Les démons de minuits
- « Je comprends toujours pas pourquoi tu as insisté pour conduire… », lui dis-je les bras croisés contre ma poitrine, contrariée.
- « Tu te fou de ma gueule ? Je dois te faire un dessin ? », me répond-t’elle sur la défensive.
- « Ça va… Arrête de t’énerver pour ça… ».
- « Pour ça ? POUR ÇA ???? Ok. Je crois que tu as besoin que je te rafraichisse la mémoire. Premièrement, cet après midi tu t’es prit la tête avec Samy, donc bien évidemment en rentrant tu as décidé de te couper les cheveux toute seul et de les teindre. J’ai donc du venir t’aider à rectifier l’oignon que tu avais sur la tête. En suite, tu as pris sans permission la voiture de ta mère, que tu a au passage démoli, et tu m’as fait sortir d’un restaurant en courant sans avoir payé ! VOILÀ POURQUOI JE SUIS ÉNERVÉE!!!!!! ».
- « Effectivement, dit comme ça… ».
Le reste du trajet se fait dans le silence. J’ai peur de l’ouvrir, on ne sait jamais à quoi s’attendre avec elle. L’alcool est toujours dans mon sang. Et ma tête tourne un peu. Mais je me sens comme sur un nuage. Par contre, une sensation désagréable me gêne.
- « Arrête toi ! », crié-je d’un coup.
- « Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ???? », me répond-t’elle paniquée.
- « Arrête toi, vite ! ».
Elle ne cherche pas à en savoir plus et s’arrête dès que l’occasion se présente. Elle se gare en furie, et moi je descends de la voiture pour me diriger de l’autre côté du trottoir. Je me cache derrière la première voiture en face de moi. Je baisse ma culotte, m’accroupie. Quel soulagement, j’avais envie de faire pipi depuis qu’on a démarré.
J’entends Carla qui m’appelle, un peu inquiète. Et quand je relève la tête histoire de voir où elle se trouve, je me rends compte que la voiture qui me cache n’est pas vide, et qu’un bonhomme me regarde depuis son rétroviseur. Je n’ai même pas le temps de me rhabiller qu’il met le contact et me laisse à la vu de tous, cul nu sur le trottoir. Heureusement que ma robe cache un maximum de mon anatomie.
- « Je rêve ? », dit-elle alors que la voiture qui me cachait démarre, « tu m’as fait me garer pour pisser derrière une voiture ?? ».
- « Ça pressait…», dis-je embarrassée, en remontant mes sous-vêtements.
Je m’attendais à ce qu’elle m’engueule plus fort encore. Mais à la place, elle se tord de rire en essayant de me relever. Plus légères, on remonte dans la voiture et continue notre trajet jusqu’à la boîte de nuit. Pendant que Carla roule, je décroche aux garçon qui nous attendent déjà à L’Omega.
Nos tenu seront enfin appropriées.
- « Je te préviens tu bois plus une goutte ce soir », m’annonce-t’elle en se garant proche de la boite de nuit.
- « Alors là tu te mets le doigt dans l’oeil ! J’ai vingt-deux ans je te rappelle, je fais bien ce que je veux ».
Son regard menaçant me glace le sang…
- « Ouais bah la meuf de vingt-deux ans est déjà bourrée alors qu’elle n’a même pas encore mit un pieds dans la boîte. Tu rigolera moins quand le videur ne te laissera pas rentrer parce que t’es pétée ma vieille ».
Merde. Elle a raison.
En marchant dans la ruelle qui nous sépare du club, je m’entraine à marcher droit en prenant l’air le plus normal que je puisse faire. Et je peux vous dire qu’étant bourrée comme un coin, ça n’est pas de tout repos.
- « Qu’est-ce-que tu fais là ? », me dit-elle un rictus sur les lèvres.
- « Arrête de rigoler, je suis naturelle pour ne pas être refouler ».
- « Alors là, on dirait plus tôt un pigeon qui vient de se prendre une vitre et j….. AHHAHHHHAAAAAH», hurlons-nous en coeur alors que quelqu’un nous surprend par derrière, dans la nuit noire.
Alors qu’on continue de crier de toutes nos forces, les yeux fermés, notre agresseur se met à rire à gorge déployée.
- « Si vous aviez vu vos têtes… Trop drôle », cri-il, mort de rire.
Le pauvre Ayoub calme vite ses ardeurs quand Carla regagne ses esprits, et le prend par le bout du nez, pour le tirer jusqu’à l’entrée de l’Omega.
- « La prochaine fois que tu nous fais un coup pareil mon coeur, je t’arrache les noises de mes propres mains, et j’en fait du sable pour un jardin feng shui ».
Lui serre les dents, mais je me marre.
Par miracle, nous arrivons tous à rentrer. À l’intérieur, la musique résonne à fond, et je ne distingue aucun visage tant les lumières s’agitent et les gens sautent dans tous les sens. Je n’ai pas l’habitude de ce genre d’endroit, mais ce soir je compte bien m’éclater. De plus, les deux verres que j’ai dans le nez me mettent à l’aise.
