Morgane

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À quel moment ma vie a-t-elle commencé à déraper ?

On dira plus tard que c'est le jour où le roi a séduit ma mère.

Moi, je pense que c'est celui où j'ai fait la rencontre de mon arrière-grand-père maternel.

C'est lui, ce personnage étonnamment petit en comparaison de la taille de sa légende, qui a repéré que j'avais hérité des dispositions pour la magie que n'avait pas ma génitrice.

Oui, c'est bien le Merlin en personne qui a dit qu'il faudrait que je me rende à Avalon, quand j'en aurais l'âge, pour apprendre à me servir de mon don.

Aujourd'hui, ça me fait un peu rire... Que se serait-il passé si cette rencontre n'avait pas eu lieu ? Peut-être que cela n'aurait fait que retarder le moment, peut-être aurais-je appris en secret, en autodidacte, peut-être aurais-je osé agir quand le roi est venu, peut-être n'aurais-je pas fauté par ignorance, peut-être que...

Mais cette histoire ne se serait sans doute pas déroulée de la même manière. C'est la seule certitude. J'ignore juste si cela aurait été en mieux ou en pire.

En tout cas, quand ce salop d'Uther Pendragon est venu, caché sous l'illusion de l'apparence de mon père... Je n'ai pas bougé.

Bien sûr que j'ai voulu hurler ! Bien sûr que j'ai voulu les séparer ! Bien sûr que j'ai voulu la prévenir que cet homme n'était pas mon père !

Aujourd'hui, je me demande si elle ne le savait pas, au fond...

Ce soir-là, je n'étais qu'une enfant témoin de quelque chose qu'elle n'aurait jamais dû voir, une petite fille à qui l'on avait ravi son innocence trop tôt...

J'ai vu ce ventre maternel grossir, tout en sachant le crime qui en était la cause.

Combien de fois ai-je songé à provoquer un accident qui nous aurait à tous épargné bien des problèmes dans le futur ?

J'ai vu mon père, le vrai, s'extasier et s'enorgueillir d'avoir un nouvel enfant à son âge.

Lui qui me paraissait si fort et grand quand j'étais jeune, cela fait désormais longtemps que je sais à quel point il n'était qu'un petit duc de pacotille en réalité.

Toujours est-il que je me suis tu. J'ai gardé le silence. J'ai scellé au fond de mon cœur ma haine.

Mais je n'ai jamais oublié.

Uther Pendragon... Roi de Bretagne... Traitre à la loyauté d'un de ses plus fidèles sujets... Homme violent, prenant ce qui lui plaisait sans se soucier des conséquences...

Quand toute cette histoire rejoindra la légende, plusieurs noms seront cités comme ceux des méchants, et mon propre nom y apparaitra plus que de raison... Mais celui d'Uther jamais.

Quelle injustice, alors que c'était bien lui le pire d'entre nous tous...

Je n'ai jamais vu le fruit de cette tromperie naître.

En effet, Merlin est venu me chercher à peine plus de trois mois après que cette forfaiture ait été commise.

J'ai quitté les terres de Cornouailles sur le devant de son cheval blanc, avec sa petite silhouette dans mon dos.

J'ai dormi sur l'encolure de l'animal, tellement le chemin fut long...

Toujours est-il qu'il n'a fait ralentir la bête qu'une fois arrivés à une clairière où régnait le brouillard, près d'un marais et où j'entendais un son de cloche au loin... Je ne l'ai appris que plus tard, mais il se trouvait à proximité une île, avec l'une des premières églises chrétiennes.

Le plus légendaire des druides a fixé la brume et après un temps, des bruits de rames me sont parvenus, avant qu'une embarcation large ne fasse son apparition.

Les passeurs avaient leur peau tatouée de runes dont j'ignorais encore toutes les portées protectrices.

Ils nous ont fait traverser le brouillard et, sans que je m'en rende compte à l'époque, le voile séparant ce monde de l'île d'Avalon...

L'île en question était... magnifique.

Ah... qu'aurais-je donné pour ne pas avoir à en parler au passé ? Tant...

