Celui qui lui sourit

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La tête baissée, fatigué d’avance de la cérémonie à venir, Odiin enfilait sa parure. Il releva le visage et se contempla dans le miroir. A côté de lui, à quelques mètres à peine, une jeune moitié tremblait comme une feuille sous l’excitation. Il était magnifique dans sa parure de bronze, toute fine, annonçant sa toute première présentation. Odiin était différent. Dans la glace, il pouvait voir les courbes de sa peau, moins tendue chaque année. Il pouvait voir ses muscles qui fondaient lentement, il avait arrêté d’essayer de s’entretenir depuis plusieurs présentations déjà. Il savait parfaitement ce qu’il deviendrait. Il serait l’un de ceux qui n’ont pas de compagnons.

- Professeur ?
- Oui, monsieur Flinn ?
- Je vous souhaite une bonne chance pour cette année.
- Merci à vous aussi monsieur Flinn.

Odiin avait dû mal à lui sourire. Pas quand il était à moitié nu devant son ancien étudiant. Pas quand il allait à une énième présentation que la majorité des personnes ne faisaient qu’une fois dans leur vie.

- Messieurs. Mesdames. Très chères moitiés, merci de rejoindre le banc de présentation.

C’était l’un de ces collègues, le professeur Daskov, qui gérait la mise en place de la cérémonie. Il s’occupait surtout des jeunes qui stressaient et ils étaient nombreux. Lors de la présentation, n’importe quel compagnon pourrait trouver et confirmer sa moitié lors d’un simple coït. Les compagnons nouaient leurs moitiés si elle leur correspondait effectivement.

Odiin n’était pas stressé en réalité, simplement amer. Il aurait aimé trouver quelqu’un, maintenant, il s’était résigné à vivre seul… Et s’il en avait eu la possibilité, il aurait arrêté d’aller à ces présentations qui étaient devenues simplement humiliantes.

Il s’avança, nu, dévoilant son corps sans la pudeur qu’il aurait pourtant aimer conserver. Il se rendit sur la petite estrade où l’attendait son propre banc de présentation. Il plaça son sexe entre ses jambes comme attendu puis il s’y pencha, mettant son fessier en avant. Les visiteurs en s’approchant verraient l’arrière de son corps sans aucun problème. Son petit sexe débandé. Ses testicules un peu plus épais qu’ils ne l’avaient été lors de sa première présentation. Ses fesses légèrement rebondies. Et en dessous, le galbe de ses jambes qu’il avait placé le mieux possible.

Daskov passa de moitié en moitié, puis arriva finalement à lui. Il ne caressa pas ses fesses et se montra extrêmement respectueux en plaçant les deux branches qui vinrent les écarter pour dévoiler son anus contracté. Au dernier moment, Daskov lui glissa :

- 124 compagnons viendront chercher leur moitié aujourd’hui. Bonne chance.

124. Une bonne partie viendrait de son propre établissement. D’autres des établissements environnants. Et quelques-uns, moins nombreux, seraient des compagnons en errance, comme il était une moitié en errance. La règle dans tous les cas, pour ces 124 personnes était de commencer par vérifier s’il pouvait correspondre aux plus anciens. A la fin de la présentation, il aurait le corps en miette sous l’épuisement et puis il rentrerait dans la petite chambre que l’établissement lui prêtait. Il s’y nettoierait. Il boirait un peu d’alcool s’il avait encore un soupçon d’énergie et puis irait dormir. 124. Et Daskov ne lui disait pas « bonne chance » parce qu’il s’inquiétait de l’état de son corps après, mais parce qu’il espérait pour lui. Il espérait qu’il trouve son compagnon. Un espoir que lui-même n’avait plus.

Il entendit la cloche annonçant l’arrivée des premiers et il baissa le visage un peu plus encore malgré son dos qui tirait déjà. Il n’était plus fait pour ça. Un premier groupe d’une dizaine de compagnon était en train de rentrer, mais il ne les vit pas. Il entendit simplement leurs pas qui approchaient. Un par un, ils le humèrent. Certains se poussèrent immédiatement. Plusieurs restèrent et posèrent leurs doigts sur sa peau le faisant frémir. Il respira profondément pour se calmer et repousser l’angoisse qui montait crescendo. Il l’avait déjà fait. Il l’avait fait des dizaines de fois même. Ça ne l’empêcha pas de pousser un gémissement lorsqu’un doigt maladroit se glissa au plus profond de lui dans un seul et même grand geste. Son dos se crispa, il tenta d’avancer pour le fuir, mais ce n’était pas possible. Le banc tenait ses hanches bien en place, l’offrant au coït le plus dur sans lui permettre le moindre mouvement.

