Chapitre 67

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Matt s’arrêta avant même de commencer. Sa bouche resta ouverte pendant quelques secondes sans qu’aucun son n’en sortit. Il n’était plus concentré sur Alec, son regard avait dévié de quelques centimètres sur le côté. Son sourire avait disparu et son visage se crispa légèrement.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Alec, intrigué.

Matthieu cligna des yeux et secoua légèrement la tête. Puis il se frotta les yeux, toujours sans rien dire. C’était comme s’il y avait eu un bug en lui et qu’il s’était déconnecté pendant quelques secondes.

Alec commençait sérieusement à s’inquiéter pour son pote, il n’avait pas l’air dans son état normal…

— Tu vas bien ?

— Euh ouais, t’inquiète pas. J’étais juste en train de réfléchir à un truc.

Alec fronça les sourcils, l’air méfiant.

— Bref, raconte-moi ce qui s’est passé avec Marion.

Et là, son visage s’éclaira d’un coup et il redevint brutalement comme avant, souriant et de bonne humeur.

— Bah justement, c’était à ça que je pensais ! En gros, on est allé en groupe au BK, avec Marion, Jade, Maël et Alice, et…

— Et pourquoi tu m’as pas prévenu ? interrompit Alec.

Matt le dévisagea, comme s’il faisait de poser une question conne.

— Bah tu m’as dit que t’étais avec Ruben. C’est ça la vie de couple, tu passes moins de temps avec tes potes !

— Ouais bref, on s’en fout, continue.

Alec essayait de dissimuler sa gêne, il était désolé de ne pas avoir pu être là pour eux, et avait cette horrible impression de les avoir abandonnés. Pourtant, il savait que ce n’était pas de sa faute et qu’il n’avait rien fait de mal en allant voir Ruben, surtout que cette journée s’était super bien passée…

— Oh ? Tu m’écoutes ?

— Euh, ouais, désolé. Tu disais quoi ?

— On était tous en train de discuter à table, et j’ai fait exprès de trainer pour manger. Donc tout le monde a commencé à partir parce qu’ils avaient des trucs de prévu pour l’après-midi, et il restait plus que Marion et moi. J’lui ai demandé si elle était libre, et elle m’a répondu qu’elle était censée voir Jordan, mais qu’elle avait pas trop envie. Et là j’ai compris qu’elle l’aimait pas vraiment, j’me suis dit que c’était ma chance !

Alec ne put s’empêcher de sourire, Matthieu avait l’air tout excité pendant qu’il parlait, ça lui faisait du bien de voir son pote aussi heureux.

— Bref, reprit Matthieu. J’lui ai dit d’annoncer à Jordan qu’elle serait en retard, histoire de gagner du temps. On a fini de manger tranquillement, on a beaucoup discuté, je l’ai fait rire plein de fois avec mon humour irrésistible. Puis on est sorti, on s’est baladé dans les rues de Paris, on s’est posés dans un parc où y avait pas trop de monde, on s’est assis sur un band, et là…

Matthieu s’interrompit et jeta un regard complice à Alec, tout fier de lui. Il n’avait pas besoin d’en dire plus, la suite était évidente.

— Et Jordan ? demanda Alec.

— J’ai réussi à la convaincre de pas aller le voir, et on est resté toute l’aprèm ensemble !

Il était très fort, son pote. Il n’avait jamais douté de son talent pour draguer, et puis il était aussi très heureux pour Marion, parce qu’il savait que Matt prendra soin d’elle, contrairement à Jordan.

— Mais comment ça s’fait qu’elle soit avec Jordan si elle ressent rien pour elle ?

Matthieu haussa les épaules. Visiblement, ça ne l’affectait pas plus que ça. Et pourtant il aurait dû, parce qu’officiellement, Marion et Jordan étaient toujours ensemble…

— Bah j’en sais rien, moi. J’lui ai promis que j’irais parler à Jordan pour mettre les choses au clair, et elle a eu l’air rassurée. Je pense juste qu’elle s’est gourée en se mettant avec lui, qu’elle a craqué pour le physique mais qu’elle s’est rendue compte que c’était juste un débile profond. Et j’comprends qu’elle ait peur de lui.

— Ouais, moi aussi, répondit Alec. Mais je sais pas, je sens qu’il y a autre chose… Elle le connaissait déjà depuis quelques mois, elle savait très bien qu’il était comme ça. J’me demande si y a pas un autre truc.

Le sourire de Matthieu disparut progressivement, il y avait à présent une certaine gravité dans son regard.

— Bah quand on a commencé à parler de lui, après que les autres sont partis, elle m’a dit qu’il était... différent, quand elle était seule avec lui. Mais je la crois pas trop, j’pense qu’elle se fait des illusions et qu’elle essaye de se convaincre de l’aimer.

Le visage d’Alec s’assombrit alors. Son regard s’était perdu dans le vide, il ne faisait même plus attention à ce qui se passait autour de lui, trop occupé à réfléchir.

Quelque chose n’était pas net dans tout ça, il n’arrivait pas à se faire à l’idée que Marion puisse vraiment se comporter comme ça, de se forcer à aimer ou de faire semblant. Ce n’était pas son genre. Il y avait forcément quelque chose derrière tout ça...

Alors, sans dire le moindre mot, il se leva brusquement, puis commença à s’éloigner.

Matthieu le dévisagea et lui prit le poignet pout l’arrêter.

— Tu vas où ?

Mais Alec l’ignora et se libéra d’un grand geste du bras sans rien dire.

Il balaya la classe du regard pour trouver Marion, et il la trouva au bout d’une seconde, seule, en train de ranger des trucs dans son sac. Elle semblait préoccupée, ses gestes étaient mous et lents, son visage trahissait sa fatigue.

Il s’approcha d’elle, et ne se tenait qu’à un petit mètre. Mais elle ne l’avait toujours pas remarqué, et restait concentrée sur son sac, probablement l’esprit ailleurs.

Alors il posa doucement le bout de ses doigts sur l’épaule de sa pote.

Elle sursauta.

— Ah, Alec...

— T’as l’air surprise de me voir.

— C’est vrai que ça faisait longtemps qu’on avait pas eu de discussion, lâcha-t-il le plus froidement possible.

Ses yeux se détournèrent, comme si elle avait peut de le regarder en face-à-face.

Alec essaya de prendre la voix la plus douce et rassurante possible.

—Et t’aimerais qu’on en ait une, maintenant ?

Il remarqua que le visage de Marion était en train de devenir rouge.

— Pou... pourquoi pas ? bafouilla-t-elle.

— T’es vraiment amoureuse de Jordan ?

Là, il avait pris un ton plus ferme. Et Marion se tendit aussitôt, rien qu’en entendant le nom de Jordan. Alec en était sûr désormais : il lui faisait du mal, et elle essayait de le cacher. Mais avec Alec, les choses étaient différentes, c’était comme si elle n’arrivait plus à mentir en face de lui.

Elle soupira.

— J’vais tout te raconter...

— Prends ton temps.

—Mais viens avec moi, il doit pas nous voir ensemble.

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