L’infirmière me pousse vers l’extérieur de la chambre, la porte se referme. C’est ma faute. Elle allait mieux et il a fallu que je lui montre cet article. Je ne le supporterais pas s’il lui arrive quelque chose par ma faute.

Je commence à étouffer, j’ai du mal à respirer. Je ne peux pas rester là.

Je remonte le couloir jusqu’aux ascenseurs.

Je dois sortir. J’ai besoin d’air.

J’arrive dans le hall, je vois la porte d’entrée de la où je suis. Je marche. Vite. De plus en plus vite. Je fini par courir, une fois dehors je ne m’arrête pas.

Je cours.

Je cours, je ne regarde pas où je vais. J’accélère.

_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-

Le médecin entre dans la chambre, suivi de l’infirmière. Il a les sourcils légèrement froncés. Je n’arrive pas à savoir si c’est parce qu’il est concentré ou mécontent. Avant de dire quoi que ce soit, il consulte du regard les machines qui m’entourent. Elles ont arrêté de sonner.

- Comment vous sentez-vous ?

- Je vais bien.

- Pouvez-vous me dire ce qu’il s’est passé ?

J’hésite. Je ne sais pas comment expliquer réellement ce qu’il s’est passé. Je décide de faire au plus simple.

- Un ami est venu me voir. On en est venu à parler de ce qu’il s’est passé. De l’accident. De ma sœur. J’ai vu une photo et je me suis souvenu de tout.

Je choisi de ne pas préciser que j’avais eu mal à la tête au moment où mes souvenirs étaient revenu. Je n’avais qu’une envie, sortir d’ici et rentrer chez moi. J’avais peur qu’en lui racontant cela il veuille me garder encore plus longtemps.

- Une photo ? De l’accident ?

- Oui.

- Et au moment où vous l’avez vu, c’est là que vous vous êtes souvenu ?

- Oui.

- Il ne s’est rien passé d’autre à ce moment-là ? Pas de flash lumineux, de douleurs ou autre ?

L’expression qu’il avait en disant cela m’a tellement surprise que je n’ai pas pu répondre tout de suite. J’ai eu beau répondre que non, je suis certaine qu’il a bien compris que je ne lui disais pas toute la vérité. Il hoche la tête, et me dit qu’il reviendra me voir plus tard. Il sort accompagné de l’infirmière.

- Excusez-moi ?

L’infirmière se retourne avec un sourire.

- Oui ? Tout va bien ? Vous voulez que je rappelle le médecin ?

- Non, non, ce n’est pas ça… je voulais savoir, mon ami, vous pouvez lui dire de revenir s’il vous plait ? Il a oublié son téléphone ici…

Un voile furtif passe sur le visage de l’infirmière, avant qu’elle ne retrouve un sourire réconfortant.

- Ah, c’est que votre ami n’est déjà plus là… En ce rendant compte qu’il a oublié son téléphone il reviendra vous voir, ne vous en faites pas.

J’espère qu’elle a raison, je la remercie et la laisse retourner à ses occupations.

Je baisse les yeux vers le téléphone de Jun. J’ai fait en sorte de garder l’écran actif pour ne pas avoir à le déverrouiller car j’en serais bien incapable.

Je ne suis pas aussi rassuré que l’infirmière, il vient juste d’arriver en France, il ne connait pas la France, Paris… il pourrait se perdre, il pourrait avoir besoin de son téléphone. Quelqu’un pourrait avoir besoin de le contacter. Sa famille ou ses amis.

Je réalise soudain quelque chose, pourquoi est-il venu en France ? Comment est-il venu, seul ? Avec des amis ou de la famille ? Je ne lui ai même pas demandé. Il faut vraiment que je lui rende son téléphone. Ah ! Mais oui ! Je peux peut-être en apprendre davantage sur lui et sur comment lui rendre ce qui lui appartient en regardant dans son téléphone justement.

Mon premier réflexe en voyant que tout est écrit en coréen est de désespérer. Mais après quelques secondes je réalise que j’arrive à lire. Et que je comprends certains mots, voire phrases ! Mais qu’est-ce que c’est que ça !

