Ils se moquent de moi ! Comment veulent-ils se fondre dans la masse s'ils laissent des cadavres traîner partout ? Je me le demande encore. Surtout que je suis une chasseuse, j’ai pour rôle principal de les rediriger vers le droit chemin. Et d'ailleurs, ils peuvent rester parmi la population sous deux conditions, ne pas faire trop de dégâts et ne jamais révéler leur existence. Mais avec la famille dont j’ai la charge, ça semble mission impossible.

En effet, ils ont tendance à n’en faire qu’à leur tête, pour un résultat des plus digne d'un film d'horreur. Le pire, c’est que je n’exagère pas en disant ça. Du sang étalé aux quatre coins de la pièce, un trou béant dans la poitrine et de temps à autre des membres arrachés, jetés comme de vulgaires chaussettes. À cause de leurs actes, j’ai pour ordre de les faire disparaître.

Et s'ils décident de me menacer, je n’aurais pas d’autres choix que de les supprimer. Donc me voilà, en robe de soirée en plein milieu d’une casse, et au lieu de partir en boîte, je m’apprête à botter les fesses de cette famille de monstres. Le seul hic, c’est que ce sont des monstres assoiffés de sang et que moi, je suis une vulgaire humaine.

Enfin… Je croise tout de même les doigts pour ne pas avoir besoin de faire appel à Victor. C’est même hors de question que je l'appelle, ce serait un signe de faiblesse. Bon je l’avoue… il est mon protecteur, un tuteur, maître dans l'art de la chasse aux démons, mais je ne veux pas baisser les bras, pas avant d'avoir essayé tous les moyens dont je dispose pour réussir ma mission.

Alors c’est d'un pas décidé que je m'avance vers leur petite bicoque perdue au centre de montagnes de carcasses de véhicules. Ce lieu est isolé et parfait pour se cacher quand on est un monstre. Et puis, personne ne vous entendra crier dans cet espace… De quoi en faire frissonner les plus courageux.

J'arrive enfin devant la porte, elle est rustique, en bois avec un vernis qui s'effrite. Je lève le poing et me ravise, je suis hésitante. Pourquoi ? Je n'en sais rien. L’appréhension sûrement. C’est la première fois qu'une de mes missions me rebute. Je prends une dernière inspiration, j’expire et je prends mon courage à deux mains avant de franchir le seuil de cette demeure délabrée.

— Kiera ! Que nous vaut cette visite ? m’interroge Lucille, la maîtresse de maison lorsque je pénètre dans sa demeure sans son accord.

— Tes enfants, ma chère Lucille. Ils ont encore mis une belle pagaille. En revanche cette fois, ta famille doit choisir. Partir ou mourir, lui annoncé-je d'un ton calme et froid.

Je sursaute au son de la porte qui claque dans mon dos. Lorsque je me retourne, je fais face à la carrure carrée d’Hugo, le plus jeune fils de Lucille. Il affiche un air féroce et les cornes qui ornent son crâne ne me disent rien de bon. Un vulgaire, « oh non, pas ça ! », s’échappe de mes lèvres au moment où je croise ses yeux de rubis.

— Hugo ! hurle Lucille me ramenant à la réalité. Qu'est-ce que tu fais ? lui demande-t-elle alors que son fils fait un pas vers moi. Tu ne crois pas que vous en avez assez fait ? l'interroge-t-elle furieuse.

— Tu me poses vraiment cette question ? rétorque Hugo les mâchoires serrées. Pourtant c’est très simple, maman. Si on doit partir, elle vient avec nous, tranche-t-il d'un ton assuré en me pointant du doigt.

— Comment ça ? demandé-je avant de m’énerver contre lui. Tu es dingue ? Je ne suis pas là pour vous suivre ! Mais pour vous chasser ! dis-je en haussant la voix pour bien me faire comprendre. En plus, qui voudrait te suivre laid comme tu es ? le questionné-je amère.

— Oh ma petite Kiera, que dirais-tu si mon frère se tenait devant toi ? me questionne Hugo, un grand sourire aux lèvres.

— Tais-toi, fils ! nous interrompt, Lucille. Attrape-la au lieu de perdre ton temps à discuter, ordonne-t-elle.

Mes sourcils se froncent, sceptique de ce que je crois comprendre. Elle devient folle ? Elle veut me voir partir avec ses trois enfants ? Pourquoi ? Je… je l’avoue, j’ai été dans la même classe que son plus grand, mais de là à disparaître avec eux… Impossible ! Non seulement à cause des cadets, Hugo et Lucia, mais surtout à cause de leurs actes diaboliques.

Et puis, difficile de cacher sa vraie nature quand on a des cornes qui poussent sur son crâne quand on est à cran. Le pire dans tout ça, c’est qu'ils sont fiers d'afficher ces ornements. Reste Louis, le grand frère. Un monstre assoiffé de sang avec un physique des plus appétissant, digne des descendants d'Apollon.

Je divague, le tout en bavant sur ma proie. Je fantasme sur l’aîné de ces créatures alors que je dois me concentrer sur ma mission. Chasser ou éliminer. Cette fois, il est hors de question de transgresser les règles ! Alors que je sors juste de mes rêveries, je remarque qu'Hugo arbore un regard affamé, prêt à goûter à son dessert. Le seul hic, c’est que le dessert, c'est moi.

Et c’est une minute avant qu'il ne fasse un geste que je me précipite vers la sortie. Une fois à l’extérieur, je repère un véhicule sombre, et trop long pour passer inaperçu, foncer droit vers moi. Arrivée à mon niveau, la portière passagers s'ouvre avec force dans un grincement de pneus sur Victor qui me cri de grimper. J'ai juste le temps de sauter sur le siège que nous entendons un hurlement.