Ilia grille sécurité plus garde extrême protection
Une chose est certaine : Julia n'avait pas menti sur le sevrage du sucre et sur le fait que j'allais bientôt être sacrifié dans les arènes d'Artna. Pour seul soin et assistance suite à mon retour dans le domaine de Maximilien, je fus balancé dans ma chambre avec Calysse, et sporadiquement Alrec passait pour me balancer de fausses capsules de sucre d'étoile, pour parfaire le sevrage.
C'était un tourbillon de douleur incessante, mon corps brûlait, hurlait pour avoir une dose et quand une accalmie se présentait, c'était pour mieux vomir, sentir ma cage thoracique se comprimer, avant qu'un autre symptôme tout aussi horrible vienne remplacer le précédent. Calysse faisait de son mieux, me plongeant dans des bains, me posant des gants froids sur le front.
Au final, si j'avais vraiment été assassiné ce soir-là, ça aurait été une sacrée pub pour Maximilien, sa bête assassinée au firmament de sa gloire. Mais j'étais simplement laissé à mon propre sort dans ma chambre, et dans mon malheur, mon organisme brûlant atténuait largement la durée du sevrage, brûlant sûrement les restes de psychotropes et couplé à une aide que je n'avais pas prévue.
Au quatrième jour, enfermé dans ma chambre, les brûlures et vomissements devenaient tolérables, ma tête semblait être moins comprimée. Calysse semblait encore plus exténuée que moi.
— Merci d'être là, Calysse.
— Je n'ai pas vraiment le choix. Comment te sens-tu ?
— J'ai l'impression d'étouffer, mais ça va.
— Ca tombe bien, les choses bougent. On ne parle presque plus de la mort noire sur les flux.
— Il veut surement s'approprier toute la gloire et non être lié à la mort noire.
— Oui, il va te tuer bientôt et j'aurai échoué à te soigner.
J'aurais voulu répondre, mais la porte s'ouvrit, laissant apparaître Alrec, le regard sombre, lançant des capsules dans la chambre. Puis il entra au lieu de refermer la porte.
— On n'a pas beaucoup de temps. Tout le système de sécurité des caméras est en maintenance pour la matinée. Avec le combat d'inauguration de son arène, Alrec fait passer la sécurité à un tout autre niveau dans sa demeure. Mais si je pars trop de temps, ça sera louche. Maximiliane est devenu parano.
Calysse semblait surprise tandis que j'essayais de faire fonctionner quelques neurones dans ma tête.
— Tu vas inaugurer la nouvelle arène dans quelques jours et tu vas crever. Il a prévu de te faire combattre un champion des onze autres grandes familles d'Artna à la suite. Tu survivras à deux ou trois, mais onze, c'est impossible. J'ai changé les capsules de sucre par des capsules bourrées de stimulants musculaires et du xiabotéropine à la demande de Julia.
— Du xiaboquoi ?
— Une molécule pour le sevrage du sucre, ajouta Calysse.
Je devait mon sevrage pas qu'a mon organisme il semblerait.
— Oui, c'est ça. En tout cas, c'est le bordel dehors. Il y a même un régiment d'hypnares dans la demeure.
— L'armée non officielle d'Artna, des déserteurs et soldats virés, des fous de la gâchette et leur nombre n'a jamais été officiellement recensé, ajouta Calysse.
— Et en plus, je ne sais pas comment, mais on m'a remis ce message dans ma chambre : "Les enfants sont en sécurité. Silence."
— Le Phoénix est déjà arrivé ? demandai-je, interrogateur.
— Je ne sais pas de quoi tu parles, mais quelque chose se trame ici. Maximiliane devient complètement parano ! Je dois y aller. Vous avez toute la matinée pour réfléchir à un plan avant que les caméras soient réparées. En tout cas, pour ton combat, tout le gratin politique sera là. La demeure va ressembler à une base militaire tant il va y avoir de gardes du corps et d'hypnares.
Il ferma la porte et repartit aussitôt. J'essayais de brancher mon cerveau du mieux que je pouvais, prenant les capsules de faux sucre.
J'expliquai à Calysse ce que m'avait dit Julia sous son regard à la fois étonné et soulagé.
— Si Silence a réussi sa mission, c'est que le vaisseau doit pas être loin ajouta Calysse.
— Et Maximiliane a dû être informé, d'où sa parano.
— Ça va être une course contre la montre, mais on est enfermés.
Elle semblait furieuse et contente de la situation à la fois. Une échappatoire se profilait à l'horizon, mais nous étions comme deux cons dans cette chambre, coupés du monde.
— J'ai peut-être une idée pour ma tête qui tourne pas rond.
— Comment ça ?
— Quand j'ai tué Julia, je sais pas, une lucidité étrange m'a frappé, comme si la tuer m'a fait prendre conscience d'un truc.
— Tuer et tout fracasser ne résout pas tous les problèmes, peut-être ?
— Ouais, une sorte de truc du style. Depuis le début, j'essayais de canaliser cette saloperie, la foutre en cage, la réduire au silence. Mais c'était pas la bonne approche. Plus on nourrit cette violence, plus j'en veux, le tout boosté au sucre d'étoile, ça faisait un cycle sans but. La canaliser ne sert à rien, elle est ancrée en moi.
— Je ne te suis pas.
— Tu m'as dit à un moment que j'avais peut-être des sentiments. Julia me faisait de la peine, tant de désespoir en elle, de souffrance, et elle avait accepté cette fatalité. Moi, je n'accepte pas d'être une chose sortie d'une cuve génétique, et encore moins d'être une sorte d'espoir désespéré pour sauver une galaxie où j'ai vu les pires atrocités entre l'Arche et Artna. Et elle, elle a mis sa vie entre mes mains pour sauver ses gamins. Ça m'a fait un truc.