Par contre, un de plus ne serait pas de refus. Mais comment faire ? Carla me colle, et si elle me voit en train de boire, elle va m’en coller une… Pendant que je réfléchis à un plan d’ivrogne, ma meilleure amie m’éloigne du bar en me tirant jusque sur la piste.
On est tous les uns sur les autres, nos corps serrés, mais peu importe. On se défoule sur le dancefloor. On rigole, on chante, on gigote. Un peu plus tard, et quelques menaces de Carla engagées, les garçons nous rejoignent. Ils me compliment tous sur mes nouveaux cheveux, puis on se met à s’agiter dans tous les sens.
Et combien, ho combien, ils sont ridicules. Raides comme pas possible, ils essayent quand même de bouger au rythme de la musique. Ça n’est pas un balais qu’ils ont dans le ***, mais un aspirateur Dyson tout entier.
On forme un groupe de dégénérés agglutinés au milieu de la boite. Une musique Latina retentie, et Melvin s’approche de moi pour qu’on danse tous les deux. Il a plus de style que tous les autres réunis.
- « T’es chaude pour qu’on fasse la même chorée qu’à la soirée chez les gars ? », me demande-t’il au creux de l’oreille pour que je puisse l’entendre.
Je lui fais signe que oui, alors que je n’ai aucune idée de ce dont il parle. Mes seuls souvenirs de cette soirée s’arrêtent sur le balcon, où j’ai vu Samy embrasser cette jolie fille.
Samy. Stop. Ne pense plus à lui ce soir Angela.
Je le suis, et sans même m’en rendre compte, je danse avec lui comme si au je me rappelais encore de chaque pas par coeur. L’alcool fait des miracles, sans ça, je n’aurais jamais eu le courage de me montrer devant tout ce monde. Petit à petit les gens se reculent pour laisser place à notre duo, et les garçons du groupe nous filment avec leurs téléphones. On bouge nos corps, collés l’un à l’autre, sur un air assez enivrant. Les gens sifflent, un peu aguicheurs. Puis la musique se finit. Tout essoufflés, on se check fiers de notre prestation. Amor s'approche de nous.
- « Vous avez tout niqué ! », me dit-il en montrant à Melvin ce qu’il avait posté dans sa story Snapchat.
- « Ouais j’avoue, on déchire », enchaine-t’il avant de partir plus loin avec son ami.
Je me retrouve sans les mecs, sans Carla, au milieu d’une bande d’inconnus. Et j’ai soif. Je m’avance pas à pas vers le bar en espérant ne pas croiser la psychopathe qui me chaperonne. Je sonde toute la salle du regard pour dénicher l’endroit où elle se cache, et je la trouve pas très loin, me regardant du coin de l’oeil.
- « Fais attention, je te surveille », me mime-t’elle du bout des ses lèvres.
Je bouge ma tête de haut en bas pour acquiescer, en arborant un sourire d’ange.
Bon, comment vais-je faire pour qu’elle ne me voit pas picoler ? Je jette un coup d’oeil discret au barman qui est occupé à servir un cocktail à une belle blonde. Puis je balaye le comptoir du regard jusqu’à voir un homme de dos, et un verre presque plein derrière lui. Mon cerveau ivre s’illumine.
Je profite que Carla danse avec Ayoub pour choper rapidement le verre posé, et le boire cul sec. Yallah.
Doux Jésus. Je ne sais pas ce que c’est, mais ça déchire.
J’adore.
Je rigole toute seule rien qu’à cette idée, et me barre vite avant que l’homme ne remarque son verre vide.
Je me déplace d’un bout à l’autre du bar pour faire tous les fonds de verres. Ce qui réflexion faite, n’est pas forcément une bonne idée. Mélanger autant d’alcool différents, ça ne risque pas d’éclaircir mes idées. J’enchaîne verre sur verre sans même être consciente de ce que je fais, ou faire attention à ne pas me faire attraper.
- « Hey, t’es au courant que le premier verre est gratuit ici ? », me dit-il d’un air mignon, pour se moquer de mon comportement, qu’à première vu, il a remarqué.
« Gligliglgilgi » est le seul rire de dinde que ma bouche imbibée de liqueur a réussi à sortir.
Malgré mes yeux qui ont du mal a rester ouverts, je réussi à distinguer ses mouvements. Il se retourne, prend quelques bouteilles et un verre qu’il remplit. Puis il le glisse jusqu’à moi.
- « Merci », lui dis-je accompagnée d’un grand sourire, heureuse de ne plus avoir à « faire les poubelles ».
Il se contente de me répondre d’un client d’oeil, avant de retourner servir les clients impatients.
Je sirote mon verre en faisant attention à Carla, quand je sens une main forte se poser sur mon épaule.
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