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Sur la table centrale, ses cartes et outils avaient été repliés soigneusement pour laisser place à un coffre et quelques bourses garnies. Gamine avait obéit. Pourtant Sam flairait autre chose. Il s’approcha du poêle et tendit ses doigts frigorifiés. Il occupa son esprit en passant au crible chaque recoin de la pièce. Le mur opposé était légèrement trouble, comme un mirage en plein désert, mais il ignora cette étrangeté et se concentra sur la danse hypnotique des flammes.

Une fois son corps réchauffé et son esprit apaisé, il se jeta vers les lames en bois légèrement floues.
— La prochaine fois, je te mets au fer ! sermonna-t-il.
Il arracha la cape en diphylleia qui dissimulait Gamine. La fillette baissa la tête, mais pas le regard.
— Que fais-tu ici ?
— Je voulais être là quand tu découvrirais le butin.
— La seule chose que tu risques de voir aujourd’hui c’est la cale. Quand je te donne un ordre, tu obéis.
— j’ai obéi ! Je suis rentrée avec le trésor, j'ai prévenu Bosco et j’ai remis la cape dans ta cabine. J’ai fait tout ce que tu as demandé.


Gamine avait relevé la tête et soutenait son regard, prête à en découdre. Sam y lisait toute sa volonté.


Malgré toute son insolence, il n’arrivait pas à lui en vouloir. Sans compter Bosco, seule la fillette osait lui dire sans détour le fond de sa pensée. Sam tolérait son manque de respect, contrairement à son second qui augmentait ses corvées à chaque incartade. Mais Sam se souvenait du jour où il l'avait recueillie, des années auparavant. Depuis, Gamine était devenue adolescente, effrontée et au regard qui savait détrousser l’âme. Il n’avait connu qu’une seule et unique personne avec des yeux si expressifs, préférant la mort à la soumission. Celle qui lui tenait tête jusqu'à ce qu’il cède. Celle qui, un peu plus tard, caressait avec amour son ventre rebondi. Leur enfant. Celle aussi qui avait accompagné ce petit corps fragile dans l'au-delà. La mère et la fille réunies pour l’éternité. Sa fille. Elle aussi aurait dû être cueillie par les tempêtes de l’adolescence.


Il grogna pour chasser ses souvenirs, accrocha la cape près du poêle pour la rendre visible et se redonner contenance, l’heure n’était pas à la nostalgie.

— Ne te moque pas de moi. Il va falloir que tu apprennes. Il y a des règles à suivre. Tu obéis au capitaine, tu voles uniquement dans le cadre d'une mission. Tu pourrais devenir comme Mary ou Bosco mais je te dois pouvoir te faire confiance à chaque instant. Si ce n’est pas possible, tu devras quitter le navire. Est-ce clair ?

Malgré sa colère, Sam persistait à former la fillette. Elle avait l'étoffe pour mener des hommes, mais elle devait apprendre les codes.

Gamine eut l’intelligence de montrer une mine repentie.
— D’accord, je vais m’améliorer. Est-ce que je peux ouvrir le coffre avec toi ? C’était ma première mission importante et j'aimerais beaucoup savoir ce qu'il contient.


Sam souffla, mais céda une nouvelle fois.


Ils s’assirent autour de la table et Sam avala un sourire en regardant Gamine du coin de l'œil. Elle rongeait son impatience en se triturant les doigts. Il décida de lui donner une leçon et observa le coffre avec une précaution exagérée. Il le soupesa, le tourna dans le détail avant de s’intéresser à son mécanisme. Malgré les renforts, la serrure était assez simple à forcer. Il attendit encore avant d’ouvrir le coffre, caressant le métal lisse et froid. A ses côtés, les genoux de Gamine sautaient à vive allure. Elle ouvrit la bouche pour protester, mais le regard noir de Sam l’en dissuada.

Lorsqu’il estima que l’attente avait assez duré, il souleva le couvercle et déversa une cascade dorée sur la table, sous les yeux ébahis de Gamine. Elle restait bouche-bée devant ce monticule de pièces d’or.
— Voilà pourquoi tu as risqué ta vie avec Mary.
Le rire de Gamine se répercuta sur les murs lorsqu’elle étala les pièces.
— J’adore ! On continue avec les sacs ?
— Je crois que c’était ton idée de les prendre, alors à toi de les ouvrir.
Elle battit des mains, rien ne pouvait lui faire plus plaisir. Sam souriait de nouveau, la joie juvénile de Gamine avait pansé ses blessures.


L’empressement de la fillette rendait ses gestes maladroits. Après plusieurs tentatives, elle libéra des colliers ornés de pierres précieuses, des orbes à cristaux d’éther et des objets de navigation fabriqués en cuivre ou métaux rares, d’autres incrustés d’ambre et d’ivoire.
— C’est pas mal non ?
— Tu as bien fait de les prendre. C’est une excellente surprise.
Un sourire fier illumina le visage de Gamine, heureuse de la reconnaissance de son mentor, avant de poursuivre son inspection.

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