Chapitre 17 - Le Fustigeur

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Comme je l’ai dis avant de vous quitter, le roi a toujours été un homme de parole. Il m’amena aux cachots et déjà mon père était là, ses chaînes à peine libérées par un garde, quand il se tourna vers moi. Les larmes aux yeux, je me précipitai vers lui et le serrai dans mes bras. Jamais je ne l’avais serré aussi fort. Il s’écarta, ses mains sur mes épaules et un sourire ému sur le visage. Quand son regard passa au roi, son expression changea vivement vers une froideur moite.

— Je mentirais si je disais que je suis content de vous voir en liberté, Cardinali, lança le souverain avec dédain.

Je m’attendais à ce que mon père réponde mais il se contenta juste de fixer le roi. L’homme et l’ulmite se dévisagèrent un long instant avant que le dernier n’abdique et se tourne vers moi.

— Bien, maintenant que j’ai rempli ma part du marché, tu vas remplir la tienne.

— Vous parlez du Lien du Crime, c’est ça ? (sur mes épaules, les mains de mon père se crispèrent) Pourquoi pensez-vous que je le possède ? Je ne saurais même pas le décrire !

— Je suis persuadé que tu l’as en ta possession mais, pour être sûr, nous allons procéder à un test.

Soudain, je sentis mon échine se hérisser. La lumière des torches se tamisa d’un coup et le roi sembla enfler, grandir jusqu’à prendre tout l’espace. Son corps se marbra de veines rougeoyantes qui illuminèrent ses yeux d’un feu brûlant. Des griffes acérées poussèrent de ses ongles, ses dents devinrent des crocs et tout ça formait un démon embrasé, prêt à me dévorer. La terreur s’empara de moi et je sentis un liquide chaud couler. Je venais de me pisser dessus. Je sentis un cri mourir dans ma gorge alors que je tombais au sol. Je tournais la tête : mon père avait disparu, le monde était distordu dans une mélasse de ténèbres menaçantes. Le monstre gronda en s’approchant, sa salive de lave grésillant à chaque goutte tombée.

Je tremblais comme une feuille puis me mis à supplier à chaudes larmes, confus, incapable de comprendre ce qui se passait. Tout ce qui passait n’avait aucun sens… Soudain, le monstre leva une griffe frapper. Je me recroquevillai sur moi-même en priant que ce ne soit pas trop douloureux. Je fermais les yeux juste avant que la griffe ne m’atteigne.

Le monstre cessa de gronder.

Je pris un moment pour me rendre compte que je n’étais pas mort (surtout parce que ça ne m’était jamais arrivé) et je rouvris mes yeux. La lumière, mon père… tout était revenu. Mais un détail était différent : en face de moi se dressait une statue de pierre d’un monstre qui n’avait rien de figé la seconde auparavant.

—…Papa ? fus-je seulement capable de dire.

— Joan ! (on aurait dit qu’il venait de me remarquer : il se précipita pour me serrer dans ses bras) Tu avais disparu pendant un instant et… oh.

Il avait remarqué mon pantalon et mes chausettes humides. Je détournai le regard, honteux mais mon père lâcha seulement un rire doux et me frotta les cheveux.

— Ne t’inquiète pas, ça arriverait à n’importe qui (il regarda la statue) Alors c’est ça…

— Papa ? répétai-je, cette fois avec l’insistance d’avoir une explication.

— Joan, tu viens d’assister à un Jugement.

Une fois debout, je regardai d’un œil méfiant le monstre dans sa gangue de pierre. Je remarquai aussi le garde qui avait libéré mon père, plus loin, allongé au sol. S’est-il évanoui ? me demandai-je. L’ancien emprisonné, lui, s’approcha pour poser sa main sur la statue. Sans la toucher, je remarquai qu’elle ne présentait aucune aspérité. Le visage de mon paternel, en revanche, se rida d’une satisfaction qui me mit mal à la l’aise.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? demandai-je, chassant cette impression.

— Tu l’as figé, Joan. C’est le Jugement du Lien du Crime : le roi a tenté de tuer et le Lien t’a protégé.

Dans sa voix, il y avait une vibration étrange… quand était-ce ? La dernière fois que je l’avais entendu ?

— Tu ne comprends pas, Joan ? (mon père se tourna vers moi, son regard brillant) Si tous les ulmites sont protégés de la même façon que tu viens de l’être, tu possèdes le pouvoir d’inverser le processus !

— Quoi ?