Je me souviens des arbres millénaires offrant ombres et fruits juteux, des ruisseaux abondants et clairs, du soleil agréable et des pluies douces toujours quand il le fallait, des collines renfermant mille et un secrets, et bien sûr : des habitations des prêtresses et des druides...

Merlin m'a conduit aux appartements de la grande prêtresse Viviane, pour m'y présenter.

Celle-ci m'a tout de suite plu.

Elle méritait bien davantage l'appellation de "grande dame", que n'importe laquelle des autres femmes qui ont pu croiser ma route au cours de ma vie.

S'il était évident qu'elle était vieille, elle avait la prestance des reines, l'énergie des femmes mûres et la sagesse des meilleurs professeurs.

Je pense que je pourrais aller jusqu'à dire qu'elle fut celle qui s'approcha le plus pour moi d'une mère... En tout cas, bien plus que cette haute dame distante qui m'avait pourtant enfanté et élevé.

À l'instar du plus légendaire des druides, elle a vu en moi un potentiel.

C'est ainsi que j'ai rejoint les prêtresses et suis devenue l'une des leurs.

Dès mes six ans, j'ai inlassablement appris aux près d'elles.

Toutes mes compétences que des ignorants ont nommées plus tard sorcellerie, c'est notamment à cette époque que l'on me les a enseignées.

J'étais prometteuse, tout le monde en demeurait d'accord. On me voyait même devenir grande prêtresse, un jour !

Mais comment poursuivre cette histoire, sans parler de la première fausse note à s'être produite pendant mon séjour là-bas ?

Lancelot.

Ah... Lancelot !

Il est arrivé un jour à Avalon, conduit par la grande prêtresse Viviane elle-même, alors que j'avais quatorze ans ! Lui en avait treize.

Il l'appelait "tante", mais je n'ai jamais su s'ils avaient ou non un véritable lien de parenté.

En tout cas, ce garçon est entré dans ma vie par la contrainte.

Ce courageux enfant venait de perdre ses parents, ses terres, et se retrouvait dans un lieu étranger... pourtant, il ne se montrait aucunement abattu !

Seule une flamme de volonté brûlait inlassablement dans ses yeux à la semblance du rubis.

Je l'ai admiré, je l'avoue.

Comme étant de son âge, c'est moi qui ai été désignée pour le guider les premiers temps.

Au final, en dehors des moments où les prêtresses et druides devaient rester entre eux, nous avons passé le plus clair de notre temps ensemble...

C'était reposant de côtoyer un garçon comme lui : toujours assuré, toujours inébranlable, toujours juste, sans pour autant être parfait, bien qu'il l'aurait voulu... Ah il ne fallait pas le chercher, Lancelot ! Il avait son caractère ! Mais cette tête dure vivait pour la justice.

L'ai-je aimé ? Oui. Lui ai-je avoué ? Non. Est-ce toujours le cas ? Bien heureusement, non !

Ce n'était qu'une idylle d'enfant. Une idylle qui s'est fissurée le jour où il a rencontré une autre représentante de ces personnages que, injustement, l'on ne cite jamais comme l'une des méchantes de notre histoire...

Je me souviens, nous avions poussé plus loin que d'habitude vers les limites de l'île, jusqu'à finalement nous retrouver à la lisière du voile nous séparant du monde physique.

C'était à cause de Lancelot, cet intrépide écervelé avait voulu explorer. Et moi, bonne âme, je l'avais accompagné... Évidemment, nous nous sommes perdus.

J'allais mettre fin à ce petit jeu en appelant la barque de retour, quand une voix féminine m'a interrompue... ou plus exactement, a attiré l'attention du garçon qui, lui, m'a interrompue.

Ni une ni deux, il a foncé vers la source de la voix, jusqu'à trouver son autrice : une jeune fille brune, ses joues encore rondes de l'enfance dégoulinantes de larmes.

Pathétique.

Mais Lancelot s'est précipité pour lui venir en aide et la réconforter.

Effrayée dans un premier temps, elle s'est reprise grâce au solide garçon.