— Et à présent, tu te sens en colère ?
— Oui, elle est là, même plus forte qu'avant. Mais j'ai plus envie de la diriger vers la galaxie entière. Faut que j'arrête de m'apitoyer sur moi-même et les attentes qui gravitent autour de moi. La plupart des gardes phoénix avaient des servantes à profusion et des champs de bataille à foison avec pour seul but une mort glorieuse, et ils se noyaient dedans. Ceux qui se sont soignés étaient ceux qui voulaient être autre chose que des porte-flingues.
Je me levai face au miroir.
— Tu sais ce qui m'agace le plus dans tout ça ?
— Que la boss ait encors raison.
— Ouais, encore une fois. Il fallait que je deviene un monstre. Il va falloir que j'apprenne à vivre avec cette chose et non la combattre. Il va y avoir des ratés, des rechutes, mais je crois avoir une bonne base grâce à toi. Si tu m'avais abandonné, m'avais laissé te tuer, je serais sûrement mort depuis longtemps.
— J'ai juste essayé de pas crever, tu sais.
— Ça fait quatre jours que j'ai des flashbacks, des images, des bruits, des sensations de ces six derniers mois. Tu es presque toujours dans ces flashs, à me soigner, à panser mes plaies, me forcer à manger autre chose que du sucre. Tu as fait bien plus de choses que tu veux l'admettre.
— Que veux-tu, je suis pudique. T'as vu d'autres choses ?
— Oui, beaucoup. Les combats, les morts, la violence. Les récompenses de mes combats, les soirées mondaines, les soirées officieuses, comment j'ai été offert aux riches d'Artna. Mais le pire dans tout ça, je suis sûrement la personne qui connaît le moins la mort noire, ironiquement.
— C'est sûrement pas recommandé par les psys, mais on va être enfermés ici jusqu'à ton combat, et la sphère holographique a accès à toutes les vidéos de la mort noire.
— C'est si terrible que ça ?
— Oui.
Elle n'avait pas entièrement tort sur ce point-là. Les flashbacks avaient un aspect irréel et voir les images de mes actions me ramenait brutalement sur terre. J'étais une brute sans nom dans l'arène, massacrant tout ce qui passait sous mes deux masses d'armes ou mes mains, j'écopais d'un nombre de blessures absurde, mais je semblais ne pas vouloir mourir. Il y avait des combats entre gladiateurs, des combats qui étaient juste des exécutions sommaires sans but, voire même des mises à mort. J'avais l'impression de voir une autre personne sur les vidéos.
— Les combats, c'est à peine un quart de la quantité astronomique de vidéos sur toi.
— J'imagine assez vite les autres.
— Oui, c'est clairement pas ce qui a de plus recommandable. Il a fait de toi une bête, une chose innommable et crainte de tous, qu'on nourrit de combats et avec de la chair. Et Maximilien a bien compris que la chair rapporte plus.
Elle faisait défiler les combats en arène, puis des vidéos des soirées mondaines entrecoupées des après-combats. Presque toute ma vie pendant les six mois passés ici avait été filmée.
— Il fait pareil avec tous les paumés qu'il entraîne, façon de parler. Il a créé un empire du voyeurisme en six mois avec la mort noire en tête d'affiche. J'ai grandi ici et clairement ce Maximilien est le condensé de ce qui se fait de pire à Artna. Comment on va sortir ?
— Malheureusement, on sera dépendants du Phœnix et si y'a des soldats, ça va être une boucherie ici, notre seul avantage c'est que Silence semble être dans les murs.
La sphère holographique se stoppa sur une image de moi nu enchaîné dans une soirée mondaine et des riches sirotant un verre me regardant comme une curiosité. Un message apparut sur la sphère
Mise à jour du nouveau système de sécurité. Ilia grille sécurité plus garde extrême protection. Veillez attendre les instructions pour la suite des événements. PS : encore à poil avec une fille en culotte, sérieux.
Calysse semblait interloquée.
— C'est quoi ce bordel ?
— C'est le Phœnix, on va sortir d'ici !
La vidéo reprit son cours, montrant les riches qui passaient autour de moi, s'amusant à me toucher comme si c'était un exploit. Ils riaient, se pavanaient, se prenant pour des conquérants face à une bête enchaînée. Chaque contact, chaque regard moqueur ravivait en moi une colère sourde, une rage qui bouillonnait dans mes veines. Je laissais cette fureur se diffuser dans tout mon corps, sans essayer de la canaliser. Elle faisait partie de moi, de mon esprit, de mon être tout entier.
Pendant ce temps, Ilia diffusait les instructions au compte-gouttes sur les vidéos qui défilaient au fil des jours. Chaque message apparaissait furtivement, dissimulé dans les images de violence et d'obscénité. Le spectacle était affligeant, mais je ne pouvais m'empêcher de regarder. Chaque scène, chaque détail me rappelait ce que j'avais été, ce que j'avais fait.
Le plan que Ilia nous donnait était étrange et cryptique, mais dans le fond, il me plaisait. Il y avait quelque chose de poétique dans cette folie, une sorte de justice immanente qui se préparait à frapper. L'inauguration de l'arène était prévue pour le lendemain, et je savais que ce serait le point culminant de tout ce chaos. Je regardais sans interruption les vidéos de la Mort Noire, voyant en cette créature que j'etait le catalyseur de tous les vices des méta-humains réunis.
Alors qu'était diffusée une vidéo où des puissants d'Arta avaient payé pour avoir l'honneur de profiter de la Mort Noire enchaînée, bien sûr, Ilia afficha un message en gros sur la sphère holographique :
Atna brûlera.
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