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Sam ne perdit pas de temps et chargea Gamine du butin dérobé par Mary.
— Cours prévenir Bosco et mets ça en sécurité. File ! chuchota Sam avec urgence.
Gamine hocha la tête et repartit au pas de course, en prenant soin de se cacher sous la cape. Puis, Sam se posta au milieu de la rue, l’allure altière et l’épée dressée. Sur un signe de tête, Mary se plaça derrière lui et activa les lames de sa jambe métallique.
Des gardes apparurent. Les épaulettes en laiton et les broderies cuivrées de leur casaque marine captaient la faible lumière et dessinaient deux vagues silhouettes. Celle portant un casque orné d’un panache blanc s’arrêta à quelques mètres du capitaine.
— J’aurai dû m'en douter. Samuel Grim. Pardon, devrais-je plutôt dire Black Sam ? Je suis perdu, déclara-t-il.
Il secoua sa main devant son visage anguleux comme pour relier Sam aux méfaits qui lui avaient valu son surnom, quand il œuvrait uniquement sous couvert de l’obscurité.
Sam afficha un sourire narquois.
— Black Sam me convient parfaitement, maréchal Joshua Powers. Quelle surprise de te voir ici ! Un homme de ton rang rétrogradé à cette basse besogne, j'espère ne pas en être l'unique origine. Enfin passons. Tu es là, c'est le principal. Nous allons enfin pouvoir reprendre. A moins que ton cher Empereur ait besoin de tes services pour… brasser son café ?
Le second garde sortit son épée de son fourreau.
— Reste derrière petit, c’est entre Joshua et moi.
— Pourtant, il est question de l'honneur de notre Empereur. Cela devient mon problème.
Joshua réfréna l'enthousiasme du garde d’un mouvement de bras tandis que, d’un regard, Sam s’assura que Mary le surveillait également.
— Ne t’en mêle pas. Nous avons un vieux litige à régler, ordonna le maréchal.
Black Sam était prêt. Depuis des années. Il approcha, épée pointée vers le maréchal. Ses yeux reflétaient la détermination. Comme ceux de Joshua. Ils allaient enfin pouvoir finir leur affrontement. Sam se souvenait avec amertume de leur dernière confrontation et de sa frustration. Joshua s’était enfui au cours de leur duel car l’Empereur lui-même réclamait son aide. Cette fois, un vainqueur sera désigné, lui de préférence, et personne ne pourra offrir une porte de sortie au maréchal. Enfin, Sam l’espérait.
Après avoir jaugé son adversaire, Sam chargea. Il bondit, mais le métal claqua dans l’air lorsque Joshua le bloqua avec habilité. Les épées s'entrechoquaient frénétiquement. Chaque coup porté par le maréchal était imprégné par sa puissance et sa détermination. Sam tentait des attaques rapides et précises, cherchant la moindre ouverture dans ce mur d’acier, mais son adversaire le parait systématiquement. Joshua utilisait une technique classique mais terriblement efficace. Sa force contraignait son adversaire à reculer. Acculé, celui-ci ne pouvait que se défendre jusqu’à commettre l’erreur fatale.
Au lieu de se décourager, Sam intensifia ses assauts. Il esquivait. Feintait. Ripostait. Coupait en visant les jambes ou les côtes. Avec ses attaques à haute vitesse, il ressemblait à un frelon s’attaquant obstinément à un roc.
Le bras de Sam commençait à le faire souffrir, ses jambes tremblaient sous l’effort, mais il refusait d’abandonner. C’était leur duel. La conclusion d’années de poursuites et d’affrontements. Joshua transpirait et soutenait avec hargne le regard de Sam. Lui aussi se battrait jusqu’au bout. Mais son subalterne ne sembla pas de cet avis. Il brandit son épée et avança d’un pas. Alerte, Mary bondit avec une agilité féline pour lui barrer la route. Le maréchal avait aussi vu l’initiative. Il sortit du combat le temps d’un battement de cil en hurlant. Sam en profita. D’un geste vif, il désarma et tint Joshua en respect pendant que Mary récupérait les armes de son subalterne.
— Mon cher Joshua, il faudra encore t'entraîner pour me battre, mais j’apprécie toujours nos passes d’armes. Surtout quand je gagne.
Joshua leva le menton avec dignité.
— Tu es doué, je l’ai toujours reconnu. Ce soir, tu as encore eu de la chance. Mais, lorsqu’elle tournera, je serai là. Je suis patient, ce n’est qu’une question de temps j’en suis persuadé. Tu ne pourras pas échapper au gibet ou à mon épée pour ce que tu as fait.
— Maréchal, ta persévérance est tout à ton honneur. Mais il serait temps d’aller de l’avant. Prends exemple ! Malgré nos différends et tes menaces, je suis magnanime et je t’accorde la vie sauve. Tu vois, ce n’est pas si compliqué.
A quelques rues de là, des bottes martelèrent le sol, aussi précises et rapides que la trotteuse d’une montre. Sam fixa le maréchal, une lueur de provocation dansait dans son regard.
— Je vais devoir te laisser, ma présence risque d’être de trop. Mais avant…
D’un mouvement agile, Sam arracha les insignes du maréchal et s’enfuit après une rapide courbette. Mary sur ses traces
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