Je reculai. Cette fois, la peur que je ressenti était différente de celle que je venais d’expérimenter : plus insidieuse mais plus alerte. Mon cerveau fonctionna à cent à l’heure pour comprendre où j’avais déjà entendu ce ton que prenait mon père, cette façon de parler avec conviction. Ce n’était pas qu’une impression : ce que je vous confie était une sorte de certitude enracinée depuis longtemps qui avait son chemin jusqu’à la surface de mes pensées. Je sus plus tard que le Lien du Crime fut à l’origine de cette révélation qui, pourtant, était juste sous mon nez depuis le début.

Seulement, bien que j’étais rompu à l’art de la cachotterie, celui de la dissimulation appartenait au domaine de ceux qui manipulent, trompent et mentent dans l’égard de faire du mal. Alors je reculai d’un pas.

— Joan ?

Un éclair d’inquiétude passa dans les traits de mon père puis une incompréhension que je devinais factice. De mon côté, je me creusais toujours les méninges pour trouver LE souvenir qui correspondait. Il s’approcha.

— Est-ce que tout va bien ? s’enquit-il en tendant la main vers moi.

Je la chassais par réflexe et lâchai :

— Qui êtes-vous ?

Antonio Cardinali me regarda avec un air si surpris que je faillis céder à l’excuse confuse mais je tins bon. Il répondit :

— Joan, tu as l’air bouleversé… mais ne t’inquiète pas, je suis là.

— Qui. Êtes. Vous ? répétai-je en détachant chaque syllabe.

Devant son faux silence confus, je lâchai enfin :

— Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Mais vous n’êtes pas mon père.

— Mais enfin, Joan…

— Vous l’avez remplacé ! le coupai-je en le montrant du doigt, fébrile. Où est mon père ?

Pendant un instant, je crus m’être trompé : il me regardait avec un étonnement si feint que je n’y voyais que du feu. Mais au bout du compte, il sut bien avant moi que la cause de ce revirement provenait de l’activation du Lien du Crime, encore embrasé de pouvoir révélateur. Avec un soupir, il tomba le masque : un sourire gêné parut sur sa mine triste et amusée à la fois.

— Oh, Joan… (l’imposteur secoua la tête) Si seulement le roi n’était pas aussi impatient, j’aurais pu jouer le jeu un peu plus longtemps.

Ce n’était pas la même, mais cette façon que cette personne me nommait, ça ne me laissait aucun doute.

— Le Fustigeur.

Le criminel le plus recherché des cinq royaumes sourit à pleines dents. Un frisson me parcourut : je me souvenais de notre rencontre au collège, dans les toilettes. Le contact incandescent de sa main sur mon front revint en picotements. Plus tôt, je pensais que le père de Laura était cet individu… mais ça m’avait semblé trop facile. Là, tout concordait :

— Vous saviez que je possédais le Lien du Crime et vous avez tout organisé pour que je gagne la confiance du roi et qu’il comprenne qu je le possédais… C’était votre plan, de le pétrifier ?

Désormais tranquillement adossé à la statue, il hocha la tête. Son regard laissait transpirer l’attente de voir sa victime déballer son plan, comme tout bon méchant veut le faire. C’était stupide selon moi… mais je n’étais pas mégalomane. Je réfléchissai vite à m’enfuir mais face à un tehmiste aux pouvoirs inconnus, j’avais peu de chances de m’en sortir. Alors, je demandai :

— Vous l’avez remplacé quand je suis parti en mission ?

— Un peu plus tôt, répondit-il. Quand tu étais à l’école des barges (je fronçais des sourcils) L’ESAT, si tu préfères.

Sa façon de parler, de se tenir… on aurait dit quelqu’un de jeune. Mais dans son regard, je décelais une sagacité maligne que nul n’aurait acquis sinon avec l’âge. Je poussai plus loin :

— Pourquoi vous ne m’avez pas prit le Lien du Crime ?

Avec cette question, je m’assurai de connaître à la fois la profondeur de son plan et surtout la nature du Lien. Le Fustigeur sourit et je claquai la langue de frustration : il n’allait pas répondre parce que ça allait me rendre service. Mais rien que le fait qu’il ne soit pas devenu statue me donna une information plus précieuse : il me voulait en vie. Pourquoi ? Je restai interdit un instant avant de comprendre…

— Vous vouliez le Lien du Crime. Vous vouliez un moyen d’éradiquer le royaume.

Il haussa les sourcils et se mit à applaudir.

