Faiblissement

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Mon réveil avait beau tambouriner, je n'arrivais pas à me lever. Je me sentais faible, comme si on avait aspiré mon énergie.

J'essayais de faire le point sur l'afficheur de ma rétine pour voir les indices qu'il pouvait me fournir, sans grand succès. Je n'arrivais pas à lutter face à une fatigue lourde et pesante.

Quand mes yeux s'ouvrirent de nouveau, le visage du doc était au-dessus de moi.

— Oui, c'est logique au final, disait-il à voix haute. Fâcheux, mais logique.

— De quoi ? Essaie-je de dire à haute voix.

— Oh, rien. Un faiblissement de votre corps.

— Un faiblissement ?

— Oui, ton sang, après analyse, est extrêmement riche et complexe, ce qui fait que ton organisme va mettre énormément de temps à en régénérer, et cette action semble consommer énormément de ressources. Je t'ai mis sous perfusion d'un mélange maison, ça devrait aider. Mais ça risque d'être long, je le crains.

Même avec tous les efforts du monde, il m'était impossible de rester conscient. J'entrouvrais les yeux de temps en temps, mais ne comprenais pas ce qu'il se passait, ni le temps qui défilait.

Quand j'émergeai un peu et pus m'asseoir, Ilia m'expliqua que je dormais depuis trois jours.

— En tout cas, ton taux de sang remonte doucement.

— C'est déjà ça, bordel, je me sens mou.

— Oui, d'après le doc et mes estimations, tu en as encore pour six jours. Mais ça expliquerait la cicatrisation rapide de ton corps. Il fait en sorte que tu saignes le moins possible.

— Bon, plus qu'à trouver le labo pour faire une réclamation !

Je me sentis partir au moment de me lever. En rouvrant les yeux, j'étais allongé, une ombre se tenant dans ma cabine avec un objet dans la main.

— Boss ?

— Fascinant, non ? Une forge ?

— De quoi ?

— Ce flingue, il coûte plus cher que le vaisseau où nous nous trouvons. La dernière forge vendue connue remonte à treize ans, depuis plus rien. Ce sont des reliques d'une culture et d'un empire pas si lointains pourtant. Mais même après tout ce temps, elle continue de gronder sans sourciller. Pas de munitions, pas de cellules, juste un impact et la forge produit de l'énergie.

— J'avoue ne pas trop avoir réfléchi à ça.

— Je m'en doute bien. Tu as été élevé par des religieux, et tu n'as rien lu ou retenu des passages de la Garde Phœnix ?

— Les guerriers élus des dieux, propagant la bonne parole et autres conneries. Juste les grandes lignes.

— Là où l'impur répand son fiel, le tonnerre des Phœnix, réduit au silence le mensonge et l'ignorance des hérétiques et fausses divinités. Le dernier souvenir de ces menteurs et manipulateurs sera le bruit lourd et impitoyable de la puissance des dieux.

— Ça vient d'un livre religieux quelconque ?

— La Garde Phœnix, dernier rempart de l'ignorance. Un livre plutôt intéressant si on enlève les élucubrations religieuses et aberrations miraculeuses. Mais le bruit de l'orage, le tonnerre et autres allusions à ce bruit ne cessent de revenir au fil des pages.

— J'aurais un flingue appartenant à un garde Phœnix, c'est un peu gros, ces conneries sont vieilles de plusieurs millénaires.

— Moins de trois cents ans, contrairement à la croyance commune. La grande guerre établissant le pouvoir de l'État et le déclin des religieux n'est pas aussi vieille que l'État voudrait nous le faire croire.

— Et là, vous allez me parler d'effondrement technologique ? Je connais quelqu'un fan de ces théories aussi.

— Tu devrais lire un peu plus, mais je vois que tu as d'autres occupations.

Elle leva l'avant de mon arme, une culotte blanche au bout.

— L'univers est d'une complexité fascinante, et tu ne vois pas plus loin que tes pulsions bestiales et éphémères. J'ai mis plusieurs livre à disposition d'Ilia si tu veux les lire.

— Merci, je suppose. Mais vous n'êtes sûrement pas venue ici pour me parler de religion, de théories du complot et de culottes sales.

Elle fit tomber la culotte avec un air de dégoût sur le visage.

— Non, bien sûr que non, en effet. Ilia a fini d'analyser les données qu'elle a récupérées pendant l'abordage et il en ressort une information qui me déplaît. Le vaisseau était là depuis bien plus longtemps que prévu, il allait faire une fronde, mais grâce à ton sabotage, il n'a pas pu. Plus un vaisseau est gros, plus le temps entre deux frondes est long. Là, il était prêt à partir. Les sept vaisseaux étaient sur le secteur depuis des semaines. On est passé à quelques minutes de se faire capturer.

— Je vais prendre ça pour des remerciements

— C'est juste des informations.

Elle s'assit sur le lit à côté de moi.

  • De plus après analyse du vaisseau et des flux par Ilia, le traître est une pièce du vaisseau. Le découpleur de flux des moteurs à diamant. La pièce émettait sur une fréquence presque invisible. Ilia a fait le nécessaire pour qu'on transmette des informations faussées. On était traqués depuis plus de six mois.

— Et d'où vient cette pièce ?

— Un fournisseur de confiance, enfin je pensais.

— Plus qu'à le retrouver.

— Pas avant six mois, on n'est pas vraiment dans les mêmes secteurs pour le moment.

— Plus qu'à patienter, je suppose.

— Non, on va revenir à des cibles plus faciles et se faire oublier un peu. Ce qui me chagrine, c'est que beaucoup d'énergie semble avoir été mise en œuvre pour nous arrêter.

