Chapitre 15
Alec ne savait pas quoi faire, il restait debout, tout seul dans la chambre, les bras ballants. Il n’avait pas envie d’y aller, il ne connaissait personne à part Marion, et ça le mettait mal à l’aise de se dire qu’il allait faire une soirée avec des quasi-inconnus.
Et puis il y avait aussi Jordan qui risquait de s'y rendre...
Il n'était sûr de rien, il avait peur de se sentir mal à l'aise, mais il craignait aussi de rater quelque chose s'il restait dans sa chambre tout seul.
Il s’assit sur le lit et sortit son portable en attendant. Il avait reçu quelques messages pendant la journée, le plus souvent des potes qui lui demandaient si le voyage se passait bien.
« Ouais c’est super :) on fait plein de choses et la bouffe est géniale !! »
Il fit un copié-collé du message et l’envoya à tous ceux qui lui avaient posé la question.
Puis il écrivit un message différent, pour Matthieu :
« Bof, ça pourrait être mieux… Le groupe est pas génial, ils sont chiants :/ Mais sinon ça va, la bouffe est très bonne et les visites sont sympas »
Puis il s’écroula sur le lit, sans enlever ses chaussures, en fixant le plafond. Il gardait les yeux grands ouverts, il ne pensait à rien, sa tête était vide, ou trop pleine. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Il avait envie de rejoindre Jordan, mais il avait peur de ce dont il était capable…
Et puis pourquoi il s’inquiétait pour ce mec, alors que lui ne devait probablement jamais penser à lui ?
Son portable vibra alors… C’était Matthieu.
« Il se passe quoi ? :( »
« Je sais même pas :/ J’ai l’impression d’être tout seul »
« Ouais je comprends, y a que des gens que tu connais pas »
« Il y a Marion, quand même » répondit Alec.
« D’ailleurs tu lui as dit que t’étais gay ? »
« Nan je suis pas pressé »
Il avait l’impression que cette conversation lui permettait de gagner du temps, ou plutôt d’en perdre. Ça faisait bientôt dix minutes que Jordan était sorti, et devait sûrement être en train de l’attendre.
« Va bien falloir que tu lui dises un jour » fit Matthieu.
Alec prit une grande inspiration et ferma les yeux. De toute façon, il pourrait prendre n’importe quelle décision, la soirée serait pourrie. Autant sortir un peu de sa coquille et essayer de « sociabiliser » avec les autres. Ça serait pas plus mal. Et puis on ne sait jamais ce qui peut se passer.
Alors il se leva au prix d’un immense effort et sortit de la chambre. Si ses souvenirs étaient bons, Jordan lui avait dit qu’il était dans la chambre d’Alice, sauf qu’il n’avait aucune idée de là où ça pouvait être.
Il longea le couloir, en collant son oreille à chaque porte pour voir s’il y avait du bruit, et il entendit enfin des voix en approchant du bout du couloir. Ça semblait venir de la dernière porte.
Il crut entendre la voix de Jordan, recouverte par une musique bruyante, alors il frappa à la porte…
Une fille de Terminale vint lui ouvrir, un grand sourire aux lèvres.
— Aaaaah bah super ! On t’attendait ! Les gars ! Y a… Comment tu t’appelles ?
— Alec.
— Y a Alec qui est arrivé !
Puis elle s’écarta pour le laisser entrer et ferma la porte derrière lui.
Tout le groupe s’était réuni dans la chambre d’Alice, ils étaient un peu serrés mais ils rentraient tous, assis par terre ou sur un des deux lits.
Comme par réflexe, le regard d’Alec chercha immédiatement Jordan, et celui-ci avait déjà une bouteille à la main. Leurs yeux se croisèrent, Jordan comprit qu’Alec était en train de le fixer.
— C’est de l’alcool de riz, lança-t-il en désignant la bouteille. On en a acheté aujourd’hui, tu veux goûter ?
— Ouais, je veux bien.
Jordan lui passa la bouteille, la même sur laquelle il avait déposé ses lèvres quelques secondes plus tôt. Il pouvait encore en sentir l’humidité quand il approcha les siennes. Et il savoura ce baiser à distance, ce tout premier baiser avec Jordan…
— Wow calme-toi ! Fit Jordan, alors qu’Alec ne se détachait pas de la bouteille. Putain, t’as vidé au moins un quart, faut m’en laisser un peu !