Elle venait de l'église voisine, où elle recevait la "bonne" éducation des prêtres et s'était perdue en cueillant des fleurs.

« Les moines devraient mieux surveiller les ouailles... » me suis-je dit en moi-même.

Pendant que cette idiote pleurnichait son histoire, le jeune homme s'est tourné vers moi, quémandant en silence mon aide, bien conscient que seule une magicienne comme moi pourrait ouvrir le passage entre les voiles qui s'entremêlaient en ces lieux.

Vous parlez d'un héros...

J'ai levé le bras et la brume s'est écartée jusqu'à ce que se dessine la silhouette de l'église, pour la plus grande joie de la fille !

« Un miracle de Dieu... » a-t-elle murmuré comme la bonne petite brebis endoctrinée qu'elle était.

Elle nous a remercié pour notre aide, ou plutôt a remercié Lancelot, n'ayant pas compris que j'avais tout fait, puis s'est présentée (il était temps) ... elle répondait au nom de Guenièvre, fille de Léodagan, le roi de Carmelide.

J'ai vu le regard que mon premier amour porta sur cette fille alors qu'elle s'éloignait.

J'ai eu un mauvais pressentiment.

Mais j'ignorais les répercussions que cette rencontre allait avoir... Comment l'aurais-je pu ?

En tout cas, mon idylle s'est brisée et quand nous sommes revenus à Avalon, nous n'étions plus que des amis, rien de plus.

En un sens : c'était sûrement pour le mieux.

Plusieurs années se sont encore écoulées.

Nombreuses et bien remplies.

Je suis devenu une femme qui attirait les regards.

J'étais belle, parait-il.

J'étais intelligente, ce qui était une chose qui se faisait déjà rare.

À l'occasion, j'ai gouté au plaisir de la chair, évidemment.

Nous n'avions pas cette pudeur ridicule des puritains !

Puis vient l'année de mes vingt et un ans, où la grande prêtresse me convoqua un matin.

Depuis mon arrivée, les cheveux gris avaient proliféré dans sa coiffure, mais je ne l'en trouvais que plus majestueuse, et j'avais cessé de m'inquiéter pour elle, ayant appris de quel bois robuste elle était faite.

Puis, une fois que je l'eus saluée, elle me parla des festivités des bacchantes de cette année.

Et plus précisément : elle me proposa d'y participer.

Je connaissais déjà cette fête, qui honorait la renaissance de la nature après l'hiver, ainsi que l'opulence en découlant.

C'est l'un de ces moments où la magie était plus que jamais forte et où le monde des mortels et celui des esprits étaient particulièrement proches, laissant même passer certains êtres magiques.

Viviane m'informa que parmi les esprits, il y avait celui du grand cerf, qui se joindrait aux festivités et qui, selon la tradition, s'incarnerait dans un garçon préparé à cette occasion pour qu'il puisse en prendre partiellement possession...

Or, d'autre part, pour le satisfaire était désigné un groupe de prêtresses... Et en cette année, j'étais une des élues choisies au hasard.

Ah... comme j'ai été heureuse ce jour-là !

...Et comme j'aimerais vous rassurer en disant le regretter...

Pourtant, malgré tout le mal qui en a découlé... je ne parviens pas à m'en vouloir, non. Je déplore ce qu'il s'est passé, bien sûr ! Mais guère plus que cela.

C'est ainsi qu'à peine une semaine après l'annonce des bacchantes, je me suis retrouvée au cœur de collines boisées, sous l'œil de la lune, au centre d'une clairière où les ultimes préparatifs avaient lieu.

En compagnie des autres prêtresses ayant été désignées, je portais une simple robe blanche décorée de discrets motifs floraux et, à mon cou, pendait un pendentif de bronze qui évoquait le cycle de la vie.

Pendant ce temps, un groupe de druides entourait un jeune homme aux cheveux ébouriffés, peignant des runes sur sa peau, alors qu'on lui plaçait sur la tête une cape en peau de cerf munie de bois majestueux.

Je me souviens avoir regretté de ne pouvoir le voir correctement.

