Chapitre 32

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Son stress grimpa encore un peu plus, il balaya à nouveau du regard l’entrée, les yeux grands ouverts.

Et soudain, il sentit une présence à côté de lui. Il faillit sursauter et se retourna brusquement.

Un garçon se trouvait juste en face de lui, à un mètre environ. Il était brun, ses yeux étaient d’un noir profond, intriguant et effrayant à la fois. Il n’en avait jamais vu d’aussi sombres. Son teint était légèrement plus pâle que celui d’Alec, ses lèvres étaient épaisses, bien roses et pulpeuses. Et elles dessinaient un petit sourire malicieux et timide à la fois…

Et ce sourire était contagieux, Alec avait l’air tout con, et tout content de le voir. Il bredouilla un « Salut » à peine audible, son coeur était vraiment sur le point de lâcher…

— On s’fait la bise ? lança Ruben, qui avait l’air beaucoup plus à l’aise que lui.

— Euh, oui bien sûr !

Et il devint tout rouge en approchant son visage du sien. Ruben sentait bon, il avait dû mettre trois tonnes de parfum… Sa joue était toute douce, il avait envie d’y rester un peu plus que le temps d’une simple bise.

Ruben était vêtu d’une veste Nike bleu marine, avec les deux cordons blancs qui pendouillaient, et la capuche rabattue derrière. Il avait mis un jogging Adidas noir avec les trois fameuses bandes blanches sur le côté, et des baskets grises.

Alec était un peu étonné de cette tenue. En général, les gens ne s’habillent pas comme ça quand ils vont à un rendez-vous.

Mais Ruben n’était pas comme les gens. Et ça, il l’avait bien compris.

— Y a un parc juste à côté, lança-t-il. Tu veux y aller ?

— Oui, pourquoi pas ? fit Ruben avec sa voix rieuse et ses yeux pétillants.

Alec connaissait plutôt bien l’endroit, et ça le rassurait un peu. Il aimait bien garder des repères. En marchant, sa main frôla celle de Ruben, et tout son corps se tendit d’un seul coup. Il avait l’air complètement différent, ce n’était pas comme en messages ou en appels. Il était souriant, et sa voix le mettait de bonne humeur.

— C’est joli, ici, fit Ruben en levant la tête.

Il avait raison, l’endroit était vraiment sympa. Il y avait des fleurs partout et de grandes étendues d’herbe où les gens s’asseyaient pour faire des pique-nique, en famille ou entre amis. Ils repérèrent un banc de libre au fond, et Alec lui proposa de s’asseoir, histoire d’être plus à l’aise…

— C’est la première fois que tu fais ça ? lança-t-il.

— De quoi ?

— Rencontrer quelqu’un à l’improviste, comme ça…

— Oui, je sais même pas pourquoi, j’avais envie de te voir aujourd’hui et je suis parti ! lança Ruben en rigolant.

Et il rigolait un peu comme un gogol, mais ça le rendait mignon. Et puis ça faisait rire Alec, aussi.

Étonnamment, il ne se sentait même pas mal à l’aise. Si son corps était en ébullition, ce n’était pas vraiment à cause du stress, mais plutôt une sorte d’excitation et de joie, un mélange de sensations indicibles qui lui donnaient des ailes.

— J’suis désolé, j’suis pas du tout présentable, là… Je viens de jouer au foot.

— C’est pas grave, lui répondit-il en plongeant son regard dans le sien. C’est mieux que tu sois au naturel.

— Oui, t’as raison…

Il prit une grande inspiration pour se calmer, parce que son coeur pouvait lâcher d’une seconde à l’autre, vu son état. Ruben se rapprocha un peu de lui, leurs cuisses se touchaient presque. Et pourtant, il y avait beaucoup de place pour s’asseoir.

— C’est différent des messages, souffla Alec. J’te trouve plus calme.

— C’est normal. Quand j’te parle par message, j’suis le plus souvent à la maison, et ils arrêtent pas d’me casser les couilles. Alors j’suis tout l’temps énervé, désolé…

— Nan, c’est rien, t’inquiète !

Et ils continuèrent de se parler, tranquillement. Étonnamment, Alec n’avait aucun mal à trouver des sujets de conversation, il parlait naturellement, il disait ce qui lui passait par la tête et Ruben semblait faire de même. Alec parla de sa passion pour le foot, de ses potes, de son lycée, de ses parents.

D’ailleurs, à part être gay, ils n’avaient quasiment aucun point commun. Ruben n’aimait pas le foot, il allait dans un lycée professionnel, il s’engueulait assez souvent avec ses parents et osait leur tenir tête.

***

Le temps passait tellement vite, il ne voyait pas l’heure défiler, mais le soleil commençait à descendre dans le ciel, et il faisait de plus en plus froid.

— Alec, tu trembles.

— J’avais remarqué, merci !

Alors Ruben commença à remuer sur le banc. Il descendit la fermeture de sa veste et l’enleva, se retrouvant avec simplement un t-shirt.

— Qu’est-ce que tu fous ? lança Alec.

— Bah t’es en train de geler sur place, donc j’te passe ma veste.

— Mais… Tu vas attraper froid.

— Nan, t’inquiète. J’ai même pas froid, là.

Alec fronça les sourcils et le regarda. Il se demanda comment il faisait pour ne pas se les peler avec un temps pareil.

Et Ruben déposa délicatement sa veste sur ses épaules. Alec se sentit tout de suite mieux, et il ne savait pas si ça venait de la chaleur de la veste, ou bien de celle que Ruben lui procurait… Mais ça le gênait quand même un peu, il avait l’impression de la salir.

— Merci…

Ruben lui répondit avec un grand sourire. Il ne tremblait pas, les poils de ses bras n'étaient même pas hérissés : il n’avait même pas froid. Il devait être une force de la nature, parce que c’était bien le seul à être en t-shirt dans ce parc.

Un long silence s’installa. Alec et Ruben s’étaient rapprochés un peu plus encore, leurs cuisses étaient quasiment collées l’une contre l’autre. Les feuilles des arbres tombaient autour d’eux, et dansaient dans les airs pendant quelques secondes avant de se déposer sur le sol.

— C’est bizarre, fit Alec. On se ressemble pas du tout, et pourtant… j’pense que…

Il se stoppa. Sa gorge était nouée, les mots ne voulaient pas sortir.

— Que…?

— Bah, euh… Qu’on s’entend super bien, et que j’me sens à l’aise avec toi…

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