Chapitre 1

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Oh putaaaiiiin.

 Ma pensée résonne dans ma tête comme si je l'avais crié dans un mégaphone. Une douleur fulgurante dans le crâne me rappelle pourquoi le réveil me semble si difficile. Je n'essaie même pas de bouger, je sais que mon corps ne répondrait pas.

 Je prends une grande respiration et essaie d'ouvrir un œil, mais mes yeux résistent comme si je n'avais pas dormi pendant trois jours. Je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est, mais je suppose que l'aube est là. Je ne sais pas combien de temps j'ai réellement dormi, ni même si j'ai fait plus que somnoler, mais ce n'est clairement pas assez.

Haaaan.

 Ça fait une éternité que je n'ai pas été dans un état pareil. J'ai du mal à recaler où je me trouve, quel jour on est, ni même si je suis en enfer pour le restant de mes jours. Chacun de mes membres pèse plus lourd qu'un camion d'Heineken, ce qui représente à peu près l'équivalent de ce que j'ai ingurgité hier soir.

 Je grogne légèrement en enfonçant mon visage dans l'oreiller moelleux. Est-ce que je dois vraiment me lever aujourd'hui ? Je pourrai rester couchée, les yeux fermés, à comater toute la journée dans mon lit douillet. Peut-être mettre un peu de musique, histoire de baigner mes pensées dans des nuages de notes noires. Ça me semble être un programme plutôt honorable pour un dimanche. Mais, aussi alléchant soit-il, je ne vis pas seule, j'ai des responsabilités.

 Je tente un mouvement et me retourne doucement dans mon lit, le corps pesant. Mon bras atterri un peu sèchement sur le dos d'Artémis qui n'est visiblement pas très content d'être réveillé de la sorte. Son grognement endormi me fait soulever une paupière que je referme aussitôt. Mon autre bras s'échoue lourdement sur mon visage, cachant mes yeux de la lumière du jour filtrant déjà au travers des stores. Pourquoi est-ce que je termine toujours dans des états pareils ?

Euh... peut-être parce que tu le cherches ?

 Elle ne pourrait pas fermer sa gueule et revenir plus tard ma bonne conscience, là ? On ne l'a pas sonné, à ce que je sache. Je me retourne encore une fois dans mon lit comme un mollusque, fourrant ma tête dans l'oreiller.

 J'entends Artémis soupirer et le sens s'étirer à côté de moi. Je me raidis. Avec un peu de chance, il pensera que je dors encore. Il se décale de quelques centimètres et se colle contre ma peau nue. Si je n'ai pas envie de le laisser savoir que je suis réveillée, je ne peux nier que sa chaleur est la bienvenue. Mais je lui en veux encore de son comportement d'hier.

 D'un côté, je n'en attendais pas moins de lui. Il s'arrange toujours pour faire exactement ce qui va me faire sortir de mes gonds, à croire que ça l’amuse. Mais là, il est allé trop loin et je me suis un peu trop énervée. Il a disparu toute l'après-midi après s'être rué hors de l'appartement, sans prévenir, et est revenu juste avant que je parte. L'avantage, c'est que je n'ai pas eu le temps de m'inquiéter, mais il me faisait clairement la gueule à son retour. Comme s'il avait des raisons de m'en vouloir, non mais franchement !

 Je sens un brin d'air frais caresser mon sein qui s'est échappé de la couverture. J'ai probablement oublié de refermer la fenêtre avant d'aller me coucher. À vrai dire, j'ai l'impression que j'ai oublié un paquet de choses. Mes derniers souvenirs clairs remontent à ma présence à la soirée d'anniversaire de Pauline. Je ne l'avais pas vue depuis son retour de la Réunion, il y a trois mois. J'attendais cette soirée avec impatience. Revoir toute ma bande au complet et faire la fête toute la nuit était une promesse bien plus alléchante que tout l'or du monde. Son anniversaire n'était qu'une excuse parmi une autre. Il n'y a jamais trop de raisons de passer du temps ensemble au Repaire autour d'un nombre incalculable de bouteilles aux saveurs diverses et variées.

 Le Repaire, c'est le nom que nous avons donné à la partie de château que sa tante, Édith, détient dans la Loire. Elle l'a hérité de parents qu'elle n'a jamais vraiment connu, des grands-parents qui resteront un mystère insolvable de la vie de Pauline.

