Chapitre 16
Le sourire bienveillant qui se dessinait sur le visage de M. Bates prouvait qu’il n’était nullement fâché d’avoir été dérangé par Lisa en plein milieu de l’après-midi, mais simplement curieux de connaître le motif qui avait poussé son élève à venir sonner à sa porte.
- Ah, euh… Eh bien…, hésita la jeune fille en posant sa main sur l’album des Midnight Owls qu’elle avait coincé entre ses genoux pour le garder caché sous la table, à l’abri du regard de M. Bates. Voilà, déclara-t-elle enfin en tendant le disque à son prof avec un grand sourire. Pour vous remercier de m’avoir soutenue et encouragée à candidater au MIT !
- Oh ! fit M. Bates en haussant les sourcils d’un air agréablement surpris. Mais il ne fallait pas, voyons !
- J’y tiens, insista Lisa. Après tout ce que vous avez fait pour moi…
- C’est normal pour un prof d’encourager ses élèves, dit M. Bates en prenant malgré tout le CD et en examinant sa pochette.
Il rajusta ses lunettes sur son nez comme pour mieux admirer le logo des Midnight Owls qui représentait quatre chouettes aux yeux jaunes, perchées sur une branche, et retourna l’album pour lire les titres des chansons inscrits au dos.
- Je me suis souvenue que vous aviez apprécié le concert des Midnight Owls au Green Jazz Festival, expliqua Lisa. Il me semble que c’est un album que vous n’aviez pas…
- Non, effectivement, je leur avais acheté un autre album…
- Hullabaloo ?
- Oui, c’est bien ça. Mais... Comment le sais-tu ?
A cette question, Lisa ne put s’empêcher de glousser de rire.
- C’est Joey Barker qui me l’a dit, confia-t-elle avec amusement. Il semblait très fier d’avoir réussi à vous vendre un des albums du groupe de son frère !
- Joey ! Mais bien sûr ! s’exclama M. Bates. Je ne savais pas que son frère jouait dans les Midnight Owls...
- Si, c’est le chanteur ! C’est pour ça que Joey s’occupait de la vente des goodies.
- Tout s’explique !
- En tout cas, j’espère que vous apprécierez cet album...
- Merci beaucoup, dit M. Bates en adressant un sourire touché à Lisa. J’avoue que je suis très flatté… et un peu gêné aussi de ne pas avoir quelque chose à t’offrir en retour…
- Ne vous inquiétez pas, le rassura Lisa. Comme je vous l’ai dit, c’est moi qui vous remercie. Et puis, c’est déjà très aimable de votre part de m’accueillir chez vous et de m’offrir le thé !
Lisa se sentait particulièrement honorée de se trouver ici, en tête à tête avec M. Bates, à déguster des madeleines sous sa véranda. Le bruit de la pluie contre les vitres ajoutait à son sentiment de bien-être. Cette musique douce et continue avait un côté apaisant, réconfortant... Bercée par l’atmosphère douillette de la serre, réchauffant ses mains au contact de sa tasse de thé chaud, Lisa se sentait à l’abri, en sécurité sous le toit de son hôte bien-aimé. Ravie de se trouver en aussi agréable compagnie, elle ne cessait de lui jeter de petits regards admirateurs, se délectant à la vue de son visage si séduisant, mais tâchant aussi de ne pas le regarder avec trop d’insistance, de peur qu’il ne s’en aperçoive.
Comme toujours, elle lui vouait une confiance absolue. A force de ne penser qu’à lui nuit et jour, elle avait l’impression de le connaître depuis des lustres, ce qui la mettait particulièrement à l’aise. Elle qui d’ordinaire était de nature plutôt timide... Avec lui, elle avait la sensation grisante de pouvoir se confier en toute sincérité. Certes, la barrière élève-enseignant était toujours présente, mais une certaine intimité semblait s’être établie entre elle et lui depuis qu’elle l’avait pour professeur, et elle estimait désormais qu’elle pouvait à juste titre se targuer de bien le connaître. Après tout, cela ne faisait-il pas plus d’un an qu’elle suivait ses cours de mathématiques ? Elle avait l’impression d’en apprendre chaque jour davantage sur lui, et tout ce qu’elle découvrait à son sujet n’avait de cesse de l’enthousiasmer. Plus elle le côtoyait, plus elle se sentait proche de lui. A tel point qu’elle n’avait pas hésité une seule seconde avant de franchir le seuil de sa maison, lorsqu’il lui avait ouvert sa porte et l’avait invitée à l’intérieur. Bien sûr, il devait rester quelques aspects de sa personnalité dont elle ne se doutait pas, mais elle était persuadée qu’il était dénué de toute mauvaise intention à son égard, et que son invitation n’avait rien de suspect. C’était peut-être limite pour un prof que d’inciter une de ses élèves à entrer chez lui, mais M. Bates inspirait une telle confiance à Lisa qu’elle se disait qu’il n’y avait absolument aucun risque qu’il cherche à la séquestrer pour abuser d’elle, ou qu’il ait l’idée de mettre de la drogue dans son thé pour parvenir à ses fins. La jeune fille porta d’ailleurs le mug de Harvard à ses lèvres et souffla une dernière fois sur sa boisson chaude avant d’en boire une première gorgée.