Il entendit un rire derrière lui et une autre personne pouffa. Bien-sûr. Ce n’était pas étonnant, il avait fait cours, fait preuve d’autorité et juger les devoirs de ces étudiants pendant des années. L’idée même de baiser leur professeur avait dû les faire rire durant un long, un très long moment et finalement, ils y étaient. Le doigt remua sans but particulier, frottant maladroitement sa prostate mais pas assez pour faire naître un véritable désir dans son ventre. Non, c’était impersonnel et bizarre.

Odiin grogna lorsque le doigt s’échappa de lui avant de retourner à l’intérieur sans s’inquiéter de ses muscles froids ou de l’absence de lubrifiant. De son côté, il pouvait déjà dire que celui qui le touchait n’était pas son compagnon. Il n’y avait aucune forme d’alchimie mais ça ne l’empêcha pas de continuer durant de longues minutes, jouant avec son corps avec une forme de malice très pénible. Il écouta les deux garçons se disputaient et reconnus la voix de Denny et de Krin.

- Tu me le laisses ?
- Je voulais essayer quand même.

Odiin grimaça un petit plus fort. C’étaient des jeunes qu’il connaissait bien. Ils n’étaient pas très malins et voulaient juste en profiter. Être leur moitié serait un enfer, mais il ne le craignait pas. Ça n’arriverait pas. Il gémit lorsqu’un sexe étrangement dur et chaud poussa en lui, le brulant férocement et se mordit la main pour rester silencieux sous les coups de butoir sec.

A chaque fois que son sexe s’éloignait, la peau fine de son corps faisait de son mieux pour le suivre. La vitesse ne le lui permettait pas autant qu’il l’aurait voulu. Ça faisait mal. La chaleur, l’excitation, n’arrivait pas à monter, une claque sur sa fesse le cingla, faisant reculer un peu plus l’envie. L’étudiant finit par jouir tout en reculant, crachant sa semence sur sa fesse. Odiin la sentit qui giclait sur lui, puis, lentement, qui coulait de long de l’une de ses jambes. Il n’eut ni le temps de souffler, ni celui d’essayer de se reprendre qu’un second dard se planta en lui, tout aussi chaud et dur que le précédent. Il coulissa salement en lui.

Les moitiés qui se présentaient autour d’eux commençaient à gémir. Ils ne diraient rien, ils n’en avaient pas le droit. Pas le droit de montrer leurs visages, pas le droit de négocier, pas le droit d’essayer de se faire charmant. Seuls les gémissements étaient tolérés.

Odiin couina en suivant les mouvements secs et fit de son mieux pour les encaisser jusqu’à ce que Denny se répande en lui. Les premiers coïts étaient toujours douloureux. Les compagnons potentiels étaient pressés, gourmands et ils se goinfraient sans faire attention. Malheureusement cela préparait leur corps pour les coïts suivants, les rendant immédiatement délicats et sensibles. Un certain nombre de personnes comme son collègue étaient néanmoins là pour améliorer les choses. L’un d’entre eux essuya le sperme qui coulait sur lui, le nettoyant sommairement et le lubrifiant légèrement sur les zones qui semblaient déjà irritées. A peine cela fut-il fait, qu’une main saisit son sexe, le faisant sursauter, puis grimacer lorsque les doigts se firent plus durs. Une masturbation sèche débuta sans qu’il n’y puisse rien. Il était à la merci de la totalité de ces personnes et il avait simplement et seulement le droit d’espérer. La main le lâcha et un autre sexe le pénétra durement. Il était plus large que les précédents. Odiin grimaça.

Les premières fois, il avait eu énormément de mal à ressentir du désir. Il n’était pas sur une estrade à l’époque, mais au milieu des autres. Il était jeune, beau et rempli d’espoir. La cérémonie lui avait semblé tellement rude. Passer de coït en coït n’avait rien d’évident. Pendant la troisième cérémonie, il avait ressenti du plaisir. Pendant les suivantes, il avait même eu du plaisir simplement à s’imaginer là, ainsi offert. Et puis, c’était parti lentement avec l’espoir. A présent, avec l’humiliation, il avait du mal à y accéder. Le fait que ses étudiants jouaient à « le baiser » n’aidait sans doute pas non plus.