— Je ne suis pas dans le vaisseau depuis assez longtemps pour connaître votre liste d'ennemis.

— Il y en a beaucoup, tu t'en doutes bien, mais des ennemis avec autant de moyens, il y en a très peu. Je n'en voix que trois. Les religieux, l'État ou la Capitainerie voir les trois enssemble.

— Pourquoi me dites-vous tout ça ? Vous vouliez me tuer il y a pas trente jours.

— Oui, c'est vrai, ta fascination pour la carte galactique m'a rappelé des souvenirs. Tu es intriguant. Mais surtout, personne ne croira que je suis venue dans ta cabine, j'ai ma réputation.

— Je vais finir par croire que je suis spécial, faites attention.

— Fais surtout attention à ne pas jouer de trop. Tu es spécial mais je n'ai pas envie d'avoir un adolescent aux hormones en feu qui se prend pour plus qu'il n'est. Alors soit tu commences à utiliser ce qui te sert de cerveau pour être moins con, soit tu finiras comme la chose qui te sert de coéquipier, un meuble qui ne veut pas crever sur mon vaisseau. Mais toi, je doute pas que t'arriveras à te faire tuer tout seul très vite.

Je la vis appuyer sur quelque choseau dessus du lit.

— Mais pour le moment, le Doc tient à te maintenir sous sédatif.

— Attendez, je peux...

À mon réveil, la lumière était différente, tout comme le matelas.

— Ah, bonjour. On t'a transféré dans mon cabinet pour des analyses et détails finaux.

J'avais l'impression de peser une tonne, que tout mon corps était lourd.

— Les premières analyses que j'avais prédites à six jours se sont trouvées inexactes, cela fait deux semaines que tu dors, mais ça semble aller mieux là.

— Deux semaines, plus les quelques jours, ça fait...

— Oui, presque vingt jours pour te remettre d'une blessure standard. Le plus gros problème était l'intoxication de ton sang. Depuis deux mois, tu ne dors pas plus de quatre heures par nuit. Tu as accumulé une quantité de fatigue énorme, d'ailleurs c'était un miracle que tu tiennes debout, mais tout semble étrange avec toi. En fin de compte, si tu étais en bon état à l'origine, cela n'aurait pris que les six jours prévus.

— Et donc ?

— J'ai eu l'accord de la Boss à t'obliger à dormir sept heures par nuit, de force si il le faut. Tu es une machine puissante, très puissante, mais va falloir l'entretenir, jeune homme. La biologie a des limites, même pour les labos de génétique.

— Et comment je trouve ce labo ?

— C'est impossible, il n'existe plus. L'État interdit toute forme de création biologique.

— Tout comme pour les IA, pourtant il y a bien Ilia.

— Oui, un vestige d'un autre temps, tout comme toi. On estime à un tiers de la population méta-humaine possédant des gènes purement issus de laboratoire. Disons que t'es juste une exception comme Thorgar.

— Et si je ne dors pas sept heures ?

— Je te le déconseille, jeune homme, fortement. Demain, tu reprends l'entraînement. Je t'ai gardé plus longtemps que prévu en réparation, pour que tu puisses te remettre, alors ne gâche pas mon boulot.

— La reprise va faire mal.

— T'as pas idée, t'as perdu trente-trois pour cent de ta masse musculaire. Tu prends aussi vite que tu perds. Bref, une machine rapide à préparer à la guerre, aussi rapide à démonter. À toi de faire en sorte que tu ne te suicides pas par excès d'orgueil.

— On a un côté humain pour toi, doc, ou on est juste de la mécaniques ?

— Non, plus une masse biologique, le reste est dérisoire.

Il me tendit un bout de papier griffonné en gros dessus "Dormir".

En sortant du cabinet, j'étais mitigé par l'aspect purement création de mon corps, dans le seul but de le faire combattre. Je me rendis au réfectoire avec un sentiment étrange, de ne pas être maître de mon corps, juste d'être une chose intrigante pour le Doc et la Boss.

J'étais seul dans ce foutu réfectoire avec ma bouteille de liquide indescriptible. Au final, je n'avais pas vraiment choisi, j'avais juste été fabriqué pour utiliser un flingue.

Un bruit foutraque me fit sortir de mes pensées. La moitié de l'équipage passait à une vitesse lente, me gratifiant de toutes les blagues et réflexions possibles.

— Enfin sorti de la sieste ?

— Tu veux un petit massage aussi ?

— Oh, la princesse se réveille ?

— Le petit bobo est réparé ?

— Tu veux un bisou magique ?

C'est con, mais ça me fit du bien de voir les autres passer. Ça ne m'avait pas manqué, les tours des ponts, et pourtant, merde, j'allais pas rester ici comme un con. Je les rattrapai pour éviter de broyer du noir.

— Tu sais encore courir, t'es sûr ?

— On te porte pas si tu tiens pas.

Au vu du nombre de réflexions et autres moqueries, ils étaient contents de me revoir. J'avais que la moitié à faire, arrivé au hangar j'étais bien cramé. Mais l'exercice éloignait les pensées négatives et autres conneries de l'esprit. Je repris mon souffle et attaquai les séries de musculation suivies des exercices de tir.

L'esprit du groupe me faisait un bien fou. Revoir le boucher et ses tapes d'épaule à te décoler les poumons, les consignes froides et dures de Thorgar. Je n'avais rien à penser et ça faisait du bien. Quitte à être une machine, autant la remettre en marche. Ilia était entièrement absorbée par l'artefact informatique et l'analyse du vaisseau. Elle avait trouvé de quoi occuper ses processeurs un petit moment

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