J'ignorais qui était ce garçon qui avait été choisi pour être le vaisseau de l'esprit du grand cerf.

Je me doutais qu'il ne devait pas être n'importe qui pour avoir reçu le privilège de ce rôle... Mais c'est bien là tout ce que je savais.

À vrai dire, la grande prêtresse Viviane elle-même l'ignorait ! ...Assurément que les choses se seraient déroulées autrement, sinon.

Les filles, moi comprise, avons bu une mixture à l'odeur entêtante.

Cette potion avait pour but de nous plonger dans une sorte de transe euphorique et de nous approcher du monde des esprits.

De son côté, le garçon a lui aussi avalé un breuvage similaire, au détail que sa boisson avait également pour objectif de l'ouvrir à l'esprit dont il allait devenir l'avatar physique.

Puis un cor de chasse a résonné dans l'obscurité de la nuit.

C'était le signal.

Poussée par une excitation sauvage et primitive, j'ai couru vers les bois.

Les prêtresses et moi nous sommes rapidement séparés, débutant cette partie de cache-cache que nous allions mener avec le grand cerf...

Je me suis tapis au creux d'un buisson, une chaleur mystique parcourant le moindre recoin de mon corps, alors que ma respiration était anormalement hachée.

...Est-ce cette dernière qui m'a trahi ? Ou bien n'était-ce que le hasard ? Ou bien était-ce simplement le destin ?

J'ai vu l'animal me fixer, ses majestueux bois fièrement dressés sur sa tête, sa fourrure décorée de runes aussi élégantes que complexes.

Puis il a été sur moi, soudain à mi-chemin entre l'homme et le cerf.

Je l'ai enlacé, l'acceptant.

J'ai eu mal.

Puis, le plaisir est venu.

Le rituel de cette danse sensuelle mêlant le monde physique et le spirituel s'est joué et a été parachevé dans les règles de l'art.

Nos transes respectives se sont évaporées progressivement, une fois l'acte commis.

Il a retiré sa peau de cerf qu'il a laissé choir à ses côtés, révélant ses cheveux bruns parsemés en cet instant de vertes feuilles printanières.

Il a parcouru l'espace l'entourant de ses candides yeux émeraude, comme s'il se réveillait d'un long rêve.

Moi, j'ai repoussé mes blondes mèches qui me tombaient jusqu'au sein, alors que je ne disais rien.

Un silence avait perduré entre nous, teinté d'embarras.

Un amant, je savais gérer... Mais un homme qui s'était uni à moi sous l'influence d'un esprit, c'était autre chose.

J'allais ouvrir la bouche, pour dire je ne sais quoi, quand nos regards se sont plongés l'un dans l'autre... et j'ai su.

Oui, j'ai su à cet instant-là.

Nous nous sommes rhabillés, puis c'est avec prévenance que je l'ai reconduit jusqu'au cercle des druides, où le Merlin en personne était là pour réceptionner le garçon.

Le vieil homme m'a vu, il m'a reconnu bien sûr, il a deviné sans mal que j'étais celle qui avait reçu l'amour du grand cerf. Mais il n'a fait aucun commentaire ni n'a affiché la moindre réaction.

Cependant, je savais qu'il réfléchissait déjà aux possibles conséquences de l'erreur que nous venions tous de faire en toute ignorance.

Car le garçon était Arthur Pandragon.

Mon demi-frère.

Quand je suis rentrée à Avalon, je suis immédiatement allé trouver la grande prêtresse Viviane à qui j'ai tout raconté.

Elle m'a présenté ses plus plates excuses et expliqué sa totale ignorance, mais elle ne m'a pas demandé mon pardon pour cette faute dont elle s'est dite responsable.

Je n'ai pas été en colère. Je n'ai pas réussi.

Même contre Merlin, je ne suis pas parvenu à éprouver du ressentiment.

Personne n'était coupable, personne ne savait.

Nous ne pouvions que nous en prendre au hasard.

Mais ce n'était que le début, car quelques mois plus tard, la sentence est tombée : j'étais enceinte.

