiments.

— Tu en as pourtant, simplement, ils dépendent autant de soi que des autres. Tu penses avoir déçu tes parents et Hugo, alors que tu ne corresponds simplement à ce qu’eux voulaient, mais ce n’est pas ainsi que ça fonctionne ! Je ne pense pas que Céline t’ait jugé, vos sentiments sont partagés, sans quoi tu ne serais plus ici avec nous. Et tu ne dois jamais douter des nôtres ! Déjà le soulagement de Mike quand il t’a vu sur pied après la fusillade, puis Alexis l’indifférent, qui s’en veut autant qu’il t’est reconnaissant de ce dont tu n’aimes pas parler ? Quant à moi… Tu le sais, je perçois les auras et leurs couleurs, la tienne est irisée, je vois les couleurs de la force, de l’amour, de la raison et de la générosité, ça fait un paquet de sentiments à gérer, tu ne penses pas ? Un tel potentiel, c’est un beau défi !

— Est-ce vraiment plus facile avec des sentiments ? murmuré-je, en me disant que ce qui avait commencé à grandir entre Alexis et lui avait plutôt compliqué les choses.

Mais il n’en dira pas plus sur le sujet, j’ai capté. N’empêche, il y avait un message, là. Discret, évidemment, et je retiens un sourire en pensant que subliminal pourrait très bien être son deuxième prénom.

Petite leçon de choses, donc ? J’ai encore du boulot, là, déjà pour dompter ce qu’il a la gentillesse d’appeler mon potentiel

Après, ce qui pourrait clairement m’y aider dépasse la théorie d’échange équivalent, des alchimistes du moyen-âge jusqu’à Edward Elric dans le manga, car je suis désormais convaincu par son postulat du développement mutuel – et croissant - de nos capacités, sans que le gain de l’un soit une perte pour l’autre, mais qui s’alimenterait de l’hypothétique énergie cosmique qu’il a évoquée, et l’idée est belle.

Comme celle de lui faire confiance n’est probablement pas la plus risquée, même si la… vision - pour lui donner un nom - que j’ai eue dans la chambre alors qu’il était inconscient reste légèrement perturbante.

Mais l’épisode du port me fait trop souvent imaginer qu’il y a du Jekyll et du Hyde en chacun de nous…

Sans réfléchir à beaucoup plus que cette conclusion, je veux serrer sa main, qu’il retire. ‘’Ne fais pas cela, tu découvrirais…’’.

— Ce que j’ai déjà entrevu malgré moi ce soir, et je n’en parlerai jamais à personne, je te le promets ! Mais quelle est cette part de ténèbres ?

— Je ne sais pas, Jérémie, je ne sais vraiment pas, elle nous aidera à vaincre, ou elle nous perdra, c’est une force que je ne domine pas, du moins pas encore, elle me dépasse ! Maître Ly et maître Xing la soupçonnent, ton Liang aussi, je pense.

— Il n’est pas… Il est juste Liáng… xiānshēng ? Je pense que c’est le terme que maître Xing a utilisé pour nous, c’est monsieur, non ?

— Et si tu utilisais le terme péngyǒu ? a murmuré Tom, mon ami Liang, c’est Wǒ de péngyǒu Liáng. Au pire, ça lui ferait simplement plaisir, et au mieux, sa réaction te donnerait des éléments de réponse aux questions que tu te poses, tu ne crois pas ?

Le chauffeur interrompt cette conversation vraiment trop embarrassante en affirmant d’une phrase courte en chinois – traduite par Tom – que l’endroit sûr, plus que suggéré par maître Xing, et où nous sommes arrivés, n’est finalement que son centre de Tai Chi.

Sauf que pas vraiment, vu l’air intrigué de mon binôme temporaire, alors que nous quittons le véhicule pour rejoindre l’entrée.

— Mike et toi avez parlé d’une ruelle difficile à trouver, d’une maison sombre avec un guichet grillagé dans la porte, et d’une lanterne. Ici, la rue est large, le bâtiment est quasi en ruine, l’entrée béante, pas de lampion coloré…

— En effet, confirme Tom, suspicieux.

Nos hôtes, arrivés avant nous avec Mike et Alexis, remarquent son air intrigué, Liang lui confirme que l’adresse est la bonne, et le vieux sage glisse avec un sourire espiègle ‘’Le décor n’est pas familier, Tom Ripley ? Tu sais pourtant que tout n’est qu’apparences…’’, alors qu’un bâtiment bien fermé et accueillant se constitue autour de nous.

— Apparences, qu’un sort peut aisément créer pour cacher, confirme Liang en me jetant un clin d’œil.

— Oooh ! Comme la maison de Sirius Black au Square Grimmaurd, dans Harry Potter ! dis-je.

— Exactement, répond le garçon, avec un discret sourire complice pour moi, avant d’ajouter ‘’Un sorcier, Père, mais de fiction, bien sûr…’’

À l’intérieur, Tom fait deux pas vers une lourde tenture vert émeraude sur laquelle il passe la main.

— Au moins, cet élément-ci est familier… c’est là que l’initiation… glisse-t-il à mon attention.

Ton initiation, Tom Ripley, fonction de ton yin… - actuellement dominant, mais nous corrigerons cela - c’est-à-dire, dans le cas qui nous occupe, la réceptivité, ajoute-t-il à notre attention, ‘’le yang de Monsieur Mike, soit l’élan ou l’action, pour simplifier, m’a fait confier la sienne à mon fils et élève, tout comme… Il s’est interrompu pour poser les mains sur celle de notre mentaliste et la mienne, avant d’ajouter ‘’tout comme Alexis suivra le même parcours initiatique que toi, et Jérémie celui de la voie du Tai Chi, avec…

Liáng wǒ er ?

— Je suis au salon, Père, venez voir, il y a une retransmission du discours de Céline, ça n’a aucun sens !

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