Angela

14 avril 2017

11h00

3 ans que je ne l'ai pas vu. Le retrouver un jour comme celui-ci, ça me brise le coeur.

J'examine son visage de loin. Il a tellement changé depuis l'époque du collège. Ses traits fatigués en disent long sur sa tristesse , mais n'altèrent pas la douceur de son visage. il est beau.

Tout le monde s'amasse autour de lui et de ses deux frères. Rasheeda était une femme exeptionelle. Elle a élevé ses trois fils sans l'aide d'un mari, et elle l'a fait du mieux qu'elle le pouvait. J'ai toujours eu beaucoup d'admiration et de respect pour elle, et rien que d'y penser, les larmes me montent.

Je n'ose pas m'approcher de lui. Des années se sont écoulées mais je le connais toujours aussi bien. Je sais qu'il deteste la pitié et qu'il n'a pas besoin d'une orde de soldats formatés à répéter le même discours: "toutes mes condoléances, ta maman était formidable, elle va nous manquer, allez ciao!". Je le vois serrer la mâchoire, serrer les poings.

Je reste debout, perdue dans mes pensées. je le contemple, en essayant d'imaginer sa peine et comment la panser, puis je m'y perds. Je me rends compte qu'il l'a remarqué. Lui aussi me regarde. Un regard que je ne connais que trop bien. Je sais ce qu'il a en tête alors je tourne les talons et m'en vais.

13h30

Bon, ça fait plus d'une heure que je suis là, et aucune trace de Samy. Peut-être que je me suis trompée, peut-être que j'ai mal interprété la situation. je reste plantée ici, devant ce panorama magnifique. J'observe la baie, le soleil qui tape sur la mer , sur mon coeur triste.

Cette vue c'était notre point de retrouvaille. On en a passé des moments ici, nuits et jours, seuls ou bien avec les autres. C'est ici qu'on s'est raconté nos plus grosses peines, nos plus beaux souvenirs. C'est ici qu'on s'est rapproché.

Je pense qu'il est temps de partir, il ne viendra plus. Après tout, je le comprends. On s'est éloigné l'un de l'autre, et je ne suis sûrement plus celle qui peut le consoler.

Je décide de me lever du rebord sur lequel j'étais assise, mais une main vient se poser sur la mienne et m'en empêche. c'est lui.

Je ne me risque pas à tourner les yeux dans sa direction, je fixe l'horizon, et je le sens, lui, s'assoir près de moi, toujours sa main sur la mienne. Il pose sa tête sur mon épaule et regarde lui aussi, droit devant. Je mets ma tête sur la sienne. Pas un mot, on profite de cet instant muet, sachant pertinnement que ça sera le dernier avant longtemps.