Chapitre 10 - Les premiers pas à L'ESAT

16 minutes de lecture

Je tombai. À une vitesse vertigineuse qui emportait mon hurlement strident ; mon regard tourné vers la lumière qui rapetissait en s’éloignant, je redoutai de me retourner pour voir le sol arriver. Malheureusement, je commençai à me retourner au dépit de ma volonté, mon corps comme attiré par une force inexorable de rotation. Sauf que je ne m’attendais pas à ça.

De l’autre côté, vers le point d’impact de ma chute se trouvait… eh bien, de la lumière. Lumière qui s’agrandissait de plus en plus et là, j’eus une drôle de sensation dans mes viscères, comme si on les retournait en mode crêpe. J’eus un haut-le-cœur en me rendant compte que je tombais vers le haut. La lumière éblouissante me fit plisser les yeux tandis que je fus expulsé du sol de la salle de la classe, sous les regards amusés des cinq autres élèves présents et de la professeure au sourcil haussé.

— Eh bien, moi qui pensait que l’on allait se compter comme sur les doigts de la main… Prenez donc place, je vous prie, dit-elle comme si elle assistait à un énième retard, avant de se tourner vers le tableau noir, craie en main.

Tremblant et le goût de la bile en gorge, je me hissai tant bien que mal sur mes jambes branlantes. Déboussolé, j’eus même pas assez de tonus pour répondre et m’installai sans bruit sur une place libre, à côté d’une fille aux cheveux blonds et à la peau pâle – détail qui me sauta aux yeux sur le moment mais je n’osais parler de peur de vomir. En m’asseyant cependant, je ressenti un curieux frisson, comme une brise d’automne, sensation qui passa aussi vite qu’elle était venue.

La professeure marqua quelque chose sur le tableau que je ne parvins pas à lire (ne connaissant pas l’écriture ulmite), mais que je devinais qu’il s’agissait de son nom. Je notais cependant qu’en l’absence de Quentin, son sort fonctionnait toujours… Était-il tout proche d’ici ? Mes pensées furent coupées par la professeure qui se présenta :

— Mon nom est Damelune. C’est ainsi que vous m’appellerez durant votre première année du cursus obligatoire des Tehmistes. Vous ferez cours dans cette salle et uniquement celle-ci, en tant que seule classe des novices de la Tour. Bien ! Maintenant, je veux que vous vous présentiez à tour de rôle, car vous serez amené à vous côtoyer sur de nombreuses activités de groupes. Commencez, s’enquit-elle vers le premier du rang à droite.

Il se leva de sa chaise si vite qu’elle racla le sol en grinçant. Je fis une grimace mais m’intéressa à lui : petit, noir de peau comme le reste de la classe, ses cheveux blonds soyeux et son regard bleu incisif s’ajoutait au charisme de sa carrure droite et fière. Il se râcla la gorge avant de se présenter :

— Mon nom est Elias Ash’Gaviss, premier fils des Ash’Gaviss dont je porte humblement le nom. Ma famille vit ici depuis des siècles et je…

— Ce sera tout, Elias, la coupa Damelune.

Tous les autres, moi y compris, pouffèrent en voyant Elias rougir légèrement et se rasseoir avec la plus grande déférence, en balbutiant quelques excuses. Vint le tour de sa voisine, grande cette fois. Je me rendais tout à coup compte qu’elle était plus âgée que tous ici présents. D’une beauté à couper le souffle, avec ses nattes serties de perles, rassemblées en chignon, son visage rayonnait de joie et apporta le sourire à chacun des élèves. Sa voix transporta la même émotion, quoiqu’excessivement :

— Salut tout le monde ! Moi c’est Nihla Abid, c’est… wow ! J’ai du mal à croire que j’ai pu enfin rejoindre cette classe…

— Attends de passer le test de mi-semestre…, marmonna un de nos camarades.