- Hmmm ! fit-elle, enchantée par le parfum citronné de ce thé qui la réchauffait et la désaltérait à la fois. C’est vrai que le thé et les madeleines vont très bien ensemble !
- Tu peux en reprendre, n’hésite pas !
Lisa ne se fit pas prier. Elle avait toujours été très gourmande, et cela ne la gênait pas de montrer un de ses péchés mignons à M. Bates. D’autant que, depuis le goûter qu’ils avaient partagé au Gourmet’s, il était déjà au courant de son penchant pour les pâtisseries... Malheureusement pour elle, l’enseignant choisit pile le moment où elle avait la bouche pleine pour lui demander :
- Comment se passe le début de tes vacances ? Tu as trouvé un peu de temps pour te reposer ?
Prise au dépourvu, Lisa se dépêcha de mâcher sa madeleine, avant de l’avaler d’un trait et de s’efforcer de répondre convenablement :
- Hmmpf… Oui, oui, je fais la grasse matinée tous les jours… J’ai aussi réussi à bien m’avancer dans mes devoirs : j’ai terminé tous les exercices que vous nous aviez donnés !
- Déjà ? s’étonna M. Bates. La prochaine fois, il faudra peut-être que je songe à en donner plus !
- Oh, je ne pense pas que ce soit nécessaire... Quinze exercices, c’est tout de même suffisant !
- Ce n’est pas toi qui m’avais dit que tu avais peur de t’ennuyer pendant les vacances ? lança M. Bates en faisant un clin d’œil à Lisa.
Celle-ci se mit à rougir devant ce signe de complicité, et prit une nouvelle gorgée de son thé pour tenter de cacher une partie de son visage derrière sa tasse. Ce faisant, elle observa discrètement M. Bates tandis qu’il se remettait lui aussi à siroter son café. Il avait un tel charme, avec ses lunettes en écailles de tortue et ses sourcils noirs et prononcés... Quelques rides se laissaient distinguer dans le coin de ses yeux marron et vifs, mais Lisa n’y voyait qu’un attrait de plus sur son visage. Même pendant les vacances, il était toujours rasé à la perfection... Le regard de la jeune fille s’attarda quelques instants sur ses lèvres fines et irrésistiblement attirantes, puis finit par se baisser avec pudeur sur le mug qu’elle serrait entre ses mains. Il ne fallait tout de même pas qu’elle abuse de son hospitalité en le dévisageant de la sorte !
- C’est vrai qu’avec le temps qu’il fait dehors, on n’a pas forcément envie de sortir, et ce n’est pas toujours évident de trouver quelque chose à faire quand on est obligé de rester à la maison…, concéda M. Bates. Même s’il me reste malgré tout de quoi m’occuper, avec la tonne de copies que j’ai à corriger pour la rentrée…
- Bon courage ! lui souhaita Lisa avec un petit sourire compatissant.
- Oh, ça ne devrait pas être trop long... Le tout, c’est de s’y mettre… et de ne pas s’énerver devant certains torchons ! Avec un peu de jazz pour me détendre, je devrais pouvoir y arriver, ajouta-t-il en tapotant gentiment l’album des Midnight Owls qu’il avait posé à côté de son journal.
- Vous arrivez à travailler en écoutant de la musique ? s’étonna Lisa. Personnellement, je n’ai jamais réussi… La musique finit toujours par me déconcentrer. Il faut dire aussi que ce que j’écoute n’est pas vraiment ce qu’il y a de plus relaxant…
- Haha ! Tu écoutes toujours du punk rock ? s’enquit M. Bates en riant.
- A vrai dire, plus tellement…, confia Lisa. Ça fait un petit moment que j’écoute surtout du metal…
- Hmmm… J’avoue que je ne m’y connais pas du tout dans ce genre de musique... J’ai juste entendu parler de Metallica, mais c’est tout...
