CHAPITRE 11 - Partie 3
- Je voulais me venger, recommença-t-il, et Amanda frémit devant le calme avec lequel il se livrait. La justice n’a jamais entendu les agissements d’Amanda Breteille. Je voulais faire justice moi-même.
Le juge farfouilla dans sa paperasse.
- Oh, vous ne trouverez rien là-dedans, lança Nolan, presque amusé. Le dossier d’Amanda Breteille est faux.
Amanda ferma les yeux. Ce n’était pas exactement la manière dont elle l’aurait formulé, mais Nolan n’avait pas tort.
- Ou du moins il est incomplet. Sa démission cache un renvoi imminent du lycée Sainte-Marie-Bastide, révéla-t-il. Elle avait commis une faute professionnelle grave et avait préféré s’enfuir plutôt que d’endurer un renvoi. Elle m’avait sali, moi, mais elle refusait de salir son dossier.
Une larme s’échappa des cils d’Amanda. Elle s’était promis de tenir. Elle s’appliqua à respirer profondément, mais à peine eut-elle ouvert la bouche qu’une longue plainte lui échappa. Elle sentit le bras de Vincent se nouer autour de ses épaules. Viviane, quant à elle, s’était mise à marmonner que « C’était illégal, illégal, parfaitement illégal… » Amanda ne tenait pas à savoir de quoi elle parlait. Les yeux toujours fermés, elle sentait la nausée refluer au fond de sa gorge obstruée par une boule d’angoisse. Elle sentait l’Assemblée entière la cribler de regards accusateurs.
Funster reprit la parole :
- Si Amanda Breteille a commis des actes illégaux contre votre personne, votre avocat vous trouvera certaines circonstances atténuantes. Cependant, vous êtes ici jugé pour votre délit, et ce délit seul doit être pris en compte par le tribunal. Amanda Breteille ne peut être inculpée d’aucun crime ou délit durant votre procès.
Amanda rouvrit les yeux, submergée par le soulagement. Elle aurait encore quelques mois de répit, elle pourrait préparer sa défense, trouver un bon avocat… Mme Delville jubilait à ses côtés. Nolan avait joué sa dernière carte. L’audience touchait à sa fin, et justice allait être rendue.
- Bien, poursuivit le juge. La partie civile souhaite maintenant s’exprimer. Avez-vous quelque chose à ajouter, à démentir, à corriger concernant le témoignage de l’accusé ?
- Rien, Monsieur le juge, marmonna Roumergue, et c’était bien étrange de l’entendre marmonner, lui qui se faisait entendre à des kilomètres. Si ce n’est que la violence des messages que j’ai reçus n’a pas été mentionnée. Ce jeune s’est montré raciste, haineux et discriminatoire.
- Maître Robert Morandal, avocat de la partie civile, annonça le procureur.
Le jeune premier à côté de Barthélémy Roumergue se leva et clama :
- Au vu des graves charges qui sont reprochées à l’accusé, je réclame des dommages et intérêts à hauteur de 30 000 euros pour M. Roumergue. Je propose également une peine de prison avec sursis, dont vous, Monsieur le procureur, définirez l’importance.
- Merci, Maître Morandal. Je demande maintenant à l’avocat de la défense, Maître Loisel, de se lever et de nous faire part des réclamations de l’accusé.
- Messieurs les magistrats, commença Maître Loisel, et Amanda fut surprise de voir qu’un vieux bonhomme aussi aigri puisse plaider si passionnément, mon client regrette ses actes. Nous ne devons pas oublier que c’est un jeune homme brillant, dont le casier judiciaire est vierge. Et ce malgré le traumatisme – Amanda le trouva décidément très aigri – qu’il a vécu durant son enfance. Si ses agissements sont répréhensibles, sa réaction était profondément humaine – « Humaine ? » rugit Roumergue – et je vous prie, messieurs les magistrats, de prendre ceci en compte lorsque vous déciderez des peines de mon client.
- Monsieur Nolan Gerber, avez-vous une dernière requête avant que les magistrats ne passent à la délibération ? annonça le procureur.
L’Assemblée, rendue fébrile quelques minutes par l’accusation de l’accusé, redevint silencieuse.
- Je voudrais féliciter les services de police et la justice, déclara Nolan, pour avoir démasqué un des coupables. Je n’ai pas accompli ma vicieuse besogne seul, Monsieur le juge. A vrai dire, je dénombre cinq autres coupables. Ironie du sort, ils sont tous dans l’Assemblée.
Un frisson parcourut les rangs lorsque Nolan acheva :
- J’accuse, Monsieur le juge, Viviane Delville, dont les pathétiques leçons de professionnalisme auront conduit Mme Breteille à confisquer injustement le portable d’une élève.
« J’accuse Megan Bishop, d’avoir fait preuve de naïveté et d’imprudence en me donnant les codes d’accès de son téléphone. »
« J’accuse Vincent Leboeuf, d’avoir dévoilé à un tiers des informations strictement professionnelles. »
« J’accuse Barthélémy Roumergue, d’abus de pouvoir et de position envers ses élèves. »
« Et surtout, Monsieur le juge, j’accuse Amanda Breteille, pour attouchements et viol sur élève mineur. »
Le bras de Vincent s’envola des épaules d’Amanda. Il bondit sur ses pieds et beugla :
- Ce jeune homme abuse de sa condition ! Ce n’était pas un viol mais un rapport consentant entre…
- Monsieur, je vous prie de vous rasseoir, aboya Funster. Si l’accusation contre Amanda Breteille s’avère fausse ou incorrecte, nous en débattrons lors de son procès. Maintenant, si le cas de Nolan Gerber, et ce cas seulement, a fini d’être abordé, les magistrats et moi-même allons nous retirer. Quelqu’un a-t-il une dernière réclamation ?
Cette fois, Leboeuf ne broncha pas. Funster acheva :
- Bien. L’audience est terminée. Les magistrats vont délibérer.
Annotations
Versions