Chapitre 41
Alec avait vraiment besoin de sommeil, et cette nouvelle nuit écourtée par les nombreux doutes qui l'avaient assailli n'arrangèrent pas sa situation. Il se rendit dans la salle de bain en essayant de garder les yeux ouverts, et se força à faire couler de l’eau glacée pour l'aider à se réveiller.
Après un cri peu viril arraché en passant sous le jet d’eau trop froide, suivi d'un lavage en vitesse, il s’essuya et s’habilla précipitamment.
Il prit ses affaires et ouvrit la porte de la maison.
— Au r’voir Maman !
Il ne prit même pas le temps d’attendre sa réponse et sortit en claquant la porte. Il sortit son portable pour regarder l’heure : 7h54, il avait une minute de retard. Son train passait à 7h59, il lui fallait marcher encore plus vite que d’habitude.
Et lorsqu’il tourna à l’angle de la rue, il faillit se cogner à un mec qui marchait dans le sens inverse.
— Pardon, bredouilla-t-il sans lever la tête de son portable.
Mais l’homme ne semblait pas vouloir le laisser passer…
Alors Alec releva la tête, et une lueur apparut instantanément dans ses yeux et ses pupilles se dilatèrent. Son visage s’illumina d’un seul coup.
— Ruben ! Qu’est-ce que tu fais là ?
Il avait l’air tout excité et tout content de voir Alec.
— Bah j’voulais t’faire une surprise en venant t’accompagner !
— Tu viens de refaire ma journée, alors qu’elle a même pas commencé. Par contre, j’suis un peu à la bourre, et j’avais pas prévu ça… donc va falloir courir.
Étonnamment, Ruben ne broncha même pas et le suivit dans son sprint vers la gare. Malgré le réveil récent et la fatigue, il réussit à distancer assez facilement le portugais. Il s’arrêta à côté d’un panneau stop pour le laisser rattraper son retard.
— Bouge ton gros cul, là ! fit-il en rigolant.
Et Ruben était déjà en train d'agoniser, complètement essoufflé. Il lui fit un doigt d'honneur en rigolant.
— J’ai jamais couru autant de toute ma vie !
Alec essayait de se retenir de se foutre de sa gueule. Ça aurait pas été sympa de sa part, surtout que Ruben avait fait l’effort de venir le chercher chez lui. Ça voulait dire qu'il s'était levé super tôt pour faire trois quarts d'heure de train, sans compter la marche pour se rendre à la gare.
— J’pense qu’on a rattrapé notre retard, mais il faut juste qu’on continue à marcher vite.
— Ça tombe bien, j’pouvais plus courir une seule seconde de plus.
Ils finirent donc le bout de chemin qu’il leur restait. L’ambiance était un peu différente : c’était le matin, il faisait beau et les oiseaux chantaient, et il y avait une magie différente de celles qui animent les gens le soir. On ne se sent pas pareil quand on vient de se réveiller et quand on rentre chez soi en fin de journée.
Alec était d’humeur plus joviale, et Ruben avait l’air d’être comme lui.
— C’est super mignon de ta part d’être venu ! Mais tu commences à quelle heure ?
Il hésita à lui déposer un bisou sur la joue. Mais il y avait du monde autour d’eux.
— 10 heures, répondit Ruben. C’est pour ça que j’avais l’temps de venir te voir.
Il lui offrit un sourire délicieux qui fit totalement fondre Alec. Il ne s’était jamais senti aussi bien que depuis ces derniers jours. Ruben exerçait une sorte de force… Il n’arrivait pas à décrire ça, à mettre des mots dessus. Il n’était même pas capable d’expliquer pourquoi il était attiré par ce gars-là. Il n’était même pas son genre de mecs. Alec préférait les twinks, des mecs fins, avec peu de poils, peut-être un peu fragiles… et il avait flashé sur ce portugais et son gros cul, cru dans sa manière de parler et d’agir.
Peut-être que c’était ça qui l’attirait chez lui : le fait de mal parler, de dire tout ce qu’il pensait sur les gens, de ne jamais se retenir. Et ça marquait une gros contraste avec Alec, qui s’était caché toute sa vie et qui n’avait pas hésité à mentir pour se protéger. Peut-être que c’était cette différence qui l’avait fait tomber sous son charme…
Ruben n’était pas du tout celui qu’il attendait, mais c’était sûrement mieux comme ça.
— D’ailleurs, ma mère a un rendez-vous demain matin, j’devrais prendre le train avec elle. C’était juste au cas où t’avais envie de venir me chercher comme aujourd’hui…
— Ah, d’accord.
Il avait l’impression que Ruben était en train d’essayer de cacher sa déception. Il était froid, mais pas autant qu’il avait pu l’être auparavant. C’était comme s’il faisait des efforts pour lui.
— Mais si tu veux la rencontrer, y a aucun souci, hein ! Ça me ferait plaisir !
Et il lui fit un grand sourire.
Le train entra dans la gare alors qu’ils étaient en train de descendre les escaliers. Ils poussèrent une toute dernière accélération pour l’attraper, et ils réussirent finalement à monter dedans.
— Nan t’inquiète pas. De toute façon, j’ai cours à 9h demain matin, j’pourrais pas venir te chercher.
— Pas de souci, c’est déjà super sympa de ta part d’être venu aujourd’hui !
Ils restèrent presque collés dans le RER, Alec aimait bien sentir la présence de Ruben à côté de lui, il avait envie de se coller contre cette veste, de s’y blottir et de ne plus bouger…
Mais non, il allait plutôt devoir le lâcher pour assister à un cours d’Histoire-Géo à 8h30. Pendant un instant, l’idée de sécher les cours lui traversa l’esprit, mais il la chassa rapidement. Il savait qu’il était quand même plus raisonnable que Matthieu voulait lui faire croire. Il était certain qu’il n’était en train de délirer ou de satisfaire un fantasme. Et Matthieu ne s’en était pas rendu compte, mais ses mots l’avaient un peu blessé.
Ruben valait mieux que ça, il en était sûr.
Et il allait le prouver.
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