« Ah oui ? »

« Oui, c’était long sans toi :/ On s’appelle ? »

Alec regarda sur le côté : Thibaut était toujours en train d’appeler sa copine, et il n’avait pas l’air d’avoir envie de raccrocher…

« Je peux pas appeler pour l’instant :( »

« Ok »

Alec put sentir toute la froideur de Ruben juste avec ce « Ok ».

« Moi aussi je suis dégoûté, hein… »

« Bref c’est pas grave :/ T’as passé une bonne journée au moins ? »

Alec était soulagé que Ruben ne le prenne pas mal, cette fois-ci. Il avait l’impression que plus ils parlaient, plus ce garçon devenait sympa. C’était pas normal, normalement on essaye de montrer ses bons côtés et de masquer ses défauts, et là il faisait l’inverse.
Ils continuèrent de parler, un peu de tout et de rien, de leurs goûts, de leurs amis… Ruben avait l’air moins distant et moins blasé qu’avant, même si ce n’était pas encore ça. Au moins, il était en progrès !

Alec se surprenait à sourire bêtement devant son portable.

« Et avec ta famille ça s’améliore ? »

Il soupira. Ça le gênait un peu de parler avec sa famille, ça ne lui rappelait jamais de bons souvenirs…

« Bah c’est un peu froid mais ça va mieux :) Surtout depuis que je leur ai dit que j’étais redevenu hétéro »

« Et ils t’ont cru ? »

« Bah je leur ai dit ce qu’ils voulaient entendre depuis le début, donc ouais ils y ont cru »

« Excuse-moi mais ils sont un peu cons tes parents »

« Juste sur ce sujet-là, sinon ils sont super bien… »

« Moi je mange même plus avec eux :/ Je dois me faire à manger tout seul »

Alec ne savait pas trop quoi dire. Il pensa que la meilleure chose était sûrement de ne rien dire… Sa situation n’était pas géniale, mais pas au point de devoir cuisiner tout seul. Ruben n’avait pas de chance…

« Je parle trop, je défends tout le monde et si j’ai un problème avec les gens je leur dis directement :/ Mais j’suis comme ça, j’aime pas cacher des choses aux gens »

« Je comprends… » se contenta de répondre Alec, un peu attristé par sa situation.

Et puis d’un autre côté, il l’admirait un peu. Et il se demanda comment aurait pu être sa vie s’il avait dit tout ce qu’il pensait à ses parents, à ses potes, aux gens du lycée. Les choses auraient sûrement été différentes, et pas forcément en mieux. Ses parents lui avaient toujours appris à fermer sa gueule, parce que c’est comme ça qu’on réussit le mieux. Et ils n’avaient pas vraiment tort.

— Alec ?

Il se retourna, sorti de ses pensées par la voix de Thibaut. Il semblait avoir fini son appel, et il devait probablement avoir envie de discuter un peu.

— Il se passe quoi entre toi et Jordan ? lança Thibaut.

Alec fronça les sourcils et fit semblant de ne pas comprendre. Mais il savait très bien qu’il n’était pas naturel comme ça. Il fut soudain prit d’une bouffée de chaleur.

— Bah… Rien, pourquoi ? bafouilla-t-il.

— Je sais pas… Vous vous comportez bizarrement, tous les deux.

— Il a insulté ma pote, répliqua Alec. J’ai réagi comme il fallait, n’importe qui aurait fait la même chose, Jordan ou pas Jordan !

— Je parlais pas de ça… Mais d’ailleurs, demande à ta pote d’être plus discrète.

— Pourquoi ?

Là, il commençait vraiment à avoir chaud, il devait sûrement être tout rouge. Thibaut avait l’air de chercher ses mots, ça sentait mauvais…

— Disons qu’elle… parle un peu trop fort.

Thibaut avait l’air aussi gêné que lui, il passait sa main dans ses cheveux, ça devait être un tic de stress chez lui.

— Comment ça ? lança Alec presque violemment.

— J’suis désolé, hein, j’ai pas fait exprès, mais elle parlait vraiment fort, et… J’ai entendu votre conversation.

Alec était paralysé, il ne savait pas quoi faire. Ça ne pouvait pas être possible, c’était forcément une erreur…! Il essaya de se remémorer ce moment dans le train, c’est vrai qu’elle avait parlé assez fort, il lui avait même demandé de baisser d’un ton…

— Bref, reprit Thibaut. En tout cas voilà, je le sais. Et je voulais te prévenir de faire gaffe à ce que d’autres gens l’apprennent pas. Dans ce genre de lycée, c’est pas bon d’être…

Il n’avait pas envie de dire le mot, ça le mettait mal à l’aise. Et Alec avait terriblement honte de lui, il était comme un enfant qui avait volé des bonbons, et à qui on lui montrait la vidéo-surveillance du magasin…

— Oui, bredouilla-t-il. Merci de m’avoir prévenu…

— Et une dernière chose : évite Jordan, s’il te plaît.

Alec releva la tête vers lui, intrigué.

— Pourquoi ça ?

Thibaut soupira, il se mordit la lèvre inférieure.

— Je vais regretter ça… Tu me jures que t’as rien entendu ce soir, ok ? Si quelqu’un te demande, on s’est pas parlé ce soir. Je veux pas être impliqué dans quoi que ce soit, c’est pas mes affaires.

— T’inquiète, je dirais rien.

— Même à ta pote, tu me le jures ?

— Promis, juré, craché, répliqua Alec.

— Bon… Tu vois Alice ? C’est une de mes meilleures amies. Tu dois être au courant qu’elle a couché avec Jordan. Bref, c’est pas le problème, c’est sa vie et elle fait ce qu’elle veut, j’ai pas à la juger.

— Oui…? souffla-t-il, le coeur battant la chamade, attendant la révélation que Thibaut avait à lui faire.

— En gros, quand ils ont fini de… voilà, t’as compris…

— Oui…

— Bah Jordan était assez déchiré, Alice aussi, mais quand même en meilleur état, donc elle se souvenait de deux-trois trucs. Et elle m’a dit que Jordan s’était mis à parler tout seul, et qu’il avait répété plusieurs fois : « J’suis pas un pédé, moi, j’suis pas un pédé… »