Je tournai la tête vers lui ; mate, des poches sous ses yeux mauvais et une moue dégoûtée sur le visage, il avait tout l’air du bulbe de haine que l’on rencontre trop souvent par chez moi. Nihla prit un air choqué alors que la professeure Damelune lui asséna :

— J’imagine que vous vous sentez malin, Carim (elle se tourna vers Nihla, tout sourire) C’était très bien, Nihla. Tu peux te rasseoir.

Sérieusement, cette comédie finit par miner ma patience et me pousser à m’exclamer :

— Quelqu’un peut-il m’expliquer ce qu’il se passe ?

— C’est on ne peut plus simple : vos camarades de classe et vous se présentent à tour de rôl…, commença sèchement Damelune, mais je la coupai :

— Merci bien, je suis pas aveugle ! (je me levais, tremblant de rage) Ulm est probablement un endroit rempli de cinglés que j’en aurais rien à faire, mais de là à faire comme si de rien n’était !

— « Rien n’était » quoi? s’enquit une petite gamine à lunettes à l’air étonné.

— Que… ?

Et je compris : c’était parce qu’ils n’étaient pas encore au courant de mon identité ni du jugement de mon père que ces ulmites n’avaient rien dit à mon arrivée.

— Oh. Je vois…

Je me tournai vers Damelune : son sourire de bienvenue s’était étiolé en un mélange de cruauté et de dégoût, avant que sa voix ne laisse traîner ceci :

— Alors c’est toi le fils Cardinali.

Les élèves poussèrent des exclamations étouffées et je me sentis aussi mal que lorsque j’avais fait un exposé sur Moorcock. Tous les regards rivés vers moi avaient changé d’un léger dédain à une haine immense. Mon père n’avait vraiment pas bonne réputation auprès de quiconque. Tout à coup, le garçon assis à côté de la gamine à lunettes, un grand costaud au visage carré, cracha :

— Je n’oses pas imaginer comment un tel acte a pu être autorisé dans cet établissement prestigieux (il fit un signe de la main que je devinais religieux) Je le jure sur les Cinq, si cette engeance du mal n’est pas renvoyée sur le champ, mon père coupera ses dons à l’ESAT !

Je vis Damelune rester de marbre, mais elle avait visiblement envie de lui rabattre son caquais. Cependant, elle hocha de la tête :

— Tu as raison, Albertius. Le nom des Ash’Dem ne sera pas sali en ce jour. M. Cardinali… Je vous renvoie de ma classe sur le champ.

— Quoi ? (Je ris nerveusement) Alors parce que mon père est un criminel, je dois payer à sa place ?

— Précisément, selon la loi de Laizainpeau. De plus, vous êtes un… terrestrien, lâcha-t-elle avec un dégoût visible comme si ça expliquait tout.

Génial. Non seulement ces gens-là croyaient dur comme fer que j’étais, par le sang, un criminel… mais ils étaient « terrienophobes ». Ils ne me connaissaient même pas et me détestaient déjà ! Je regrettai déjà le collège : là-bas, les gens n’avaient pas envers moi ce regard mauvais qui vous rendait nauséeux, vous donnait l’envie de vous enfouir sous terre pour ne plus jamais toucher à la lumière.

Je marchais à reculons avant de me retourner pour courir vers la porte, l’ouvrir et débarquer dans je-ne-sais quel corridor. Parce que je n’avais pas la force de me battre, de changer. C’était plus fort que moi : dès que je me retrouvai devant une situation, je fuyais vers la solution la plus facile. N’importe quel héros de mes romans préférés aurait prit la parole une fois de plus, se serait soulevé contre la haine, le rejet. Pas moi ; j’étais juste un garçon comme un autre, avec assez de jugeote pour comprendre que je ne pouvais jamais me battre dans un monde qui m’avait déjà dévoré. J’étais seul, encore. Hurlant vers un coupable inconnu, la folie et les larmes au visage, je m’enfonçais dans l’inconnu. Tout avait dégringolé en l’espace d’une journée : j’avais perdu ma maison, mon père, ma vie, mes amis…

