Chapitre 9
Betty se penche vers moi lorsqu'une mélodie rêveuse et électrique emplit le bar.
— Viens danser, me chuchote-t-elle à l'oreille, ayant pour effet de dresser les poils sur chaque parcelle de ma peau.
Elle glisse sa main dans la mienne et soulève son corps à la manière d'une fée enchantée. Je ne vois plus qu'elle, comme si tout d'un coup, le temps s'était calé sur le rythme de la musique. C'est l'effet que me font les femmes, leurs yeux pétillants, leur corps voluptueux, leur voix veloutée. Betty me sonde du regard et j'ai soudain envie de me perdre à l'intérieur de ses iris aussi sombres que ses pupilles. La lumière rouge du bar se reflète sur ses épaules dénudées. Sa peau dorée attise ma gourmandise et me rend avide de la goûter.
Voyant que je ne réagis pas, elle laisse retomber ma main et saisit le volant de sa robe, ses yeux plongés dans les miens. Avec une intention claire comme de l'eau de roche, elle se mord la lèvre en reculant, remuant ses hanches sur l'enchaînement serein des notes électroniques. Une femme magnifique aux airs hispaniques, de l'électro posé dans un bar cosy, je n'ai besoin de rien d'autre pour la soirée ! Je me délecte du spectacle se déroulant devant moi. Je m'adosse contre la banquette et ne lâche pas des yeux la créature qui s'anime à quelques mètres de mon corps en alerte.
Betty tourne sur elle-même, virevolte lentement sans jamais perdre le tempo. On dirait qu'elle a dansé toute sa vie. Je ne peux décemment pas rester affalée sur ma banquette. S'il y a bien une chose que je ne maîtrise pas, c'est déhancher mon corps dans un contexte non sexuel. Mais au vu des intentions de Betty, je peux transgresser un peu. Je m'approche doucement d'elle et de sa chorégraphie envoûtante. Elle n'a aucune peine à comprendre que je ne danserai pas, mais elle pose ses mains de chaque côté de mon bassin et s'appuie légèrement dessus pour accentuer ses mouvements sensuels. Je n'ai clairement pas affaire à une débutante, il y a ici une maîtrise parfaite de la séduction enchanteresse.
Elle descend le long de mon corps en frottant ses courbes contre moi. Elle ne lâche jamais mon regard ce qui m'excite encore plus. Je veux sortir de cet endroit au plus vite, l'emmener chez moi et lui donner tout le plaisir que j'ai à offrir jusqu'à ce que son corps ne puisse plus suivre et ne soit plus qu'un pantin dans mes draps de satin.
Lorsqu'elle remonte le long de ma poitrine, je lui saisis la nuque et laisse mes lèvres se promener sur son cou en l'effleurant à peine. Sa tête tombe en arrière, m'offrant une vue imprenable sur son décolleté étourdissant. Je trace une ligne de baisers en partant de la naissance de ses seins jusque sous son oreille, et je termine mon chemin en lui croquant le cou à l'ouverture de l'épaule. Son corps se tend, ses doigts s'enfoncent dans ma hanche et je l'entends soupirer. Je jette un rapide coup d'œil autour de nous et bénis qui de droit d'avoir choisi un bar désert.
— Tu as envie de partir d'ici ? je lui demande, légèrement étourdie par cette ambiance fiévreuse.
Elle se recule à peine et m'observe, un sourire en coin, sans arrêter de bouger.
— J'ai une règle, jolie Charly, à laquelle je ne déroge jamais.
Elle glisse ses doigts entre le haut de mon jean et ma peau qui s'embrase sous son contact, hisse sa bouche pulpeuse sous mon oreille et ajoute, d'une voix enjôleuse :
— Je ne couche jamais le premier soir.
QUOI ?!
Je la regarde, interdite. Elle penche la tête, se mord l'intérieur de la lèvre et fait doucement remonter ses ongles sur l'épiderme sensible de mon ventre. Ce contact envoie une décharge électrique qui me parcourt de la racine de mes cheveux jusqu'au bout de mes pieds. Elle cherche à me torturer, la vilaine !
— Si tu veux que je te fasse la cour, ma jolie, je ne sais pas si tu as tapé à la bonne porte. J'aime m'amuser, vois-tu ma chère Betty. Les sentiments et moi, c'est pas une affaire qui marche.
Les prunelles embrasées de Betty m'attrapent, et mon bas-ventre se contracte instantanément à mesure qu'elle s'approche de moi. Je ferme les yeux pour mieux apprécier les sensations imminentes. L'odeur de la menthe contenue dans son Mojito vient chatouiller mes narines. Je la sens agripper mon T-shirt et plaquer son corps sur le mien tandis que sa bouche s'écrase sur la mienne. Elle m'embrasse avec tendresse et fougue à la fois, comme une promesse de ce que j'aurai bientôt, si j'accepte de patienter un peu. Sa langue caresse ma lèvre inférieure sans aucune hésitation. Nos dents s'entrechoquent légèrement et son pelvis se presse contre ma hanche. Son petit jeu ne fait qu'attiser davantage mon désir. J'intensifie mon étreinte et mords dans sa chair, juste assez pour la faire sombrer. Sa réponse est immédiate, les lèvres entrouvertes, le sourire en suspens, elle vient lécher ma langue en jouant avec avant de refermer ses dents autour. Mon abdomen s'enflamme, elle est irrésistible et la période chaste que j'ai eue dernièrement n'aide pas à calmer mes ardeurs. Je respecte trop les femmes pour la forcer à quoi que ce soit, et j'ai bien l'impression qu'ici, je me suis frottée à plus maligne que moi, mais bon sang ce que c'est dur ! À cet instant précis, la seule chose que je désire est d'être au lit avec elle pour faire un sacré paquet de bêtises. Je l'entends gémir dans ma bouche et ce petit son adorablement sexy traverse mon corps pour se déposer délicatement au creux de mes reins. Je saisis son minois entre mes deux mains et exprime mon désir de la seule manière que je connais : en jouant. Je plaque mon visage contre le sien, mes lèvres à quelques millimètres des siennes.