- C’est un groupe de metal, en effet, mais ce n’est pas celui que je préfère. J’écoute plutôt des groupes comme System Of A Down, Nightwish ou Within Temptation…
- Et le groupe dans lequel tu joues, alors ? Il a changé de style, lui aussi ?
- Je n’en sais rien… Ça fait maintenant six mois que je n’en fais plus partie…, confessa la jeune fille d’un air maussade.
- Ah bon ? Que s’est-il passé ?
- Disons pour résumer que je me suis fait virer du groupe parce que j’ai voulu accorder plus d’importance à la qualité de la musique plutôt qu’au jeu de scène lors de notre premier concert… Le guitariste et le chanteur m’ont reproché de ne pas assez bouger sur scène, alors que mon premier souci était de ne pas faire de fausses notes…
- C’est vraiment dommage… Moi qui m’attendais à te voir jouer avec ton groupe pour l’ouverture du bal d’hiver de cette année !
- C’était l’un de nos objectifs, effectivement, mais s’il se réalise, ce sera maintenant sans moi…
- Tu comptes tout de même y aller ?
- Au bal ? Euh… A vrai dire, je n’y avais pas encore réfléchi…, avoua Lisa en se grattant la tête d’un air perplexe.
« Tout dépend si vous y allez… » ajouta-t-elle dans sa tête, en rêvant déjà de passer cette soirée de gala en compagnie de son prof.
- Tu as encore le temps de te décider, déclara celui-ci. Le bal n’a lieu que dans un mois.
- Et vous ? ne put alors s’empêcher de demander Lisa. Vous pensez y retourner ?
- Moi ? Oh, non… J’ai déjà donné, l’année dernière. Je ne crois pas que je serai de nouveau sollicité pour vérifier les billets à l’entrée ou surveiller le gymnase. Et puis, ce n’est pas vraiment mon truc, ce genre de soirées… C’est bien pour les jeunes, mais personnellement, je préfère encore rester chez moi à lire un bon bouquin.
- Je comprends, dit Lisa, un peu déçue d’apprendre qu’elle n’aurait manifestement aucune chance d’apercevoir M. Bates au bal d’hiver, mais heureuse aussi de découvrir qu’ils partageaient tous les deux un autre point commun : ce côté casanier qui leur faisait davantage apprécier les soirées tranquilles à la maison plutôt que les soirées guindées dans les salles de fête surpeuplées.
- En parlant de livres..., reprit M. Bates. Tu as fini Le Maître du Haut Château ?
- Oui ! s’exclama Lisa avec un grand sourire. J’ai adoré ! Même si j’avoue qu’au début je l’ai trouvé assez difficile à lire…
- C’est vrai que le récit peut parfois sembler un peu confus… Sans parler de la fin, qui est plutôt déroutante...
- Oui, moi qui m’attendais à une vraie conclusion, je dois dire que je suis un peu restée sur ma faim... Je me demande si la série va plus loin dans le récit…
- Elle va plus loin, mais elle finit par beaucoup s’en écarter… Tu as commencé à la regarder ?
- Non, pas encore, mais c’est au programme de mes vacances de Thanksgiving ! annonça Lisa en souriant à nouveau.
Elle aurait pu rester ainsi des heures entières à discuter bouquins avec son prof. Cette conversation si agréable lui donnait le sentiment de participer à un club de lecture très privé, dont seuls M. Bates et elle auraient fait partie. Elle était ravie d’échanger avec lui ses impressions sur Le Maître du Haut Château et de l’entendre lui conseiller d’autres lectures susceptibles de lui plaire, comme Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, ou encore 1984 de George Orwell. Elle buvait ses paroles comme elle buvait son thé au citron – avec plaisir et délectation – et se laissait bercer par le son doux et suave de sa voix de baryton.
Lisa était tellement subjuguée par M. Bates qu’elle ne vit clairement pas le temps passer. Ce ne fut que lorsqu’elle s’aperçut que la nuit commençait à s’installer dehors qu’elle consulta sa montre avec inquiétude.
- Mince, mais il est déjà cinq heures moins le quart ! s’écria-t-elle. Il va peut-être falloir que je rentre chez moi !
Sa mère n’arrivait pas à la maison avant sept heures et demi, ce qui lui laissait encore de la marge, mais elle ne voulait pas abuser de l’hospitalité de M. Bates plus longtemps, car cela faisait bientôt deux heures qu’elle se trouvait chez lui.
- Tu veux que je te raccompagne ? demanda l’enseignant.