— Oui, désolé, répondit Alec en n’osant pas s’essuyer la bouche.
Marion n’était même pas là, elle avait dit qu’elle se sentait mal et était allée se coucher. C’était juste parfait : une soirée tout seul avec des gens qu’il ne connaissait pas. Certains essayaient de faire un peu connaissance, avec leur haleine de chacal, mais il restait un peu froid, et il ne pouvait pas s’empêcher de regarder constamment Jordan du coin de l’oeil, et de grimacer à chaque fois que celui-ci vidait une nouvelle bouteille…
Mais il continuait de boire, de prendre un shot de temps en temps, de tester toutes les boissons qu’il y avait, chaque verre diminuait un peu plus sa gêne et l'aidait à se sentir mieux... temporairement. L’alcool de riz n’était pas mauvais, même si ce n'est pas exceptionnel non plus. Il ne comptait plus vraiment les verres, et il ne comptait plus sur Jordan, qui avait dû le regarder deux fois en tout, depuis qu'il était arrivé. C’est comme s’il l’avait oublié, dès qu’il avait trouvé d’autres potes, mieux que lui. Et il se sentit con d'avoir cru pendant un moment qu'ils auraient pu être potes ...
Jordan était en train de danser au milieu du salon sur des musiques commerciales, en tournant autour d’Alice. Ils avaient tous les deux l’air déjà assez éméchés et elle commençait à se rapprocher dangereusement de lui…
Alec serra les poings.
Et comme ça semblait amuser les autres, ils se mirent à beugler en chœur :
— Un bisou ! Un bisou ! Un bisou !
Jordan ne résista pas. Il adorait être au centre de l’attention, il ne pouvait pas décevoir ses fans, quand même. Alors il pressa sauvagement ses lèvres contre celles d’Alice…
Alec eut l’impression de s’être pris un véritable coup en plein cœur… Sa respiration se bloqua, sa bouche resta entrouverte. Il était paralysé.
— Hmm Jordan, lança Alice, complètement allumée.
— Tu kiffes, hein ?
— Bien sûr ! Je kiffe tout ce qui vient de toi...
Ils reprirent leurs baisers, devant tous les autres qui étaient en train de baver, en rêvant d’être à leur place.
Et Alec vit leur langue danser outrageusement, et la main de Jordan s’aventura dans le bas du dos d’Alice, commença à tripoter ses fesses, à les malaxer. Il avait l’air tellement à l’aise, ça ne pouvait pas être la première fois qu’il touchait à un cul, c’était sauvage, c’était dégoûtant.
C’était horrible…
— Eh ! Tu vas où ?
— Je reviens, mentit Alec, en tournant le dos aux autres pour ne pas qu’ils voient ses yeux embués.
Il sortit précipitamment de la chambre et claqua la porte derrière lui. Il avait du mal à respirer, il ne voyait plus clair, les choses se brouillaient autour de lui. Il avait du mal à marcher droit. Il lui semblait entendre une voix derrière lui qui l’appelait, il n’en était pas sûr.
Sa main se dirigea maladroitement vers sa poche, il sortit la carte de sa chambre, la valida et poussa la porte.
Il la referma derrière elle, et s’appuya un peu contre le mur, histoire de se remettre les idées en place. Des tas d’images lui revenaient en tête, il ne se sentait pas bien, il avait envie de vomir…
Machinalement, il se rendit dans la salle de bains. Il saisit une bouteille d’eau et la vida d’un seul coup, en foutant la moitié à côté. Mais il se sentait un peu mieux quand même. Il essaya de se calmer, de reprendre sa respiration.
Il était face au grand miroir de la salle de bains, il avait vraiment une sale tête… Il se mit un peu d’eau sur le visage pour se rafraîchir les idées.
— Qu’est-ce que t’es con, lança-t-il à son reflet, d’un air méprisant. Mais c’était sûr, en fait ! Comment t’as pu croire à un truc avec lui ? Il en a rien à foutre, de toi. Il se sert de toi pour pas se faire chier, mais dès qu’il a trouvé d’autres gens, il t’a laissé tomber comme une merde. T’étais qu’un bouche-trou.
Il posa les deux mains sur le lavabo, continuant à dévisager son propre reflet et à se parler à lui-même…
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