Chapitre 12

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La prof resta immobile devant lui, alors qu’il avait le bras tendu vers elle, mettant la boisson chaude sous son nez. La vapeur d’eau qui en émanait embua ses lunettes. Elle semblait enfin avoir compris son petit jeu, elle savait qu’elle avait été choisie comme proie. Elle ne lui répondit pas, regarda le verre avec dédain et se retourna sans prêter attention à Jordan.

Personne n’osait parler, tout le monde restait scotché sur place, à attendre la réaction de la prof. Sauf qu’elle n’eut aucune réaction, elle commença à marcher en direction du car, en silence, au milieu du brouhaha de la rue. Et tout le monde la suivit, Jordan en première ligne, un petit sourire en coin.

Elle monta dans le car, et s’arrêta au premier rang de sièges.

— Mets-toi là, lança-t-elle froidement à Jordan, en désignant une place.

Jordan s’exécuta, parfaitement serein. Il allait donc passer tout le trajet à ses côtés…

Les autres montèrent dans le car, silencieux, jetant des petits coups d’oeil en sa direction, tout en essayant de ne pas se faire remarquer. Ils s’installèrent au fond du car, qui démarra…

L’ambiance était pesante, personne n’osait sortir le moindre mot. Ils se regardaient tous les uns les autres, ne sachant pas quoi penser.

Et à l’avant, la prof s’était assise à côté de Jordan. Elle se pencha vers lui et commença à lui parler, mais il était impossible de les entendre de l’autre bout du car.

— Il doit être en train de se faire exploser… lança Thibaut.

— Bah il l’a bien mérité, répliqua Noémie.

Alec resta silencieux. Il ne savait pas vraiment quoi penser… Jordan était insupportable, mais en même temps il le trouvait drôle, et puis original. En tout cas, il cherchait à attirer l’attention de tout le monde et c’était réussi, puisque tout le monde ne parlait que de lui.

La journée se passa tranquillement, Jordan s’était à peu près calmé, mises à part quelques piques en direction de la prof par moments, qui restait parfaitement calme. Alec prit quelques photos, se régala au restaurant, et resta avec Marion pendant les visites. Il ne prenait pas trop part aux discussions du groupe, les Terminales restaient en général dans leur coin, et ne faisaient pas trop d'efforts pour intégrer les Premières, qui étaient tous séparés, Alec avec Marion, Jordan en solitaire, et les deux autres qui restaient dans leur coin, toujours au fond du groupe.

Le dîner se passa mieux, ils réussirent même à trouver un sujet commun : se foutre de la gueule des profs, assez classique mais qui arrivait à mettre tout le monde à l’aise et de bonne humeur. Il y eut même quelques éclats de rire.

— Bon, il se fait tard, vous avez eu une journée bien remplie, alors on rentre tous à l’hôtel et on se couche immédiatement. Il y aura des tas de choses à faire demain !

Alors tout le monde se leva de table et le groupe marcha jusqu’à l’hôtel, qui n’était qu’à cinq minutes à pied. La journée avait été très longue, et ils étaient tous complètement crevés.

Alec prit les escaliers pour se rendre dans la chambre. Il prit son temps pour monter, il avait besoin de rester seul un moment pour réfléchir. Il avait un peu peur de cette soirée seul avec Jordan, il ne savait pas à quoi s’attendre avec un gars comme lui, tout était possible…

En tout cas, c’était inutile de se faire des films, ça ne ferait que le stresser davantage. Alors, une fois arrivé à l’étage, il prit une grande inspiration, puis s’engagea dans le couloir.

Il sortit la clé de la chambre de sa poche et ouvrit la porte…

Jordan était de dos, courbé, au-dessus de sa valise en train de prendre ses affaires. La vision surpris Alec, qui avait une vue directe sur son cul. Il secoua la tête pour s’empêcher de s’imaginer des choses… bizarres.

— J’prends ma douche d’abord, lança Jordan.

— Je comptais pas la prendre ce soir.

— Tant mieux, répondit-il d’un ton un peu froid.

Jordan sortit de sa valise sa trousse de toilette, une serviette et un caleçon, puis se rendit dans la salle de bain.

Alec profita de ce moment seul pour sortir son portable. Ruben avait envoyé 3 messages dans la journée, mais il n’avait pas trop envie de lui répondre ; ce mec ne l’intéressait plus.

Il se décida à parler à son meilleur pote, Matthieu. En France, il devait encore être l’après-midi. Il vit que Matthieu était en ligne, alors il s’empressa de lui envoyer un message.