Quelque chose… remuait en moi et déformait mon champ de vision. Quand je voulus y mettre des mots, je finis par tomber sur un escalier. Je ne sus pas pourquoi mais il m’appelait : la fenêtre qui dévoilait le soleil toujours brûlant, les marches qui n’étaient pas nacrées mais vieilles en pierres brutes, poussiéreuses. Je posais un pied sur cet escalier… et me sentit comme chez moi. Non ! J’étais chez moi. La même cuisine aux couleurs chaudes.

— Ça te plaît ?

Quentin était assis à la table à mon opposé et sa voix me fit sursauter. La sensation étrange se tarit en mon sein et je me sentis faible de nouveau, comme dans la salle de classe. Je pris une chaise pour m’asseoir mais ne fit que m’affaler, la tête dans les mains. Quentin me regarda avec un air mi-figue mi-raisin.

— On dirait que tu saisis l’ampleur du problème, Cardinali.

— Ah… Alors même toi tu n’emploies pas mon prénom ? riais-je jaune.

— Je l’emploierai quand tu l’auras mérité, éluda-t-il. Mais je me répéterais pas deux fois.

J’opinai mollement du chef. « L’ampleur du problème » était qu’il n’y avait pas une seule personne dans ce maudit royaume qui ne détestait pas mon père pour des raisons X ou Y, et par extension ne me détestait pas à cause de…

— C’est quoi, la loi Laizainpeau ?

— Ah, c’est vrai que la professeur Damelune ne t’a rien dit… (il tenta de me provoquer en appuyant son ton moqueur d’un sourire narquois, mais ça ne me fit rien, alors il continua) La loi Laizainpeau vient de l’ulmite homonyme à l’origine de la plupart des textes juridiques actuels. Elle stipule que chaque crime que les parents n’ont pas payé de leur vivant doivent être remboursés par leurs enfants.

— C’est stupide, commentai-je.

— Crois ce que tu veux, mais ne laisse pas traîner tes opinions sur ta langue devant un membre du magistrat. Tu vois… (Quentin tapota de l’ongle la table) ton problème, c’est que tu ne sais pas t’adapter à la situation. Tu aurais pu être pétrifié en même temps que ton père.

— T’aurais bien aimé, hein ? le raillai-je.

— On ne peut plus, répondit-il d’un ton si sérieux qu’il me fit froid dans le dos. Malheureusement, le roi a des projets pour toi… et M. Erik également.

Je captai une certaine amertume dans sa voix mais suivit son conseil : mes opinions ne glissèrent pas sur ma langue. Je demandai :

— Alors, qu’est-ce que je vais faire maintenant que je suis renvoyé de l’ESAT ?

Quentin pouffa et je m’énervai.

— Je vois pas ce qu’il y a de drôle !

— Imbécile.

L’insulte, malgré mon désarroi, me piqua ; le chevaucheur d’aéroptère savait quel mot asséner.

— La seule personne, Cardinali, qui peut te renvoyer est la directrice. Les professeurs comme Damelune ont seulement l’autorité de t’empêcher d’entrer dans leur salle de classe.

— Alors c’est toi l’imbéc… (je m’arrêtai en pleine insulte quand je vis ses yeux se plisser) Comment je peux profiter d’une école s’il n’y a pas de profs pour m’enseigner quoi que ce soit.

Quentin me lâcha un de ces regards qui signifiait clairement : « Devines tout seul ». Je réfléchis : je ne pouvais pas accéder aux salles de classe et donc je ne pouvais pas venir aux cours. Alors, afin de pouvoir engranger assez de savoir pour retourner la situation, il fallait…

—…que les cours viennent à moi, concluai-je à haute voix.

Quentin sourit.

— Tu vois, quand tu veux, Cardinali.