— Bravo !

C’était pour ça qu’il avait tout fait pour que le roi sache que je possédais le Lien : il voulait le voir pétrifié, emportant avec lui l’information que j’étais le détenteur… Mais c’est pas possible ! m’énervai-je. Le roi est calculateur et intelligent, il aurait pu envoyer un garde pour faire le sale boulot à sa place ! Perdu dans mes pensées, je balayai la pièce du regard par réflexe et m’arrêtai sur le garde allongé au sol. Mort, sûrement tué par le Fustigeur…

Le garde remua. Je me raidis. Mais je fus d’autant plus surpris quand le criminel lâcha :

— Tu joues bien, Jashkim.

Le soi-disant cadavre se releva et retira son casque pour révéler le visage de Quentin que le roi aimait prendre.

— C’est la différence entre toi et moi, Alterion. Tout ça n’est qu’un jeu pour toi.

— Naturellement. Toi, tu regardes le monde comme un humain.

Les deux ennemis se regardaient en chiens de faïence et je ne savais pas de quel côté me mettre. « Alterion » dut le sentir car il lâcha :

— Rejoins-le, Joan. Lui saura te trouver une utilité publique.

Je m’étais attendu à un discours sur le pouvoir et la promesse de revoir mon père mais cette déclaration flegme me laissa interdit. Jashkim enchaîna avec autorité :

— Joan, tu es mon vassal et me doit obéissance. Viens.

— Il ne viendra pas. N’est-ce pas ? dit l’autre en croisant mon regard. Parce que non seulement son père n’est pas libre mais qu’en plus, il sait qu’il possède le pouvoir. Joan, écoute-moi : je n’ai aucun désir à part celui de voir ce monde figé à tout jamais.

— Je ne tuerais personne ! m’exclamai-je face à la statue du monstre figé dans un mouvement de fureur. J’avais maintenant l’impression d’avoir commis un meurtre.

— On ne meurt pas en étant figé, Joan. On rêve.

— Balivernes, lâcha le roi, une légère tension dans la vie.

— Lui-même ne le sait pas, me montra le Fustigeur en direction du roi. Mais moi je l’ai vécu. J’ai rêvé assez longtemps pour m’en souvenir et assez peu pour m’en sortir. Je suis le seul, Joan, et je voudrais y retourner. Malheureusement, une fois qu’on est sortis, on ne peut plus revenir…

Ses mots moururent dans un sanglot, me perturbant d’autant plus. Alterion pleurait à chaudes larmes, balbutiant entre chaque coulée. Jashkim lui lança un regard dégoûté mais, de mon côté, j’étais mal à l’aise : il y avait de la vérité dans ce qu’il disait, je le sentais. Seulement, une chose était très claire pour moi :

— Je ne forcerais jamais quiconque à tomber dans un rêve ou un truc dans le genre. Par contre, je vais retrouver mon père et vous ne m’en empêcherez pas.

Cette conviction enflamma mon âme et je le sentis : comme dans le manoir, comme dans la forêt, le pouvoir était là, à portée de doigt, prêt à être pincé pour orchestrer ma volonté. Jashkim recula, voyant les nombreux fils se rassembler autour de mes mains mais Alterion, lui, proféra cette menace :

— Tu peux « t’exclamer » autant que tu le souhaites, Joan, tu n’as rien d’un tehmiste. Je crois que tu as besoin d’une piqûre de rappel.

Il fit un geste et prononça une formule, dans une langue que je reconnus : du wyvernien. Mes fils se désentortillèrent de mes phalanges pour finir sur les siennes. Il serra le poing, une lumière mauve jaillit de l’emmêlement et une minuscule tornade se forma lorsqu’il ouvrit la paume. Sous l’ivresse du Tehm, je n’osai bouger, fasciné par la maîtrise de cette forme indomptable qui commençait à grandir. Des sons étranges se firent entendre, on aurait dit des cris lointains. Je n’entendis ni ne vis arriver Quentin sur le côté qui me plaqua en criant :

— À terre !

Il eut agi plus tard, j’aurais été un fétu de paille dans le vent. Un hululement terrible enfla et les torches s’éteignirent. Du sol, je ne voyais que la moisissure et une partie du bras de Quentin. Mais je sentis le souffle, oh ça oui : on aurait dit qu’une horde démoniaque s’attaquait aux barreaux, aux murs, aux portes. Chaque parcelle fut élimée jusqu’à polir par la force de la conjuration qui, une fois tarie, ne laissa qu’un silence obscur.