En moi grouillait déjà le fruit de mon union avec mon propre demi-frère.

Vous qui connaissez le dénouement, vous me direz que j'aurais dû tuer cet enfant avant même qu'il ne puisse voir le jour. Ah ! Excusez-moi de rire.

C'est votre réponse par défaut, non ? Lorsqu'un monstre né, vous blâmez la mère de ne pas l'avoir tué quand elle en avait l'occasion.

Mais comment pourrait-elle savoir ?

Or, quand bien même sa conception était déjà placée sous le signe du crime, je ne savais pas non plus.

Et puis vous savez quoi ? Même si j'avais été en mesure de savoir : je ne l'aurais pas tué.

Avant d'être le monstre que l'on décrit tant, il était mon fils. Il l'était, il l'est et il le restera.

C'est sans regret que j'accepte ma faute d'avoir permis à Mordred de voir le jour.

Il est donc né.

Alors qu'il grandissait auprès des druides, j'ai vu son caractère parfois emporté.

J'ai entendu et esquivé ses questions concernant l'identité de son père.

Je me suis dévoué à mon rôle de prêtresse, en lui offrant le peu d'amour dont j'étais capable.

J'ai vu la noirceur en lui, jumelle de celle que j'éprouve toujours, même aujourd'hui, envers Uther... au détail que la sienne n'avait pas encore de cible.

...Et je n'ai pas fait ce qu'il aurait fallu.

Si je l'avais mieux élevé, si j'avais pu avoir les bons mots, si je n'avais pas été rongé par une stupide culpabilité, si j'avais su ce que c'était qu'être une mère face à son enfant en souffrance, si... si... si...

On pourrait refaire le monde, avec des "si", n'est-ce pas ?

Deux ans après que nous nous soyons revus, mon demi-frère est monté sur le trône du royaume, après avoir sorti la légendaire épée des rois : Excalibur !

Je me souviendrais toute ma vie du jour où j'ai appris cette nouvelle.

Alors que le petit Mordred dans mes bras tirait avec sérieux sur l'un de mes colliers, j'étais ébahi d'entendre qu'Arthur était désormais notre roi à tous...

Avec Merlin comme plus proche conseiller, il avait pour ambition de réunir l'intégralité de la Bretagne sous sa bannière, sans discrimination aucune !

Adorateurs des anciennes légendes comme nous, catholiques, barbares, simples gens... Tous étaient les bienvenus en ses terres.

Un miracle, possible grâce à la bénédiction des dieux et d'Excalibur, artéfact celtique, mais également symbole de la croix...

Et pour couronner le tout : pendant que son château prenait déjà forme, la quête du saint Graal ne tarda pas à être annoncée comme imminente !

Encore une fois, cette objet était un artéfact de nos dieux, la coupe de Dagda, mais était aussi celui de l'Unique, puisque réceptacle contenant le sang du Christ...

Ah... ! Si seulement nous avions su.

Puis un jour, Viviane m'a remis une lettre.

Celle-ci venait de la fameuse Kaamelott tout juste achevée... Elle venait de mon demi-frère.

Ce dernier m'invitait à son mariage et à sa cour plus largement !

« Va et sois notre représentante là-bas. » m'a dit la grande prêtresse.

C'est comme cela que je suis sorti d'Avalon pour me rendre à la belle Kaamelott.

Pendant mon voyage, j'ai vu de mes yeux à quel point Arthur avait transformé son royaume...

J'ai vu tout le bien qu'il avait réussi à faire, en pourtant si peu de temps sur le trône.

Un pays jusqu'à présent mal uni, enfin rallié derrière un seul homme !

Un peuple qui n'avait connu que les difficultés, qui sortait enfin la tête hors de l'eau !

Une terre trop longtemps la proie d'ennemis étrangers, qui parvenait enfin à se défendre et même à contre-attaquer !

Ai-je ressenti de la fierté de partager le sang de l'auteur de ses miracles ? Oui. Je dois bien l'avouer.