 Édith travaille pour Airbus et est très souvent en déplacement. L'année de ses 18 ans, la tante de Pauline lui a offert un double des clés en lui disant que si elle souhaitait rassembler ses amis, profiter d'un peu de temps à la campagne ou faire une grande fête, elle avait carte blanche. Nul besoin de mentionner qu'il ne nous a pas fallu trois semaines pour tous débarquer là-bas et organiser la soirée la plus déjantée de toute l'histoire de l'humanité.

 Le seul souvenir de cet événement mémorable dessine un sourire sur mes lèvres, qui se transforme immédiatement en grimace. J'ai les lèvres complètement gercées et gonflées. Visiblement, je les ai bien utilisées hier soir.

Parce que ça t'étonne, perverse ?

 Non, pas vraiment. En toute honnêteté, je n'avais pas prévu de boire autant. Pas que je sois du genre à me restreindre, mais je commence un nouveau job demain et je mets toujours trois jours à me remettre de ce genre de gueule de bois. Je suis plutôt responsable habituellement, mais là, autant dire que je suis dans la merde.

 J'avais prévenu Pauline que j'allais me la jouer calme et profiter de quelques verres de vins. Mais à peine arrivée qu'elle m'a vissé une bouteille de bière dans la paume de la main et tous mes potes se sont relayés à me biberonner avec tout ce qui contenait plus de 5% d'alcool.

Des potes, des potes, des putes oui.

 Je ne me souviens même plus de la façon dont j'ai terminé la soirée, mais je pense que je suppose bien si j'imagine avoir été dans un état lamentable. Je me souviens vaguement m'être décidée à rentrer car je savais qu'Artémis m'attendait, probablement déjà endormi depuis longtemps de mon côté du lit. Franchement, quelle est l'utilité d'acheter un lit deux places qui coûte une blinde si c'est pour se faire piquer la place dès que je quitte le matelas ?

 Cependant, je n'ai pas le souvenir de rentrer chez moi depuis l'appartement de Pauline, ce qui confirme ma théorie selon laquelle...

 Mon portable vibre soudainement contre le bois de ma table de nuit et je me jette dessus pour l'éteindre afin d’éviter que le bruit ne réveille Artémis.

Aïe ! Tu réfléchis des fois avant d'agir ?

 Et merde. Je laisse échapper un gémissement face à la douleur. J'ai mal de partout, même dans des endroits dont je ne me souvenais même pas de l'existence. Je souris. J'ai clairement passé une bonne nuit. Mon ratio plaisir se mesure en courbatures : plus mon corps est engourdi, et plus ces endroits sont variés sur la carte de la chair de Charly Sanders, plus la baise était bonne. Visiblement, j'ai encore assuré. Comme d'habitude.

Ça va les chevilles ?

 Ne vous méprenez pas ! Je n'ai pas un égo surdimensionné, mais il se trouve que pour moi, le sexe, ça se cultive. Je pense avoir commencé ma sexualité à l'âge très correct de quinze ans, et la première personne avec qui j'ai couché n'en revenait pas. Apparemment, j'avais une langue de fée. Depuis, ma langue magique est passée sur bien des endroits. Je l'ai sculptée, musclée et dédiée aux plaisirs de la chair. Et pas qu'elle d'ailleurs. Mais j'ai beau essayer d'y réfléchir, et croyez-moi, là, tout de suite, c'est pas ce qu'il y a de plus simple, je n'ai aucune idée de ce que ma langue a fait hier soir...

 Je sens Artémis bouger. Clairement, il ne pouvait pas louper ce bond monumental lui assurant que je suis bel et bien réveillée et qu'il va pouvoir passer en mode action. Avec lui, pas une minute de répit le matin. Que je sois d'accord ou pas, je suis à ses ordres et je dois satisfaire tous les désirs de Monsieur.

 J'ai réfléchi plusieurs fois à ce que serait la vie sans lui, si quelque part je ne serais pas mieux, plus libre, plus tranquille. Je n'aurai pas à subir tout ça. Mais à chaque fois, la conclusion est la même : je l'aime comme une folle. Je n'imagine pas ma vie, mon quotidien sans lui. Tout serait morne, mon cœur serait vide. Alors je peux bien faire ça pour lui, même s'il me rend la moitié de ce que je lui donne et qu'il n'est pas toujours très disposé à me donner de l'affection quand c'est moi qui en ait besoin.

 Mais tant pis, nous nous sommes choisis, et quand le soir, juste avant de s'endormir, je le sens se relaxer contre moi et respirer régulièrement contre mon cou avec des petits soupirs satisfaits, je sais qu'il m'aime aussi. Au moins un peu...

 Je le sens se redresser contre moi. Et voilà. Impossible d'y couper. Il va me faire chier dans trois, deux, un...

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