Il me fallut un moment pour me rendre compte que c’était fini. Quentin, lui, était toujours aplati sur moi. Bon, il fallait avouer que son corps musclé pressé contre moi chatouillait autre chose que mon dos, malgré tout je lâchais :

— C’est bon ?

Il hésita un instant avant de s’en aller. Je me relevai et croisai son regard. J’étais peu disposé à lui dire merci sachant que je le savais à la botte du roi et que je ne connaissais pas ses réelles intentions. Méfiant, je lui offris un hochement sec de la tête. Il parut… troublé ou autre chose, en tout cas son regard glissa derrière moi. Je me retournai : dans la pénombre, Jashkim était adossé au mur, la main contre son flanc. Saignait-il ? En tout cas, Quentin se précipita vers lui pour l’aider à se relever. Voir deux sosies de la sorte me mettait mal à l’aise et je n’étais pas là pour contempler. Aussi hélai-je le roi :

— Notre arrangement ne tient plus.

Et je me retournai, quoique chancelant. Je n’avais pas fait deux pas que Quentin m’attrapa l’avant-bras en s’écriant :

— Attends !

Je soupirai avant de le regarder : ayant perdu de sa superbe, son air trahissait son inquiétude quand à ma défection providentielle. Il n’y avait plus rien de charmant chez lui, ne restait que ce zèle de patriote que j’abhorrais. Agacé, je m’arrachais à sa prise.

— J’en ai ras le bol de toi, Quentin.

Puis je m’éloignai sans en dire plus, vers les escaliers. J’entendis dans mon dos :

— Tu n’y parviendras pas seul, Cardinali. Comme ton père avant toi, tu cours à ta perte !

Je ne sus jamais qui du roi ou de Quentin avait prophétisé ces paroles.

* * *

Je pensais qu’en sortant de la prison, j’allais tomber sur des gardes qui m’arrêteraient et me ramèneraient au roi. Sauf que j’entendis quelqu’un s’écrier : « Joan ! » et me tournai vers le fond de la rue. Quelle ne fut ma surprise de voir Thilio se précipiter vers moi en criant de nouveau mon nom puis me serrer dans ses bras, pleurant à chaudes larmes. J’étais quelque peu déboussolé mais la joie et le soulagement de revoir mon meilleur ami s’empara de moi : je me mis aussi à pleurer. Alors on pleura comme deux fontaines jusqu’à qu’un gaillard râle :

— C’est bon, les madelaines, fermez les écoutilles !

Jim, accompagné de Mapie, s’approchèrent de nous. Bien que je fus loin d’être heureux de retrouver mon bourreau du corps et des cœurs, j’accueillis avec bien plus d’entrain la tehmiste qui m’avait sauvé et aidé de nombreuses fois. Bref, nous décidâmes de nous éloigner de la prison et Mapie, l’air de contenir une excitation enchantée, nous amena aux jardins en prétextant qu’ils étaient très fournis et donc à l’abri des yeux et des oreilles – j’y voyais personnellement une façon de les visiter mais je n’avais pas le cœur de faire de l’humour.

Nous nous installâmes sous un arbre dont les racines à la base du tronc sortaient du sol, formant une petite alcôve à l’abri du soleil, qui tapait fort ce jour-là. Bien qu’emporté par l’engouement général, je me sentais encore chamboulé par la révélation qui m’avait été imposée, donc je me taisais en écoutant les autres parler :

— Elle a pas arrêté de s’arrêter pour regarder des machins et des trucs, grommela Jim en montrant Mapie du doigt.

— J’y peux rien ! Et puis, avoue que toi aussi, tu admirais d’autres trucs, finit-elle avec un air coquin.

Jim rougit et Thilio enchaîna à mon adresse :

— C’est qu’on a eu plein les mirettes en si peu de temps ! Toi, t’as sûrement dû en voir des vertes et des pas mûres !

Mon sourire s’affaiblit quelque peu. J’avais eu le temps d’aller à l’école, de me faire renvoyer sur ordre du roi pour aller assassiner des opposants politiques, voler un artéfact précieux qui, finalement, se trouvait être ma personne. Et, pour couronner le tout…

— Joan ? (Thilio me tira de ma spirale spleenitique) Ça va ?

Je mis du temps à répondre mais Jim me devança :

— On le sauve et il fait la gueule. Ah ! J’aurais dû rester, rouscailla la racaille.

