Le portrait échappa à son cadre. Habillée d’une élégante robe ébène, elle erra dans la Villa de la 7e Colline. Les tableaux restaient figés. Leurs yeux austères renvoyaient une expression épouvantée. Louison leur lança des sourires provocateurs avant d’en décrocher un. Ayant kidnappé un ancêtre, la jeune femme sortit par un passage oublié de la bâtisse.

Louison disparut telle une ombre dans la nuit. Elle se dirigea vers l’Antre des Péchés. Le quartier gisait sous les ravins, au bord des collines et se couvrait d’un tumulte insoupçonné. Quand les souris s'égarent, les chats dansent. Louison s’enfonça dans un boyau, entendant un gazouillis sonore qui lui serrait les tripes, emballant son cœur. Dans la noirceur des sousterrains, des lueurs violentes l’attirèrent avec avidité. Toujours avec son tableau sous le bras, elle franchit la frontière entre le réel et le pipeau, sans savoir qui de la 7e Colline ou de l’Antre des Péchés était le plus sincère. Tout ce que Louison savait, c’était qu’elle était coincé dans la souricière. Les crocs se refermaient sur elle de leur vitrine attractive et elle aimait la sensation d’être prise au piège pour ressentir son semblant de liberté.

Louison entra dans une enseigne miteuse. La jeune femme présenta son ancêtre qu'un homme feignit d'analyser en détail. Le chimérique antiquaire parcourut de ses doigts crasseux l’héroïque soldat. Louison s’accouda sur le comptoir fixant l’acheteur de ses yeux doux. Après un long silence, l’ancêtre se vendit à un prix dérisoire. Le soldat lourdement armé, mort bravement au combat pour défendre sa patrie, immortel de cette peinture, finirait le restant de ses jours dans un bordel du coin. Louison ne se posa aucune question. Cela en valait la chandelle !