— Si tu veux pas que je te prenne sur la banquette de ta jolie petite voiture, tu ferais mieux d'arrêter tout de suite, je la préviens, essayant de calmer mon effervescence.
— Je t'avouerai que je m'en ferai une joie, mais c'est trop bon de te voir galérer.
Elle dépose un dernier baiser sur mes lèvres, laisse sa tête choir dans le creux de mon cou quelques secondes, et retourne s'asseoir sur la banquette sans un seul regard autour d'elle, comme si tout ce que nous venions de faire en l'espace de quelques minutes était monnaie courante dans les bars de Megève. Mais nous sommes au fond de la salle, le serveur est fasciné par le match retransmis sur le grand écran suspendu au plafond près de l'entrée, et personne ne se préoccupe de nous. Je pousse un long soupir pour essayer d'évacuer la tension sexuelle imprégnée dans mon corps et me glisse aux côtés de cette fille fascinante.
— Alors comme ça, tu n'es pas une sentimentale ? me demande-t-elle en avalant une cacahuète, les joues rosies par tant d'émotions.
— Non, pas le moins du monde. J'aime les sensations brutes et physiques, l'effet qu'ont les femmes sur mon corps, les réactions chimiques qui se produisent. J'aime jouer, chercher l'autre. J'adore voir l'expression d'extase de ma partenaire quand j'explore son corps et que je la fais monter au septième ciel.
— Ça va, t'es pas du genre modeste, me coupe-t-elle avec ironie.
— Contre toute attente, je le suis ! Véridique ! Mais on m'a toujours dit que j'avais un don pour le sexe, et honnêtement, n'étant pas douée pour grand-chose d'autre, je me complais volontiers dans ces compliments.
— Je ne t'en blâmerai pas alors, mais je vais devoir te faire un rapport après coup dans ce cas, annonce-t-elle en essayant de garder son sérieux, échouant lamentablement. Pourquoi est-ce que tu n'apprécie pas l'amour ?
J'avale la dernière gorgée de ma bière qui n'est plus très fraîche et réfléchis un instant. Elle n'est pas la première à me poser cette question, et elle ne sera sûrement pas la dernière.
— Ce n'est pas tant ça... c'est juste que c'est pas pour moi. Les relations amoureuses, se poser avec quelqu'un, habiter ensemble, et laisser une autre personne avoir une certaine emprise sur toi et tes décisions.
— Tu as une vision bizarre de la vie à deux. C'est beau tout ce que tu partages, dans une vie de couple.
— Je n'ai pas dit le contraire. Il y en a à qui ça va très bien, la vie de couple. C'est pas mon cas. J'ai pas envie de partager moi, je suis bien toute seule.
— C'est parce que tu n'as pas trouvé la bonne personne.
Je réprime un soupir et secoue légèrement la tête. Ça m'agace un peu de devoir constamment me justifier sur mon choix, bien qu'étant en plein rencard, je comprenne que Betty veuille en savoir plus.
— On me l'a souvent dit, mais pour moi, il ne s'agit pas des autres. Je n'ai pas trouvé la bonne personne, car je ne l'ai pas cherchée, et surtout je n'en ai pas envie. Penser à deux et inclure ma partenaire dans tous les projets que je fais, même les plus simples, c'est impossible pour moi, je suis trop égoïste pour ça.
Je vois le visage de Betty s'adoucir, et un sentiment proche de la pitié y passe. Cette réaction est à deux doigts de m'énerver.
— Charly, je suis sûre que tu n'es pas égoïste.
— Non, tu ne comprends pas, je la coupe. Je sais que je ne suis pas égoïste en général, et surtout pas concernant mes amis par exemple. Mais sur ma vie personnelle, j'aime mon petit confort, la routine que j'ai dans ma chouette petite maison avec mon chat et mes habitudes. Et je n'ai pas envie que quelqu'un vienne chambouler ça et laisse ses marques partout chez moi et dans ma vie.
Elle hoche la tête en capitulant et termine son verre d'une traite.
— Je comprends, répond-elle simplement en se levant. On y va ?
L'intensité du jeu de séduction entre Betty et moi s'est évanouie dans la nuit, mais la tension est toujours palpable sous nos doigts. Elle saisit ma main en sortant du bar et la garde tout contre elle jusqu'à ce que l'on arrive devant sa voiture. Là, elle m'embrasse tendrement à la commissure de mes lèvres et murmure :
— Bonne nuit, jolie Charly.
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