9. Acceptation
Plus nous sommes assaillis par les chasseurs, plus je me dis que Louis et les satyres m’ont dit la vérité sur mon identité. Et c’est étrange, mais… J’y crois, comme si une porte qui était fermée à double tour venait de s’ouvrir et de déverser en moi, tout ce que j’avais oublié de mon passé avant mon arrivée chez les chasseurs. En commençant par mon identité. Je suis Kiera, princesse de l’autre monde et protectrice des monstres !
— Arrête la voiture ! ordonné-je à Louis dans un éclair de lucidité, ou de folie, tout dépend du point de vue.
— Non ! Pourquoi je ferais ça ? me demande-t-il la peur au ventre, je peux le sentir.
— Fais-moi confiance. De toute façon, soit tu t’arrêtes maintenant, soit je saute en route, lui dis-je comme une évidence. Bien que, je dois l’avouer sauter d’une voiture en marche, est assez douloureux.
— Mais… Très bien, grogne-t-il en voyant ma main se poser sur la poignée de la portière. On doit rester en contact, me déclare-t-il avec force et en fixant pendant deux secondes ses pupilles dans les miennes.
En me tournant vers la vitre, je remarque une nouvelle lueur dans mes yeux, une lumière que je n’avais jamais vu jusqu’à présent. Comme une étincelle de magie qui était en sommeil en moi, et qui vient de s’éveiller en même temps que ma conscience. Plus je crois en eux, en ces monstres que je devais chasser, plus je sens un flux d’énergie monter en moi. Une force que je n’aurais pas soupçonnée avoir.
— Difficile de rester en contact sans téléphone, annoncé-je à Louis avec un petit sourire peiné.
— Tu es une fée, non ? intervient alors Lucia. Utilise tes dons, me dit-elle sans détour.
Je m’assois correctement dans mon fauteuil. Me concentre sur ma respiration, inspiration, un, deux, trois, expiration. Je cherche au fond de moi, une solution viable pour nous permettre de communiquer. Je pense à ces super-héros qu’on voit dans les films qui sauvent tout le monde grâce à la télépathie. Et j’essaie de reproduire ce que j’ai vu.
Je pense, encore et encore la même phrase. Tentant tant bien que mal de transmettre mon idée à Louis, je ne veux pas bouger les lèvres, je ne le dois pas. Et ça doit fonctionner ! Nous n’en avons pas le choix. C’est un peu fou de me dire que j’essaie d’utiliser un don, qu’il y a à peine dix minutes, je pensais ne pas posséder…
— Tu rigoles là ? me demande Louis, en se tournant vers moi, d’un geste brusque.
— A toi de me le dire, lui répondé-je. Je n’ai fait que penser, lui annoncé-je avec un sourire satisfait sur les lèvres.
— Et question idiote, mais je fais comment pour te répondre ? me questionne Louis avec un regard sérieux.
— Comme moi ? lui dis-je hésitante.
— Je n’ai pas ce don, Kiera. Je suis un protecteur, rien de plus. Engagé pour ma force et mon savoir dans l’art de dévorer la chair humaine, me déclare-t-il d’un ton sec.
— Je suis la princesse, non ? Je dois bien pouvoir arranger ça ? Donne-moi ta main, lui demandé-je fière de moi.
— Et puis quoi encore ! Des licornes qui volent sur des arcs-en-ciel ! cri-t-il en fixant son regard sur la route après une énième secousse.
— Les licornes n’ont pas d’ailes, tout le monde sait ça, dis-je à mon loup alors qu’il rouspète dans sa barbe. Aie confiance un peu, donne-moi ta main ! ordonné-je cette fois.
Mon idée est simple, lui « copier » mon pouvoir. Transmettre mon don à travers le contact de ma peau contre la sienne, en espérant que j’y arrive. Faut dire que pour une première fois, j’y vais peut-être un peu fort, mais c’est une urgence, je n’ai pas le temps d’apprendre les bases. Je serre ma main autour des doigts de Louis. Je sens par cette pression la chaleur de son corps envahir le mien.
Je ferme les yeux, me concentre une nouvelle fois. Inspire, expire, inspire une nouvelle fois et au moment d’expirer, je laisse un morceau de mon énergie glisser de ma tête vers mon bras. Je la sens descendre peu à peu vers ma paume, puis parcourir mes doigts pour enfin entrer en collision avec les extrémités du loup. Un sursaut le prend, ce qui me fait ouvrir les yeux et observer un fin trait de lumière blanche, remonter le long du biceps de Louis, pour glisser vers son cou, et disparaître derrière son oreille.
En continuant mon observation, je tombe sur le visage ébahi du loup, qui reste sans voix. Moi-même, je ne sais pas si je dois me réjouir ou avoir peur de ma facilité à accepter ma nature, et à manipuler mon énergie. D’ailleurs, une vague de fatigue me prend avant de me quitter. J’ai peut-être trop forcé. Lorsque nous nous redressons, je constate que les satyres sont dans le même état secondaire que leur frère. La surprise ne m’est pas seulement réservée.
— Essaie, dis-je à mon pilote en hochant la tête.
Nous laissons place au silence tandis qu’il se concentre, sur ce qu’il veut me transmettre. Je le vois resserrer les mains autour du volant. Ce n’est pas normal pour un loup de faire de la télépathie. Je le sens, son aura vacille plusieurs fois, avant de se stabiliser à la suite d’une troisième inspiration.
***
— Kiera ?
***
Je l’entends enfin, c’est comme un murmure, comme un secret qu’on nous souffle à l’oreille. Sauf que cette fois, il est branché en direct à mon cerveau. Je hoche la tête et lui sourit pour lui faire comprendre que notre expérience a fonctionné. Il esquisse un faible sourire en réponse, et souffle hors de lui tout l’air qu’il avait bloqué, tel un soulagement.
***
— Tu es vraiment elle, n’est-ce pas ? me demande-t-il alors, plus pour se rassurer que pour affirmer ce qu’il sait déjà.
— Oui, répondé-je sans fioriture. Quand je serais descendue, tu repars sans te retourner, lui dis-je en le fixant. Promets-le-moi, Louis.
— C’est promis, princesse. Tu es prête ? me questionne-t-il avec un dernier regard.
— Prête, si tu es prêt !
***
Tout se passe très vite. Louis s’arrête, me lance un dernier regard lorsque je claque la porte derrière moi, puis il redémarre en trombe. Me laissant seule au milieu du bitume, et des véhicules de chasse qui roulent à vive allure. Deux questions hantent mes pensées lorsque des pneus crissent devant moi. Vont-ils m’enfermer ou me tuer ? Et surtout, pourquoi m’avoir gardée en vie toutes ses années, si je suis leur ennemie ?
Je relève la tête au bruit assourdissant qui se fait plus proche, en effet, le véhicule qui vient de freiner se stoppe juste devant mes pieds. Je lâche un soupire, je n’avais pas remarqué que je retenais ma respiration. Sur ce coup, j’ai eu chaud et heureusement que Louis m’a écouté sinon, il serait mal barré. En glissant mon regard vers le conducteur, je ne peux que retenir ma respiration à nouveau.
C’est James !
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