« Hey :) »

« Salut beau gosse, ça se passe bien tes vacances en Chine ? »

« Ouais super, j’avais juste un truc à te demander »

« Je t’écoute »

« Je crois que Marion m’a cramé… :/ »

« Comment ça ? »

« Bah elle a deviné que je suis gay :( »

« Oh merde t’en es sûr ? »

« Elle a pas arrêté de me faire des allusions aujourd’hui… »

« Bah c’est bon tu peux lui dire du coup »

« Tu crois ? »

« T’as rien à perdre puisqu’elle a déjà compris, et puis elle le prendra bien, t’inquiète pas ! ;) »

« Ouais c’est facile à dire, tu sais pas à quel point c’est difficile un coming-out »

« Pauvre bichette :( Tu veux un câlin ? »

« Ta gueule »

« Moi aussi je t’aime ;) Mais comment elle a pu cramer ? J’veux dire, t’es pas vraiment… »

« Je fais pas pédé, c’est ça ? »

« Exact »

« Bah j’en sais rien moi »

« Peut-être qu’elle a vu que tu matais un peu trop les mecs… T’as des vues sur quelqu’un en ce moment ? »

À ce moment, Jordan sortit de la salle de bains, les cheveux mouillés, complètement nu, une serviette autour de la taille.

— J’ai oublié de prendre mon caleçon, fais pas attention à moi.

Alec ne manqua pas une seconde du spectacle qui lui était offert. La serviette était mal mise, et laissait apparaître un beau morceau du haut de sa cuisse, sur le côté… Mais il détourna vite le regard, ayant peur de se faire repérer en train de le mater.

« Non, personne en particulier » répondit-il à Matthieu. « Bref je vais aller me coucher, il est tard en Chine »

« Cette discussion n’est pas finie ;) »

« Oh que si »

Et il éteignit son téléphone. Ça lui avait fait du bien de parler un peu à son meilleur pote, et ça avait suffit à lui redonner complètement le sourire.

Jordan sortit de la salle de bain, simplement vêtu d’un boxer. Ses cuisses étaient bien musclées, et ses abdos superbement dessinés. Ça donnait envie… Il éteignit toutes les lumières de la chambre, au plus grand regret d’Alec, qui aurait voulu en profiter plus longtemps.

Jordan se glissa dans son lit, sous la couette. Il ne dit pas un mot, comme s’il avait déjà commencé à s’endormir…

Mais Alec avait envie de lui parler, il se doutait que Jordan cachait quelque chose, derrière tout ce comportement. Les gens n’agissent jamais par hasard. Et Jordan était loin d’être con, au contraire. Alors il devait forcément y avoir un truc, et Alec brûlait d’envie de lui demander.

Allez, il fallait bien se lancer. Si ce n’était pas tout de suite, il n’oserait probablement jamais. Jordan n’était sûrement pas méchant, et certainement plus sympa dans l’intimité d’une chambre…

— Pourquoi tu fais ça ?

— Quoi ? répondit Jordan assez froidement.

— Pourquoi tu fais ça ? répéta Alec.

— J’avais entendu, banane, pas besoin de répéter. Pourquoi je fais quoi ?

— Pourquoi tu fais en sorte que les gens te détestent ?

Jordan pouffa de rire.

— Tu crois vraiment qu’ils me détestent ?

— Bah… t’aurais dû les entendre parler de toi.

— Ça c’est pas très grave. Dans 2 jours, ils commenceront à me kiffer, tu verras.

— J’en suis pas sûr…

— Il y en a déjà quelques-uns qui m’aiment bien, mais ils osent pas encore le dire. La preuve : toi.

S’il n’était pas plongé dans le noir, on aurait pu voir Alec rougir comme il ne l’avait jamais fait. Il fut pris d’une bouffée de chaleur et resta figé quelques secondes.

— Et puis, continua Jordan, les p’tits bourges ont besoin d’être décoincés un peu !

— Tu dis ça, mais t’en es un aussi…

— Sauf que moi, au moins, j’ai une personnalité, et les gens se souviendront de moi.

— En mal.

— Tu préfères quoi ? Que les gens se souviennent de toi comme un mec chiant, ou être un mec sympa mais facile à oublier ?

— Tu me vises, là ?

Jordan fit un bruit de bisou avec sa bouche.

Et puis un silence s’installa. Alec ne savait pas trop quoi dire, ça devenait presque gênant. Il se demandait ce que Jordan pouvait être en train de penser…

— Bon, j’suis désolé mais je suis mort, moi. Je vais dormir.

— Déjà..? murmura Alec.

— Ouais désolé, j’ai vraiment besoin de dormir. Mais demain soir on pourra parler plus longtemps, si tu veux…

— D’accord, bonne nuit.

— Dors bien, Alec.

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