— C’est bien beau, mais comment je m’y prends ?

— Pfff… Il faut vraiment tout leur expliquer, à ces terrestriens. Que les Serres d’Azit t’enserrent !

Du draconique ! Mais je n’eus pas le temps d’esquisser un geste que je me retrouvai cloué à ma chaise, un étau invisible autour de la poitrine. Quentin avait sa main tendue vers moi, ouverte comme s’il voulait attraper un verre. Soudain, il commença à refermer lentement sa main et je sentis l’étau se resserrer, au point que je commençais à avoir du mal à respirer. Quentin se leva lentement, concentré, mais il se mit quand même à parler en s’approchant de moi :

— Comment s’y prendre, Cardinali ? C’est simple : tu supplies. Nous ne sommes pas terriens, nous sommes tehmistes : nous bâtissons, nous créons par le Tehm… mais nous détruisons aussi. Nous possédons le pouvoir, il nous appartient d’en faire ce que nous voulons. Bien sûr, il y a des lois… mais ici, c’est la Tour d’Ivoire : soit tu es respecté parce que tu es ulmite, soit on te marche dessus parce que tu es terrestrien. Que faire dans ce cas, Cardinali ?

De grosses gouttes de sueur dégoulinaient de mon front, puis le long de mon nez et des mes paupières. Je ne parvenais pas à parler. Quentin était si proche que je vis ma propre terreur se refléter dans son regard plus sombre qu’un puits de mazout.

— Que faire dans ce cas ? répéta-t-il.

— On… t’obéit…, crachai-je.

— Voilà qui est mieux.

Ce n’était pas la voix de Quentin. Les larmes me montèrent aux yeux mais je vis clairement sa forme se gondoler, se tordre et s’allonger pour devenir une silhouette bien plus grande et imposante. On aurait dit qu’un géant se courbait pour ne pas toucher le plafond. Ses traits étaient d’acier, son regard de fer. Son pouvoir, insondable. Je sus immédiatement au creux de mon âme de qui il s’agissait. Je recouvrais l’usage de mon corps.

— Votre Majesté, balbutiai-je. Ayez pitié.

— Ainsi, tu peux me voir sous ma vraie forme… tu as vraiment un don, mon enfant.

Le roi sembla s’affaisser et perdre assez de taille pour s’asseoir sur la chaise à ma droite. Ensuite, il se tourna pour regarder la pièce.

— Une reproduction fidèle, n’est-ce pas ? Mes tehmistes ont un plan de chaque pays, chaque ville et chaque maison qui se trouve sur Terre. J’ai cherché à reproduire cet endroit parce que je savais qu’il te rendrait faible. J’ai vu juste.

Je n’osais parler. Le dirigeant d’Ashvra et le dernier des Ashborn se remit à me dévisager et sourit. C’était une invitation, aussi pus-je lui dire :

— Qu’attendez-vous de moi ?

— Que tu me serves comme tous mes autres sujets. Vois-tu, Cardinali, nous avons tous un but, un objectif pour lequel nous sommes prêts à sacrifier tout. Moi, c’est préserver mon royaume. Toi, c’est sauver ton père.

À la mention de ce dernier, mon cœur se serra. Le roi laissa échapper un gloussement.

— Allons ! Tu croyais sincèrement que j’allais laisser passer une occasion pareille ? Ah ! Le seul être qui ait échappé au Lien du Crime, une légende vivante ! Les ulmites ont peur de lui parce qu’ils pensent qu’il est l’envoyé d’Ordak. Sais-tu qui est Ordak ?

Je l’ignorais. Le roi continua.