J’avais déjà entendu des histoires comme quoi des personnes se réveillaient après de long coma et savaient parler une langue étrangère qu’ils ne parlaient pas avant ou encore jouer d’un instrument alors qu’avant non. Mais je n’aurais jamais cru que cela m’arriverait.

Dans mon cas cela va s’avérer utile. Par quoi devrais-je commencer ? Je me sens coupable de fouiller dans le téléphone de quelqu’un d’autre, quelqu’un que je ne connais même pas qui plus est.

Je n’ai pas le temps de réfléchir, un message apparait.

« Alors Jun-i ! Ton rendez-vous se passe bien ? Comment va Mélanie ? Tu nous inquiète à ne pas donner de nouvelles… »

Je suis incapable de comprendre la phrase dans son ensemble mais je saisis le sens général, et j’ai également repéré mon prénom. Qui est donc ce Jim Do ? Je n’ose pas cliquer sur le message de peur que l’autre sache qu’il a été lu. Je me pose tellement de question que je ne sais que faire…

Je remarque une application familière. Ah ! Je pense qu’il s’agit de l’application pour trouver un correspondant. Si j’ai discuté avec lui via cette application durant un peu plus d’un moi, cela devrait pouvoir m’aider. Et au moins je n’aurais pas l’impression de trop fouiller dans sa vie privée puisqu’il s’agit d’une conversation avec moi.

J’ouvre l’application. Dans la partie conversation, il n’y a qu’une seule conversation. La notre. Etrange, non ? Tant pis. Je l’ouvre, je retourne au tout début et je commence à lire.

_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-

Je ralenti. Je n’ai plus de souffle. Je fini par m’arrêter. Où suis-je ? J’ai couru à l’aveuglette mais maintenant je suis perdu.

Il est quelle heure ? Il faut peut-être que je retourne à l’appartement.

Je mets la main dans la poche arrière de mon jeans, à la recherche de mon téléphone. Il n’y est pas. Dans l’autre ? Non plus. Devant ? Toujours rien.

Une boule d’angoisse commence à se former dans ma gorge. J’ai du mal à reprendre mon souffle. Je m’adosse au mur et me laisse glisser en position accroupi.

Réfléchi !

Si je l’ai perdu en courant je ne le retrouverais sans doute jamais. En tout cas pas sans l’aide du manager ou d’un des gars du groupe. Mais pour ça encore faudrait-il que je puisse les contacter. Quand est-ce que j’ai vu mon téléphone pour la dernière fois ?

C’était l’article.

Voilà, je montrais l’article à Mélanie, puis les machines ont sonné, je suis sortie puis je me suis enfui. Sans mon téléphone. Je suis soulagé ! C’est Mélanie qui a mon téléphone !

Il me suffit de retourner à l’hôpital pour le récupérer.

Je me redresse et regarde autour de moi. L’hôpital, oui, mais c’est par où ?

_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-

- Kuk hyung, tu as des nouvelles de Jun-i ? Il répond pas à mes messages…

- Ça fait depuis combien de temps qu’il est parti, 2h ? Ce n’est peut-être rien, si ça se trouve il est en grande conversation avec sa correspondante et il ne voit pas le temps passer.

- Tu penses ?

- Oui, écoute si dans une heure on n’a toujours pas de nouvelle je l’appellerai pour savoir ce qu’il en est.

- Tu as raison, Hyung !

Le manager entre-ouvre la porte.

- Tout va bien les garçons ?

Les deux amis échangent un regard avant d’hocher la tête à l’unisson.

- Vous n’avez pas oublié que dans une heure et demi on se réunit tous pour discuter de la série de vidéo ?

Les deux garçons se regardent de nouveau avec une lueur inquiète au fond du regard. Ils doivent retrouver Jun au plus vite. Hae Kuk répond au manager qui attend toujours une confirmation avant de les laisser. Une fois qu’il a refermé la porte, Jim Do s’empresse de saisir son téléphone.

- Je lui envoi un message, il faut qu’il rentre maintenant !

- Tu t’en rappelais toi de cette réunion ? Je pensais qu’on avait la journée entière pour nous…

- Je l’avais oublié, on a fixé le moment quand nous étions dans l’avion.

