Chapitre 16
« Salut »
« Eh bah c’est pas trop tôt, je t’ai envoyé plein de messages hier »
« :/ »
« Qu’est-ce qui y a ? »
Alec poussa un long soupir… Il n’avait pas trop envie de se confier, et surtout pas à lui. Il ne savait même pas pourquoi il se mettait à parler à Ruben. C’était vraiment pas l’idéal pour se confier, vu ce qu’il avait vu de lui précédemment…
« Rien t’inquiète »
« T’es où là ? »
« Dans mon lit, enfin celui de l’hôtel, et toi ? »
« Dans mon lit aussi :) »
C’était con, mais rien que de pouvoir lui parler suffisait à redonner le sourire à Alec. En même temps, vu l’état dans lequel il se trouvait, n’importe quoi pouvait le faire rire, ou pleurer.
« Tu fais quoi ? » envoya-t-il.
« Rien et toi ? :) »
« J’suis à une soirée, mais je suis parti :o Je me faisais chier »
Il se mordit la lèvre inférieure après ce mensonge.
« Ah ouais je vois :/ Au fait, t’habites où ? »
« Vers Paris et toi ? »
« Pareil :) Où ça ? »
Finalement, Ruben n’avait pas l’air si nul que ça… Mais l’alcool devait sûrement avoir une influence sur Alec pour lui faire penser ça. Ou peut-être qu’il était réellement plus sympa que ce qu’il avait montré depuis le début. Après, Alec ne se voyait pas du tout le rencontrer, et encore moins vivre quelque chose avec lui.
« Aaaaaah mais c’est pas sur le RER B ? »
« Si ;) C’est quasiment au terminus :p »
« Ah ouais c’est bien paumé comme endroit :D »
« Ta gueule :p »
« Mais du coup c’est trop bien !!! On peut se voir facilement :) »
« Oui c’est vrai ;) On aura qu’à se rencontrer quand tu seras rentré :D »
« J’ai déjà hâte :p »
Sa respiration était redevenue normale, son cœur battait doucement… Alec se sentait un peu mieux. Il était en train de grignoter une barre chocolatée qu’il avait mise dans sa valise avant de partir, l’effet de l’alcool commençait tout doucement à diminuer.
« Tu veux qu’on s’appelle ? » lança Ruben.
Alec regarda autour de lui, comme si ça allait servir à quelque chose de vérifier si la chambre était vide.
« Ouais si tu veux :) Mais utilise ton wifi pour appeler ! »
Et quelques secondes plus tard, son portable sonna. Alec décrocha immédiatement.
— Allôôôôôôô, fit une voix aiguë.
Alec fut surpris, il ne s’attendait pas à ce que Ruben ait une voix efféminée. Il s’était dit que, comme il était Portugais, il allait juste être un mec viril à tatouages.
— T’as des tatouages ? lança-t-il sans réfléchir.
Il regretta immédiatement ce qu’il venait de dire. Il ferma les yeux et prit une grande inspiration, avant de souffler bruyamment. L’alcool faisait encore son effet, il se mettait à dire tout haut ce qu’il pensait…
— Euh pourquoi tu dis ça ? répondit Ruben avec un rire gêné.
— Rien désolé, c’est juste que j’ai un peu bu…
— Ouais t’inquiète.
« Et merde… » se dit-il. C’était pas génial, comme première impression. Il fallait vraiment qu’il se contrôle, pour pas que Ruben s’enfuie en courant. Il avait pas vraiment envie que celui-ci le prenne pour un malade…
— Putain mais va te faire foutre ! gueula Ruben.
— Hein ?
— J’te parlais pas à toi ! Dégage de là, sale pute !
Et Alec entendit un gros bruit venant de l’autre bout du fil, comme un truc qui se fracassait contre un mur.
— Ouais, j’suis là, reprit Ruben.
— Il se passait quoi ?
— Ma mère me faisait encore chier, elle m’a soûlée celle-là.
— Attends… Tu traites ta mère de pute ?
— Bah ouais pourquoi ?
— Enfin, c’est ta mère quand même, répondit Alec, un peu choqué. Et puis si c’est une pute, toi t’es un fils de…
— Ta gueule ! fit Ruben en éclatant de rire.
Alec n’y comprenait rien… D’abord ce mec s’énervait contre sa mère en la traitant de pute, et dix secondes après il riait comme s’il ne s’était rien passé. Donc soit il était bipolaire, soit il était aussi éméché que lui.
— Il est quelle heure en France ?
— 21 heures, pourquoi ?
— Pour rien.
21 heures, c’était encore trop tôt pour se bourrer la gueule. Il fallait bien croire que Ruben était comme ça. Au moins, il avait l’air haut en couleur. Surtout qu’il n’était pas trop crédible, à insulter sa mère avec sa voix de fille.
— T’as pas encore mué ?
« Mais putain, Alec ! »
Il enfouit sa tête dans un oreiller, il avait juste envie de raccrocher et de disparaître. Ça partait comme ça, sans qu’il arrive à se retenir. Il enchaînait les conneries coup sur coup. Ruben allait certainement être vexé…
— Dis que j’ai une voix de meuf, aussi.
— Nan nan, pas du tout, c’est juste que…
— Ok.
Ça n’avait pas manqué, Ruben lui faisait la gueule, maintenant… En même temps, on avait tellement dû lui faire la remarque, c’était pas très malin de sa part.
— Sinon j’avais une question, tenta-t-il pour relancer la conversation.
— Vas-y.
— Quand je t’avais demandé si t’étais gay, t’as dit « peut-être ». Pourquoi ?
— J’crois que je suis plutôt bi. Je suis jamais sorti avec un gars… Et toi ?
— Moi je suis 100 % gay. Mais t’as jamais rien ressenti pour un garçon ?
— Nan, jamais.
La conversation commençait à devenir intéressante, et puis il pouvait faire avancer les choses, puisque Ruben était venu pour ça…
C’était toujours mieux que ce connard de Jordan, qui n’en avait rien à foutre de lui et qui devait probablement lui donner autant d’importance dans sa vie qu’à une crotte de chien sur le trottoir.
— Du coup t’es en Première ? demanda le Portugais.
— Ouais, toi aussi ?
— Yes. Et tu vas au lycée à côté de chez toi ?
— Nan, je vais à Paris. C’est un lycée privé.
Il y eut quelques secondes de flottement, durant lesquelles Ruben ne répondit pas. Alec vérifia qu’il n’avait pas raccroché sans faire exprès, mais non.
— Ah ouais je vois le genre. T’es un p’tit bourge en fait, toi.
Ruben avait montré tout son dégoût dans sa voix. Alec leva les yeux au ciel et essaya de rester calme.
— Nan pas du tout, c’est juste que j’ai envie de faire de bonnes études.
— Ouais c’est la même chose.
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