Le trajet m'a pris plusieurs jours, au cours desquels j'ai voyagé seule... Ce qui m'a occasionné quelques mauvaises rencontres, d'hommes pensant voir en moi une victime facile. Avec mon port noble, mes beaux habits et mon cheval, je peux comprendre qu'il ait cru cela.

Mal leur en a pris.

Je suis arrivée aux pieds des hauts murs de Kaamelott en fin d'après-midi, un jour avant les noces.

Prévenue qu'une voyageuse solitaire approchait, mon demi-frère était dans la cour, encadré par plusieurs de ses chevaliers, tous plus âgés que lui.

J'avais entendu parler d'eux. Les chevaliers de la fameuse table ronde ! Une des nombreuses bonnes idées du jeune souverain, une table pour rassembler ses compagnons, pensés sans angles afin qu'aucun ne soit mis à l'écart.

« Ma sœur ! ...De quel déboire as-tu été victime pour ne pas avoir d'escorte ? » m'a demandé Arthur, prévenant, alors qu'il me tendait la main pour m'aider à descendre de ma monture.

« Aucun. Je suis venue seule. » lui ai-je répondu, acceptant poliment sa main, bien que je n'en eusse guère besoin.

Ses hommes se sont agités, sans cacher leur désapprobation de voir une femme si peu ressemblante à leurs effacées épouses.

Sauf un, qui s'est approché...

Je l'ai tout de suite reconnu, ses cheveux d'un lumineux blond cendré hantant alors encore parfois mes souvenirs.

« J'ignorais que tu étais la sœur de mon roi, belle Morgane. »

« Tu as grandi, fier Lancelot. » lui ai-je rétorqué, amusée, sous le regard d'Arthur, visiblement surpris que nous nous connaissions.

Nous lui avons par la suite expliqué les circonstances de notre rencontre, ce qui a semblé le ravir, m'apprenant que celui se faisant appeler le chevalier du Lac était vite devenu son meilleur élément et son homme de confiance.

Le soir venu, c'est donc en leur compagnie à tous deux que j'ai mangé, avec de l'autre côté de la table le père de la fiancée de mon demi-frère... et celle-là même, assise en face de moi.

Guenièvre de Carmélide.

Elle ne m'a pas reconnue.

Nul doute que notre rencontre il y avait de cela plusieurs années, dans le brumeux entre deux des mondes, n'était qu'un souvenir flou dans sa mémoire.

Cependant, j'ai bien aperçu les discrets regards qu'elle et Lancelot s'échangeaient innocemment par moment, presque par accident.

Toutefois, j'ai mangé et discuté sans les trahir. Cela n'était pas mes affaires et j'estimais suffisamment Arthur pour me dire qu'il saurait gérer cette affaire, lorsqu'il la découvrirait.

Oui... je l'admets : je place ce choix dans la liste de mes rares grands regrets.

Encore que... j'ai également bien capté tout l'amour que le souverain portait déjà à sa future femme, ainsi que toute la confiance qu'il accordait au chevalier du Lac.

Quand bien même je lui aurais parlé, cette histoire se serait probablement déroulée de la même façon.

Le lendemain, j'ai donc pu assister en silence à leur mariage et à leurs vœux d'amour éternel...

J'ai froncé du nez en découvrant qu'ils s'unissaient seulement devant le dieu unique. Mais je ne m'en suis pas formalisé davantage, par confiance en mon demi-frère et car il s'agissait simplement d'une requête de son épouse, à qui il avait cédé pour lui faire plaisir.

Ah... la faiblesse d'un homme amoureux, qui sera à l'origine de tant de soucis...

Dans les jours qui ont suivi, Arthur m'a proposé de demeurer à Kaamelott, comme la sœur du roi et comme dame de compagnie de sa reine.

Avec l'aval d'Avalon, j'ai accepté.

Et ce choix-ci ne compte pas au nombre de mes erreurs.

Pendant trois ans, j'ai côtoyé cette cour.

J'ai mis mon grain de sel dans la politique de mon frère, et me suis assuré qu'il écoute son loyal conseiller Merlin, afin qu'il ne dévie jamais de ses promesses d'égalités.