— Ordak était un ulmite qui a provoqué les Guerres Draconiques. C’est tout ce que tu as le droit de savoir. Je reprends donc : ton père serait son héraut, celui qui fera renaître l’Ancien Monde. Mais les gens ignorent une chose à propos d’Antoine Cardinali : il n’est qu’un imposteur. Une personne qui a eut assez de chance pour se faufiler entre les mailles des sécurité du royaume… du palais ! Et ma sœur qui l’aidait n’arrangeait rien. Et vois-tu, ton père m’a volé quelque chose de très, très précieux. Quelque chose qui lui a permis d’empêcher le Lien du Crime de le changer en statue.

Le roi frappa sur la table et me fit sursauter. Son air transpirait une colère sourde et retenue.

— Ta mission est simple : revenir sur Terre et enquêter pour retrouver ce bien volé et me le ramener. Et ne t’avises pas de tenter de fuir une fois que tu l’auras trouvé, car je saurais qu’il sera en ta possession et ne cesserais de te traquer pour t’envoyer rejoindre ton père à la potence.

— Bien, seigneur.

— Excellent. Considères que tu as un délai de trente jours durant lesquels la sentence de ton père sera repoussée ; j’organiserais des festivités ou un tournoi qui justifieront cet acte.

La façon dont s’exprimait le monarque transpirait l’assurance, l’évidence que tous ses ordres seront accomplis sans le moindre accroc. Et ce monarque me donna mes ordres.

* * *

Je m’étais engagé à ne pas fuir cette mission, alors autant la mener à bien. Mais pour y arriver, il me fallait maîtriser l’atout dont je disposais déjà, à savoir mon « Tehm ».

Le roi m’avait fait sortir de cette salle étrange qui reproduisait la cuisine de ma maison réduite en cendres, me laissant seul dans un couloir. Je me souvins m’être retourné pour examiner un mur nu de toute porte, chose qui, malgré les événements récents, m’avait troublé. Cependant, la Tour me réserverait d’autres surprises à l’avenir… La mission que m’avait confié le souverain était très claire : « retrouver l’artéfact volé par mon père » ce qui me laissait une seule piste, soit mon ancienne maison. Sauf qu’en l’état actuel des choses, j’ignorais comment retourner sur Terre sans l’aide de M. Erik. Il fallait donc le trouver.

Tâche ardue : tout était désert dans cette tour. Chacun était en cours et visiblement le concept de récréation n’était pas d’actualité à Ulm. Tant pis, m’étais-je dis ; il fallait que je sortes de la Tour… mais je me ravisais : M. Erik m’avait dit que je me devais d’être prudent avec tout le monde.

— Comment je vais m’y prendre…, marmonnai-je dans ma barbe en marchant.

Je partis à la recherche d’indications, de panneaux… n’importe quoi qui aurait pu m’aider à trouver mon chemin ! Je ne mis pas longtemps à y arriver : là, au tournant d’un énième passage, un tableau m’accueillit. J’eus l’impression dérangeante que ce n’était pas un hasard… mais je remerciais les quelques providences avant de m’approcher des nombreux tracts et papiers accrochés au bois. Je repérais des listes de cours et de salles, des clubs et des associations, tout ce qu’il y avait de plus normal… là !

« À charge de la synergie de zone - Erik »

Le soulagement balaya mes inquiétudes et je notais mentalement le parcours à faire jusqu’au bureau indiqué. Après une bonne minute de marche – toujours personne en vue – j’atteignis le petit bureau coincé entre deux salles de cours fermées. Je toquais à la porte.

— Entrez, répondit une voix étouffée.

J’eus un mouvement de recul aussitôt que j’ouvris la porte : la pièce, sans fenêtre, était plongée dans une pénombre seulement calmée par quelques bougies mais c’était les murs couverts d’écrits et de schémas, le sol et le plafond tout autant qui me firent froid dans le dos. Pas d’étagères, d’armoires… juste une table circulaire percée au centre, où une chaise soutenait une personne avachie sur ses papiers, lunettes au nez. Ce n’était pas M. Erik, mais une femme noire à l’air si concentré que le lait en aurait pâli de jalousie. Elle était chauve et pourtant, je la trouvais belle dans sa manière si intime de se tenir sur cette chaise. À force de la zieuter, elle finit par remarquer que j’étais entré.