— Qu’est-ce qui s’est passé, Joan ? s’enquit Mapie. Tu… as l’air changé.

N’aurais-je pas dû leur dire ? Si je ne l’avais pas fait, auraient-ils été quand même impliqué dans cette histoire ? Je l’ignore, je ne sais pas si le monde est régi par le sort ou le destin. Ce que je savais à ce moment-là, en revanche, c’était que j’avais besoin d’en parler, de le partager. Et depuis des jours, presque tout le monde autour de moi me mentait, me trompait et se servait de moi. Ces trois-là étaient, pour le meilleur comme le pire, les seules personnes qui voyaient Joan et non un outil.

Alors je leur racontai ce qu’il s’était passé, dans les cachots, de la libération de mon père à celle du Fustigeur. Ni Jim ni Thilio ne me coupèrent et Mapie, qui aurait pu faire deux ou trois remarques importantes, ne prit pas non plus la parole. Mon petit récit terminé, je serrai les poings sur mes genoux, le dos courbé et les larmes aux yeux. L’émotion affluait en vagues et je… je ne pouvais pas admettre que je ne savais vraiment pas quoi faire. Thilio me serra de nouveau dans ses bras comme il avait appris à le faire, en partageant un fardeau qu’il ne pouvait pas porter. Si Jim, lui, se grattait la tête avec un regard gêné dans le vague, Mapie parla :

— Donc tu ne sais pas où est ton père et tu es le « Lien du Crime ».

— C’est bien résumé, reniflai-je.

— C’est… compliqué.

Je ne cesserais jamais de louer son esprit de synthèse, sincèrement. Mais la cruauté se recelant dans la brièveté, cela m’arracha un sanglot. Mapie passa une main dans ses cheveux, les joues gonflées, avant de souffler.

— Bon. On est dans la mouise.

— Oh ! Bien joué, Sherlock, railla Jim. C’est quoi le plan, alors ? On va chercher le père de Joan et tout le monde est content ?

J’ignorais s’il s’agissait de sollicitude ou de pure volonté de faire avancer le dialogue par souci d’efficacité, mais j’éprouvais tout de même un élan de gratitude envers lui.

— C’est pas aussi simple, répondit Mapie en grattant le sol de sa botte. Le roi ne va pas lâcher le morceau, père ou non. Et qu’on soit sur Terre ou sur Ulm, il n’aura de cesse de le vouloir à sa botte.

— Je comprends pas : pourquoi il a pas juste capturé Joan ? s’enquit Thilio, desserrant son étreinte.

— Parce que je suis l’être le plus libre de ce monde, répondit l’intéressé. Si quelqu’un veut me tuer… alors il est changé en pierre.

— Quelle connerie !

On se tourna vers Jim, qui avait les bras croisés et les sourcils froncés.

— J’ai plusieurs eu envie de te tuer et parfois, j’en étais pas loin… (il buta sur les derniers mots) Mais j’ai jamais été changé en pierre !

— Attends… quoi ? s’exclama Mapie. Tu voulais le tuer ?

— Bah… ouais ? fit la gueule d’ange en se grattant la joue, le regard fuyant.

La jeune tehmiste semblait choquée, mais pourquoi ? Je pris un instant pour comprendre mais Thilio fut plus rapide que moi :

— Le Lien du Crime ne fonctionne pas sur les hommes, c’est ça ?

— Si c’est le cas, c’est pas logique… pourquoi les séides de la reine se sont fait pétrifiés ?

— Parce qu’ils étaient tehmistes, supposa le joufflu en ramenant ses boucles bleues sur son front.

C’était une révélation de plus pour moi. Je pensais que j’étais plus ou moins invincible… mais non. Voilà pourquoi le Fustigeur n’avait pas peur de moi : il connaissait cette faiblesse. Mapie se rongeait les ongles, visiblement en pleine réflexion, en marmonnant :

— Mais ça n’a pas de sens… on aurait déjà compris, depuis le temps… ou bien… ? C’était parce que le roi l’avait caché… ?

— Quoi qu’il en soit, la coupa Thilio, on doit trouver le Fustigeur et l’arrêter. Si on le trouve, on trouve Antonio.

Malgré la réticence de Jim et ma peur d’être de nouveau manipulé ou utilisé, nous décidâmes que ce serait la bonne marche à suivre. Mais nous fûmes coupés de court lorsqu’une voix inconnue nous fit faire volte-face à l’entrée des racines :

— Je peux vous aider ?

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