La poignée de ma porte d'entrée bouge légèrement. Il ne m'a pas prévenue qu'il passerait ce soir. Il a dû trouver du temps pour me rejoindre afin de passer la soirée ensemble.

J'ouvre la porte, prête à lui sauter dans les bras, mais je reste figée sur place. Je fais face à une petite fille blonde aux grands yeux bleus, bronzée et joufflue, vêtue d'une petite jupe fleurie et d'un t-shirt dépareillé, les pieds bruns dans ses sandales usées.

— Bonsoir.
Je bégaie quelque chose d'incompréhensible.

— Oh ! Tu as un chat !

La gamine me contourne et s’élance vers Nuage, mon chaton blanc aux pupilles pâles. Accroupie au sol, elle le caresse en murmurant des mots doux.

Je respire doucement, un peu perdue.
Qu’est-ce que je fais là ?

— C’est joli chez toi… enfin, chez nous, rit-elle.

Je me décide à m’approcher et m’assois sur le sol près d’elle.

— Pourquoi es-tu là ?

— Ben, j’ai suivi le papillon bleu.

— Hein ?

— Oui ! Et je suis arrivée là. Alors, c’est là qu’on habite ? Dis, tu chantes maintenant ? Tu dessines ? Et, et, tu as un copain ? Un fiancé ? Un prince charmant ?

Je ris et fais un geste apaisant.

— Calme-toi. Oui, je chante. C’est si important ?

— Bah oui.

— Je dessine aussi, et… il y a quelqu’un dans ma vie.

— Wahhh ! Trop bien. Sinon, on a réussi ?

— À faire quoi, chérie ?

— Rendre les autres heureux ?

— Eh bien… on fait de notre mieux. Mais on a beaucoup souffert, et on a appris qu’il fallait aussi prendre soin de soi.

— On va souffrir ? Enfin… C’est pas grave, si on rend les autres heureux.

— Ma chérie. Si, c’est grave. Ton bonheur est aussi important. Tu es belle, ton âme surtout. Tu vas apprendre à ouvrir la porte de ta cage et prendre ton envol, papillon.

— On est un papillon ?

— Oui.

— Coooool. Je peux garder le chat ?

— Si tu—

Je cligne des yeux. La petite fille — enfin, "je" — vient de disparaître, ne laissant derrière elle qu’une traînée de poussière bleue brillante. Perdue dans mes pensées, je caresse Nuage, qui se love sur mes genoux.