43 - Les animaux

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De leur côté, Laurent et Alain, sur le quai, saluaient Nénette et Opale qui avait décidé de regagner la ferme familiale pour affronter ses origines.

- Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? dit Laurent à Alain.

- Il faut sortir les écureuils et les pigeons!

- Pourquoi?

- Parce qu'ils nous regardent, les gros conards!

- Alors?

- On va les enfermer dans le jardin!

- Qu'est-ce qu'ils font là-dedans?

- Ils s'enivrent.

- Qu'est-ce qu'on va faire pour eux?

- On va les laver.

- Avec quoi?

- Avec le foin.

- Et les humeurs, les écume et le sang, comment les vaisseaux les porteront-ils?

- On ne sait pas encore, mais j'aimerais bien qu'ils meurent par terre.

- Tu n'as pas tort, répondit Laurent.

Alain avait saisi la nouvelle et quelques voix se firent entendre dans le jardin.

Elodie les avait rejoints, avec les petites cages où se débattaient Camille l'écureuil et Jean-Eude le pigeon. Laurent ouvrit la mallette de feu le psychiatre pour en sortir les instruments du bain sacrificiel. Alain, quant à lui, revêtit son fameux costume d'homme-animaux. Il se faisait un sourire et répétait en chuchotant à l'oreille d'Elodie : « On ne veut pas d'un gros chien dans la maison, c'est pas bien! » Ensuite, ils tournèrent le coin du salon et se mirent à fouiner dans le réfrigérateur pour trouver du café. Elodie, accoudée sur la table basse, écoutait jouer Camille, le petit écureuil. Alain passa un bras autour du cou d'Elodie et l'invita à s'asseoir sur le fauteuil. Il s'assit lui-même et ils attendirent, assis côte à côte, dans un silence qui semblait l'obliger à se sentir profondément en communion avec ses amis. Elle-même était si tranquille qu'elle ne sentait rien, la même tranquillité d'un marin égaré au milieu de l'océan, au fond de lui-même. Il était là, il n'était pas loin, il ne faisait qu'un avec elle, l'enveloppait, l'enroulait autour de lui.

Alain se tourna vers le psychiatre et lui demanda, avec un ton de révérence :

– Vous êtes sûr de l'affaire?

– Oui, répondit le psychiatre, sans qu'aucune hésitation ou quelque réserve se manifeste.

– Vous avez le sens de l'équilibre, comme la médecine!

– Non, répondit le psychiatre, je n'ai pas le sens de l'équilibre, je suis un malade!

Elodie l'entendit avec attention, elle comprenait que la question était posée à un étranger, qu'il ne s'agissait pas de sa personne. Elle ne l'interprétait pas, elle en savait seulement davantage que le psychiatre, mais ce qu'elle ressentait était qu'elle n'était pas là, elle était de l'autre côté, en dehors de tout cela. Elle regarda le psychiatre et, par ce regard, elle lui signifiait que cela ne lui concernait pas, qu'elle n'avait pas l'intention de le déranger.

Elodie réalisa alors qu'elle était morte, comme le psychiatre, et comme Laurent. Comme elle, il était à la fois mort et vivant. Il n'y avait pas de chemin vers la vie. Il n'y avait qu'un chemin vers la mort. Il était à la fois mort et vivant. Il n'y avait que ce chemin.

L'image de la mort est surtout celle du mort, le mort étant celui qui a fait l'expérience de la mort.

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