Lisa entrouvrit la bouche de stupéfaction. Cette proposition inattendue était pour elle comme la cerise sur le gâteau ! Alors qu’elle venait de passer l’après-midi chez M. Bates, elle se voyait maintenant offrir la possibilité de se faire ramener chez elle à bord de sa Mini Cooper… C’était vraiment trop !
La jeune fille fut sur le point d’accepter, lorsqu’elle se souvint soudain du scandale qu’elle avait provoqué à la maison, le dernier soir du Green Jazz Festival, quand elle avait révélé à sa mère que la voiture qui l’avait déposée devant chez elle n’était autre que celle de son prof de maths… Et si jamais aujourd’hui sa mère rentrait du travail plus tôt que prévu ? Lisa, qui préférait ne pas prendre de risque et éviter de déclencher une nouvelle scène de ménage, répondit finalement à M. Bates :
- Euh… Non, non, ça va aller, j’ai un bus qui passe dans dix minutes.
C’était d’ailleurs la stricte vérité, et elle devait se dépêcher si elle ne voulait pas le rater. La perspective d’attendre le bus suivant pendant trois quarts d’heure sous la pluie ne l’emballait pas des masses...
- Tu es sûre ? insista M. Bates. Ça ne me dérange pas de te ramener, tu sais. Maintenant que je connais la route…
- Non, vraiment, ne vous embêtez pas pour moi ! Ce sera plus simple par le bus.
Sur ce, Lisa finit son thé au citron en buvant d’une traite ce qui restait au fond de son mug, puis se leva de sa chaise et passa son sac à bandoulière sur son épaule. M. Bates se leva à son tour et la reconduisit jusqu’au vestibule, où elle récupéra son manteau. Celui-ci avait eu le temps de sécher entièrement, mais hélas, il serait bientôt trempé à nouveau, car la pluie ne s’était toujours pas arrêtée.
- Quel temps de chien ! commenta M. Bates en ouvrant la porte d’entrée et en regardant à l’extérieur.
- J’espère qu’il fera meilleur pour Thanksgiving…, ajouta Lisa, avant de mettre sa capuche.
- J’espère aussi… Allez, rentre bien ! Et encore merci pour le cadeau !
- Merci à vous pour votre accueil ! Passez de bonnes vacances !
- Toi de même ! souhaita l’enseignant en laissant la jeune fille passer devant lui et franchir le seuil de sa maison.
Et dire qu’il était loin d’imaginer à quel point Lisa avait hâte que les vacances se terminent pour qu’elle puisse le revoir en cours le lundi suivant !
- Alors ? Qu’est-ce que tu as fait de beau pendant tes vacances ? s’enquit Astrid le lundi 27 novembre, à l’heure de la pause déjeuner.
Ce jour-là, la cafétéria était bondée, à croire que le temps froid et gris qui régnait dehors avait dissuadé tout le monde d’aller manger à l’extérieur. Un brouhaha continu emplissait la salle, un mélange de conversations dans lesquelles les élèves se racontaient avec entrain comment s’étaient passés leurs congés.
- Oh, euh… Rien de spécial…, répondit évasivement Lisa.
« Je suis juste allée prendre le goûter chez M. Bates lundi dernier » ajouta-t-elle dans sa tête en esquissant un sourire.
- Tu n’as même pas regardé la cérémonie de grâce de la dinde ? s’étonna la blonde.
- Si, bien sûr ! Comment aurais-je pu rater ça ? s’empressa de répondre Lisa, qui ne manquait jamais la retransmission à la télé de cette tradition de Thanksgiving.
Mais évidemment, ce n’était rien comparé au moment inoubliable qu’elle avait passé en compagnie de M. Bates sous sa véranda… Il lui tardait tellement de le retrouver en cours, dans un peu moins d’une heure !
- Tiens, tu as une nouvelle paire de boucles d’oreilles ? s’exclama Joey à l’adresse d’Astrid, qui portait en effet à ses oreilles deux petits champignons rouges à pois blancs.
- Oui, c’est un cadeau de Kevin pour Thanksgiving, répondit la jeune fille, tout sourire.
- Et toi ? Qu’est-ce que tu lui as offert ?
- Tu verras bien quand il arrivera ! lança Astrid d’un air malicieux.
