Taric
Note d'Ilia
Tête-à-tête avec Taric, en cage avec Phyros.
— Vous êtes arrivé ici tout seul, demanda Taric.
— Seul, je serais mort. J'ai avec moi un Ombrelune.
— C'est une question sérieuse, t'es pas obligé de te foutre de ma gueule.
— C'est sérieux, j'ai une boule de poils fumante avec moi, il ou elle est un ou une junkie des papouilles derrière l'oreille.
— T'arriveras pas à me faire croire ça et encore moins que tu l'as dressé.
— Dressage n'est pas vraiment le bon mot, plus il ou elle nous aime bien et nous tue pas.
— Admettons, d'autres personnes ?
— Une exilée que j'ai baptisé Silence et une servante Rouge.
Il me regardait droit dans les yeux, l'air sévère et dur. J'avais l'impression d'avoir dit une énorme connerie.
— Je ne vois que trois possibilités : soit vous êtes un menteur, soit vous êtes un idiot, soit un ignorant.
— Idiot ignorant, c'est possible ?
— J'ai été capitaine! Des soldats idiots, j'en ai vu beaucoup et vous n'en êtes pas un. Tout comme je ne vois pas en vous un menteur. Alors, il me reste la solution de l'ignorant.
— Ne sous-estimez pas ma capacité à ne rien comprendre.
Il marqua une pause, passa sa main dans sa barbe blanche avant de regarder de nouveau le mur.
— Je suis sur cette arche depuis bien trop longtemps, alors je vais être franc avec vous. Vous en faites ce que vous voulez, je n'ai plus rien à foutre de grand-chose. Le grand capitaine Taric de la soixantième cohorte n'est plus, je le crains.
— J'écoute, je suis prêt à tout comprendre, il faut juste m'expliquer longtemps.
Un rictus de début de sourire semblait traverser son visage.
— Pour faire simple, les Phœnix ont été créés par les Dieux de la loge des Généticiens. Cent Phœnix pour le côté symbolique, mais on ne gère pas une galaxie avec cent soldats légendaires même équipés d'armes forgées par la loge des Ingénieurs et des Architectes. Alors, les Phœnix ont créé les cohortes. Mille soldats par garde Phœnix.
— Oula, ralentis, n'oublie pas il faut m'expliquer longtemps. Généticiens et ingénieurs, c'est quoi ?
— Les dieux, il y a trois grandes loges : les Généticiens, les Architectes et les Ingénieurs. Les trois grandes familles de dieux avec chacune leurs spécialités.
— J'ai jamais entendu parler de ça.
— Normal, la religion du tout-venant se contente de mythes et du terme Dieux générique, mais c'est bien plus compliqué en vrai.
— J'aime bien l'aspect tout-venant.
Il soupira plus par sarcasme qu'ennui, il me semblait.
— J'en étais où ? Ah oui. Aujourd'hui, les cohortes font bien plus que mille soldats. Plutôt dans les dix mille par cohorte avec mille soldats officiels pour l'aspect religieux. Quand j'ai été banni, ce sont ces mille officiels qui ont été punis avec moi, pas les autres.
— Jusque-là, je suis.
— Bien, les Phœnix ont beau avoir été créés par les dieux, ils étaient indépendants. Ils acceptaient les missions des dieux mais ils avaient le pouvoir de refuser.
— Ils n'étaient pas au service des dieux ?
— Il est difficile d'avoir à son service des soldats qui peuvent vous tuer s'ils le souhaitent. Les dieux craignaient leur création mais en avaient besoin. Une sorte d'accord a été mis en place.
— Un peu comme l'État et la Capitainerie. L'État dépend de la Xapitainerie et de sa flotte pour gérer la sécurité dans l'espace.
— Exactement. Au final, les dieux n'avaient pas d'armée à proprement parler. Les cohortes étaient dévouées aux familles de garde Phœnix au détriment des Dieux. Puis, pour faire court, il y a eu une grande guerre.
— La religion contre l'État ?
— Non ça c'est la version grand publique. La religion et l'État contre les Phœnix, mais je vais passer sur les détails et les récits historiques de ces derniers.
— Putain, la Boss rêverait de parler avec toi, c'est une fan d'histoire et de complots.
— Si tu le dis. Les dieux avaient entre-temps créé les toges rouges. Des fanatiques qui servaient les familles des Phœnix pour les tâches du quotidien, mais en secret, ils espionnaient. Les gardes ont découvert ça trop tard. Les servantes ont égorgé bon nombre de seigneurs Phœnix dans leur sommeil, lors de la grande trahison.
— Comment ? Des guerriers aussi puissants.
— Ta servante à toge rouge, je suis sûr qu'elle t'a montré son talent entre naïveté et docilité extrême dans l'intimité.
Je ne répondis pas. Il rigolait sûrement pour lui-même, fier d'avoir raison.
— La génétique n'est pas magique, fabriquer un guerrier légendaire, courageux, puissant, intrépide et forcément sa libido explose, tout comme sa colère, ses pulsions et son arrogante stupidité apparente. Les dieux l'avaient compris en mettant ces petites choses au service des gardes. Un mètre soixante-cinq maximum pour être un serviteur ou une servante face à des guerriers allant d'un mètre quatre-vingt-dix à deux mètres trente. Et les Dieux ont fait preuve d'une chose qui ne les caractérisait pas, d'où la surprise de la grande trahison. Ils ont été patients, laissant ces longues toges rouges devenir indispensables pour les seigneurs Phœnix durant des siècles sans jamais se trahir.
— Et dans leur sommeil après une fougueuse nuit, les tenues rouges les ont égorgés.
— C'est ça. Chaque membre d'une famille de Phœnix éliminé était la garantie de monter dans les hautes sphères de la religion. Les cohortes se sont retrouvées sans chef à servir.
— Et les dieux ont récupéré les armées des Phœnix à leur compte.
— Vous n'êtes pas si idiot, vous voyez. Mais les cohortes sont et resteront fidèles à leur serment de servir le seigneur Phœnix s'il revient.
— Les religieux ont donc procédé à un génocide de leur création pour s'approprier une armée.
— Oui, mais beaucoup s'en sont échappés et te voilà. Ta servante rouge, si elle veut grimper les échelons, elle doit t'amener à un haut dirigeant pour qu'il t'exécute.
— Elle aurait pu le faire sur le vaisseau qui m'a amené ici.
— Oui, ça, je ne l'explique pas pour le moment. Peut-être voulait-elle être sûre que tu sois un seigneur Phœnix. En tout cas, j'ai un plan.
— Je t'écoute.
— Prouve-moi que tu es un seigneur Phœnix. Tire avec ta forge, cela suffira à me démontrer que tu es un descendant direct d'une lignée. Et alors, dans ce cas, je me mettrai moi et la soixante-septième cohorte à ton service.
— Tu as dit qu'elle était bannie.
— Seulement les mille soldats officiels, il en reste neuf mille et des vaisseaux, tanks, artillerie, si je reviens avec la preuve que vous êtes de retour, ils n'écouteront que vous.
— J'écoute la suite de ton plan.
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