Il ne compta pas les sexes qui s’enfilaient en lui. A la place, il essaya de s’enfuir dans son esprit, quelque part dans un endroit où son corps ne le brûlait pas. Quelque part où il était simplement bien. Il devait être parti un peu trop loin, car l’homme qui s’était présenté à lui pinça durement sa fesse comme pour exiger qu’il remue et participe, au moins un peu. Il pouvait le faire en se contractant et en se relâchant. Il pouvait également se cambrer un peu et se courber pour jouer avec l’angle de la pénétration. Seulement, l’envie n’était pas là, alors il resta immobile malgré tout. Le compagnon potentiel dû en prendre ombrage, car il le pinça à nouveau, mais cette fois-ci, sur sa peau fine qui tentait de suivre son sexe. Odiin poussa un cri, son anus se contracta violement en réponse à l’agression et l’homme sembla satisfait un moment avant qu’il ne recommence avec plus de dureté encore. Le couinement qu’il poussa fut authentique. Odiin plaqua ses deux mains sur sa bouche pour tenter de l’arrêter : certains sadiques se faisaient plus violents quand les plaintes résonnaient. Jamais il n’aurait cru qu’une personne intervienne et pourtant, il l’entendit.

- Arrêtes ça !
- Pourquoi ? Il est censé essayer de me plaire…
- Tu n’es pas fait pour lui. Tu le sais déjà non ?
- JE ne suis pas fait pour lui ? … Non. Il n’est pas digne de moi.

Le sexe sortit de son antre avec une vitesse qui lui prit un autre cri. Derrière lui, ils se disputèrent encore un petit moment puis il y eu un long silence. Odiin était épuisé et douloureux. La cérémonie était presque terminée. Presque seulement comprit-il lorsqu’il sentit la main courir sur sa fesse. C’était une caresse douce. Elle descendit le long de sa cuisse, remonta jusqu’à ses hanches et massa ses reins endoloris.

- J’ai envie de vous depuis deux ans déjà.

C’était l’un de ses étudiants. Pleinement majeur puisqu’il participait à la cérémonie, mais néanmoins l’un de ses étudiants.

- J’ai envie de vous prendre, mais je n’osais pas le faire. Vivre avec vous… Je ne le mérite pas.

On disait parfois qu’avant même la cérémonie des compagnons pouvaient reconnaître leurs moitiés. Odiin ne répondit pas, suivant la règle et se demanda simplement amer, si son compagnon potentiel qui pensait réellement être son compagnon l’avait laissé là, à se faire baiser rudement pendant des heures juste parce qu’il avait hésité. Cette simple pensée suffit à lui faire comprendre qu’ils ne se correspondaient absolument pas. Et effectivement, il tenta de lui faire l’amour en vain. L’envie de monta jamais. Le jeune homme jouit, profondément, maculant l’intérieur de son corps d’un peu plus de semence. Il attendit un moment, espérant visiblement enfler et le nouer. En vain. Il partit, sans dire le moindre mot. Ennuyé.

Un autre vint l’essuyer avec douceur et application.

- La cérémonie sera fini dans quelques minutes… Je suis désolé, professeur.

Désolé, Odiin ne l’était pas. Ce n’était qu’un moment à passer, chaque année. Il ignorait s’il y avait réellement un compagnon pour lui quelque part, mais si c’était le cas, il n’était simplement pas là. On finit par lui retirer l’équipement qui l’offrait si vulgairement pour lui permettre de se relever. Il avait mal au ventre, mal à l’intérieur de son corps et le long de cette peau fragile qui couvrait les muscles puissants de son entrée. Ses jambes et son dos n’étaient pas moins douloureux. Un simple regard lui permit de voir bon nombre de couples nouvellement formés. Des compagnons et leurs moitiés qui s’étaient trouvés.

Il repartit, seul, en boitillant légèrement. Il reviendrait l’année prochaine et puis la suivante, mais il ne le trouverait pas. C’était une espèce de certitude en son cœur et il avait tristement raison. Son compagnon s’appelait Sophiane Lodchenko, il vivait non loin de là. En allant au travail chaque matin, Odiin passait devant sa petite maison de banlieue qui ressemblait à toute les autres. Régulièrement, au passage piéton, Sophiane arrêtait sa voiture pour le laisser passer avec un léger sourire sur les lèvres et un hochement de tête. Il le regardait traverser en se demandant comment une personne aussi sèche pouvait exercer auprès d’enfants, à moins que ce ne soit justement son métier qui lui avait conféré un air aussi peu aimable ? Par trois fois, juste devant l’école, Sophiane s’était dit qu’il espérait que ce ne soit pas un enseignant, mais quelqu’un travaillant dans la partie administrative de l’établissement. Lui-même ne faisait que passer par là. Il n’avait pas d’enfant même s’il était très heureux avec sa propre moitié. Une femme adorable, souriante et tendre, qui semblait pouvoir relever tous les défis. Ensemble ils étaient pleinement heureux.

Sophiane ne se rendrait jamais à la cérémonie de l’établissement le plus proche, car il était déjà en couple et ignorait totalement qu’une seconde moitié l’attendait et l’attendrait pour le reste de sa vie.


note : je triche encore une fois avec une ancienne nouvelle écrite en début d'année...

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