Lisa, qui avait déjà une petite idée de ce dont il s’agissait – son amie était toujours aussi accro au tricot –, ouvrit sa lunch box et déballa son sandwich à la dinde et à la sauce aux cranberries. Cette année encore, sa mère avait préparé un repas de Thanksgiving gargantuesque. De nombreux restes s’étaient entassés dans le frigo, et Lisa se faisait maintenant un plaisir de les terminer en les utilisant pour se concocter des sandwichs originaux. Mordant à pleines dents dans celui qu’elle tenait, elle savoura avec délice le mélange sucré-salé de la viande rôtie et de la confiture de canneberges. Elle en reprit une deuxième bouchée aussitôt après avoir avalé la première, mais manqua alors de s’étouffer lorsqu’elle vit Kevin s’approcher de la table où elle mangeait avec ses amis.
Le garçon portait sur la tête un bonnet péruvien aux couleurs de l’arc-en-ciel, qui jurait atrocement avec son blouson noir et son jean bleu marine. Ses cache-oreilles aux motifs psychédéliques étaient prolongés par de longues tresses multicolores qui se balançaient au rythme de ses pas. Tout le monde se retournait sur son passage pour observer avec amusement l’énorme pompon jaune qui était cousu au sommet de son crâne. Même son fidèle ami Joey ne put s’empêcher d’exploser de rire quand il le vit s’arrêter devant lui pour le saluer.
- Mais qu’est-ce que tu as sur la tête ? s’écria-t-il d’une voix hilare.
- Ça, c’est ce qu’on appelle un bonnet…, répondit Kevin, comme si Joey n’avait jamais entendu ce mot.
- Il est beau, n’est-ce pas ? C’est moi qui l’ai tricoté ! s’exclama Astrid en admirant sa création. Je dois dire que je suis plutôt fière du résultat !
- C’est ce que tu lui as offert pour Thanksgiving ? s’esclaffa Joey. Eh ben ! Il en a, de la chance !
- Si j’étais toi, j’éviterais de me la ramener, lui conseilla Kevin. Il me semble qu’Astrid t’a aussi tricoté quelque chose… Pas vrai, chérie ?
- Tout à fait ! Et j’ai aussi pensé à toi, Lisa ! Tenez ! fit la blonde en présentant à chacun de ses deux amis un paquet rouge enrubanné de ficelles dorées.
« Je crains le pire… » songea Lisa, qui ouvrit malgré tout son cadeau.
- Waouh ! s’exclama Kevin en découvrant ce que la jeune fille sortait de son emballage. Une écharpe vert pomme ! C’est parfait, ça, pour aller avec tes moufles !
Lisa jeta un regard blasé au garçon. Elle sentait clairement qu’il se moquait d’elle et qu’il se faisait une joie de la taquiner.
- Mais au fait…, reprit Kevin, où sont tes moufles ?
- Je… Euh… Je les ai oubliées à la maison, bégaya Lisa, prise au dépourvu.
- Tu ne les mets plus ? s’inquiéta Astrid.
- Si, si. C’est juste que je n’ai pas pensé à les prendre avec moi, ce matin...
- Il fait pourtant froid, dehors, fit remarquer son amie. Tu devrais les mettre.
- Surtout que tu as maintenant une écharpe assortie, renchérit Kevin. Franchement, tu n’as plus aucune excuse !
- Ne viens pas te plaindre quand tu seras tombée malade ! ajouta Astrid, comme si cela ne suffisait pas.
- C’est bon, c’est bon, j’ai compris ! s’impatienta Lisa. Je mettrai mes moufles et mon écharpe demain ! Et toi, alors ? Qu’est-ce que tu as eu ? demanda-t-elle à Joey pour essayer de changer de sujet de conversation.
- A vrai dire, je ne sais pas trop…, confessa le garçon d’un air perplexe. J’hésite entre une paire de moufles et une paire de chaussettes… A ton avis ?
- Mais c’est une paire de chaussettes, voyons ! se récria Astrid, vexée que son ami mette autant de temps à identifier ce qu’elle lui avait offert.
- Aaaah… Je me disais aussi que ces moufles paraissaient un peu grandes…
- Une chaussette rouge et une chaussette bleue ? s’étonna Lisa en observant les deux socquettes dépareillées. Tu aurais au moins pu les faire de la même couleur !
- Désolée, j’étais en pénurie de laine rouge, et j’avais la flemme de sortir en racheter...
- Par contre, tu as l’air d’avoir un sacré stock de laine vert pomme, commenta Kevin, qui ne se lassait pas de narguer Lisa.
- Oui, il m’en reste encore suffisamment pour tricoter un bonnet ou des chaussettes, confirma Astrid d’une voix enjouée. D’ailleurs, il va falloir que je m’y remette car, mine de rien, Noël approche !
A ces mots, Lisa leva les yeux au ciel et pria pour que le Père Noël lui épargne le bonnet péruvien...
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