— Ah tiens, c’est le jeune Cardinali…

— Comment vous savez qui je suis ?

— Jeune homme, je suis la Synergiste Zonique ! déclara-t-elle en écartant les bras.

— Ça n’explique rien.

— Cela explique tout. C’est toi qui ne comprends rien.

Elle est folle, pensais-je alors en regardant ce regard plus brillant qu’une étoile. Je me sentis gêné face à une telle assurance et me frottai le bras. Elle dut remarquer ma gêne car elle dit :

— Tu cherches quelqu’un, n’est-ce pas ?

— M. Erik, euh…

— Calli. Je suis Calli la Synergiste.

— Mme Calli, vous connaissez un certain Erik Von Heimmer ?

— Lui ? Pourquoi chercherais-tu un impotent pareil alors que je suis là ?

— Vous le connaissez ! fus-je soulagé d’apprendre.

— Oui, oui… mais tu peux me demander service à moi !

Il fallait dire que, si vous étiez un héros de livre et qu’une femme mystérieuse et mystique vous proposait son aide, vous accepteriez. Moi, j’étais pressé de revoir mon père en pleine forme et pas amoché, attaché à des chaînes pour son exécution prochaine ; il me fallait des résultats et vite !

— Je veux juste voir M. Erik… Il travaille… « ici » ?

— Non. C’est moi qui travaille là. Lui travaille pour moi, dehors.

— Ah bon ? (je sentis l’espoir refluer) Où ça ?

— Trop loin pour que tu puisses le rejoindre : je l’ai envoyé en mission et il ne reviendra pas avant un mois.

Un mois ! C’était trop long ! Je me rongeais déjà les sangs quand à retrouver cet objet mystérieux dont le roi ne m’avait même pas décrit la forme, mais en plus je n’avais plus aucune chance de revenir le chercher ? Je m’effondrai presque quand Mme Calli reprit :

— Je peux t’aider ?

Je la regardai. Son regard brillait d’une lueur inquiétante et sa posture avait changé, comme sur le point de la faire bondir, avec cet air de fauve se moquant de la petite souris. Mais je là, je manquais d’options et me retrouvai au pied du mur ; j’avais beau être peureux, je n’étais pas idiot. Il me fallait des alliés. Visiblement, cette ulmienne m’avait à la bonne – ou tout du moins le paraissait-elle – et je répondis :

— Oui. J’ai besoin de retourner chez moi, sur Terre.

Un large sourire dévoila des dents de requin ; l’ulmienne se leva de sa chaise et enjamba la table avec une souplesse inhumaine pour se retrouver devant moi. Je déglutis : elle me dépassait de plusieurs têtes et ses grands yeux semblaient frémir d’impatience.

— Ce sera avec plaisir… (ses yeux s’étrécirent) mais il me faudra une garantie.

— Une… une garantie ?

— Oh, oui ! Mais je sais que tu ne possèdes ni biens précieux, ni influence ou pouvoir. Tout ce que tu possèdes…

Elle me montra du doigt.

—…c’est toi-même.

— Quoi ? glapis-je malgré moi. Non ! Je ne veux pas vous vendre mon corps !

Il y eut un instant de flottement avant qu’elle n’éclate de rire.

— Ton corps ? Peuh ! Il ne vaut pas une pecadille ! Non, ce que je veux, c’est ton puits !

— Mon puits ?

— Tu es le fils d’un Cardinali et d’un Ashborn ! Tu as utilisé ton pouvoir pour protéger ton père et cela a détruit ta maison ! Et surtout, tu as réussi à trouver cette salle !

— Quoi ?

Je ne suivais plus du tout, et fus estomaqué lorsqu’elle m’annonça, sa main tendue :

— Très cher, je veux que tu deviennes mon disciple !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Reydonn ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0