- Ah je devais dormir à ce moment-là. Ou alors je n’en étais pas loin. En tout cas tu me tiens au courant à propos de Jun-i.

- D’accord.

_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-_-

Je fais défiler la conversation. C’est moi qui écris, mais je ne m’en rappelle pas. C’est une sensation très étrange. Je ré-apprend à connaitre Jun. Au fur et à mesure de ma lecture, je commence à avoir des sortes de sensations, des émotions, comme des parties de souvenirs où il ne me resterait que mon ressenti à défaut de l’image et du son.

Je le sais, je le sens, je le connais et ce depuis un moment maintenant. J’approche de la fin de la conversation quand je lis un message différent des autres.

« Bonjour, je suis un ami de Jun, je m'appelle Hae Kuk. Je voulais te prévenir, Jun a eu un souci au travail et il est à l'hôpital, il ne pourra pas te parler pendant un moment. Je me suis permis de t'envoyer un message parce que je sais que vous êtes proche et je ne voulais pas que tu penses qu'il ne voulait plus te parler. »

Je regarde la date du message et je réalise que cela s’est produit il y a seulement quelques semaines. Et il est déjà sorti de l’hôpital ! Depuis ce message nous n’avons pas beaucoup discuté. Je m’inquiète pour lui. Il ne devrait pas être tout seul, on ne sait jamais ce qui peut se passer après un traumatisme crânien.

Crânien ?

Comment je sais que c’était à la tête sa blessure ?

Une fois de plus je le sais mais je peux l’expliquer.

Le téléphone vibre. Un nouveau message de Jim Do.

« Jun-i ! Faut que tu te dépêches de rentrer on a une réunion avec le manager pour la série de vidéo pour les fans ! »

Un autre tout de suite après.

« Pourquoi tu ne réponds pas ? »

« Que ce passe-t-il ? Tu n’es pas aussi silencieux d’habitude ! »

« Ça va ? »

Je dois répondre. Je ne peux pas laisser son ami Jim Do dans l’inquiétude comme ça. Mais qu’est-ce que je peux lui dire ? Et c’est quoi cette histoire de vidéo pour les fans ? Quels fans ? Il est célèbre ? Une image s’impose soudain à mon esprit, un panneau d’affichage géant sur un immeuble, Jun qui chante et danse, entouré de quatre autres garçons.

Mais d’où ça vient ? Qui est-il vraiment ? Je viens de relire la conversation que nous avons tenu durant un peu plus d’un mois. Il s’est ouvert à moi, il s’est confié. Mais il ne m’a jamais parlé de fan ou de dance et encore moins de chanson… Est-ce que je le connais vraiment ?

Je n’ai pas le temps de penser à ça, je dois rassurer son ami. J’utilise le peu de coréen que je connais et je lui explique que je suis Mélanie, la correspondante de Jun, qu’il est venu me voir à l’hôpital mais qu’il a oublié son téléphone. Tout de suite après le téléphone vibre de nouveau.

« Mélanie ? Et Jun-i, où est-t-il ? Cela fait combien de temps qu’il est parti ? »

Je lui réponds que ça fait environ vingt minutes, une demi-heure. En y repensant, il pourrait être n’importe où. Je dois faire quelque chose. Je ne peux pas rester là sans rien faire.

Je réfléchi rapidement. Ma mère m’a rapporté il y a peu des vêtements civils, ils sont dans le placard de ma chambre. Je dois bouger, mais je réalise bien vite qu’un mois de coma ne m’a pas aidé à garder la forme, j’ai beaucoup de difficulté à me mouvoir. Ne serait-ce que d’atteindre l’armoire de ma chambre va me prendre une éternité, alors sortir de l’hôpital à la recherche de Jun est quasiment impossible. A moins que…

« Jim Do, il s’est peut-être perdu en ville. Je peux t’aider à le retrouver, mais il va d’abord falloir que tu fasses quelque chose pour moi. »

« Oui ! D’accord, que veux-tu ? »

« Viens à l’hôpital, je ne peux pas bouger toute seule… »