J'ai joué l'émissaire des anciens cultes auprès des femmes du château, afin que leur fierté ne se laisse jamais trop écraser par la misogynie de leurs époux.

J'ai regardé droit dans les yeux les prêtres catholiques qui ne manquaient pas de me traiter de sorcière quand ils croyaient que je ne les entendais pas.

J'ai communiqué avec Avalon le plus souvent possible, afin de maintenir le contact entre le pouvoir de l'île et mon demi-frère.
Et j'ai gardé un œil sur Excalibur, l'épée d'Arthur, don des dieux, garantissant sa sécurité et son autorité de souverain sur toute la Bretagne.

Ce n'est que la quatrième année que je me suis enfin permis de relâcher un tant soit peu mon attention.

D'autre part, c'est cette année-là qu'Arthur m'a présenté Lot, le roi des Orcades.

L'un de ses proches alliés, c'était un homme à la poigne dure, mais au cœur bon.

Celui-ci me faisait des avances depuis quelque temps déjà et avait fini par demander ma main auprès de mon frère.

Ses sentiments à mon égard n'étaient pas partagés. Il serait malhonnête de ma part de ne pas l'avouer.

Cependant, comme je l'ai dit : j'ai jugé que la situation à Kaamelott était au beau fixe et, d'autre part, j'ai considéré qu'il serait profitable que je prenne mes distances pour quelque temps.

En effet, si mes conseils étaient appréciés de la gent féminine du château et que je jouissais d'une bonne réputation dans le cœur du peuple : les chevaliers ne me portaient pas le même amour, moi qui les empêchait de tyranniser leurs épouses, les clercs s'entendaient à dire que j'étais une incroyante impie, et surtout... Guenièvre elle-même n'était pas parfaitement à l'aise en ma présence, en dépit de mes efforts.

Pauvre petite fille effrayée par sa blonde belle-sœur qui fraie avec des forces échappant aux lois de sa religion...

Je savais qu'il lui était même arrivé de m'accuser d'être la raison pour laquelle elle ne parvenait pas à tomber enceinte de son roi !

Fadaise.

...J'ai au contraire versé des filtres de fertilité dans leurs boissons plus de fois qu'ils ne pourraient le suspecter !

Bref, j'ai donné mon accord pour épouser Lot. J'ai accepté de le suivre chez lui. J'ai choisi de faire confiance à mon demi-frère. J'ai quitté mon poste au sein des murs de Kaamelott.

Bien ou mal m'en a pris ? Je ne sais trop guère, en vérité.

Si je n'étais pas parti, j'aurais probablement pu empêcher certaines choses d'arriver, oui.

Mais si j'étais resté, d'autres ennuis seraient assurément survenus, d'autres manières.

Tout n'est pas non plus entièrement noir ou blanc.

Et soyons réalistes : mon départ a apaisé quelques tensions.

Il a permis que certaines poudres n'explosent pas.

Les Orcades étaient un peuple fier avec leur caractère, où j'ai trouvé ma place.

Lot n'était pas de ces idiots qui maltraitent leurs épouses.

J'ai même eu la plutôt agréable surprise de voir qu'il m'aimait justement car je n'étais pas une de ces femmes fragiles qui se laissaient sagement marcher dessus.

En tant que sa reine, j'avais à la fois son respect et celui de ses sujets...

Douze années.

C'est bien douze années que j'ai passé à ses côtés.

Douze années au cours desquels je lui ai donné un enfant, Gauvain, où je suis parfois retourné à Kaamelott pour maintenir le contact, et durant lesquels je suis occasionnellement rentré en coup de vent à Avalon et où j'ai vu Mordred grandir, bien que je ne l'aie guère trop approché, faute de savoir quoi dire à ce fils qui m'était un étranger...

Avec lui comme avec Gauvain, je n'aurais jamais été une bonne mère. Mais si l'un avait Lot, l'autre...

Il n'avait que sa colère.

Mais ça, je l'ignorais encore.

Gauvain a évidemment très tôt émis le souhait de participer à la prestigieuse quête de son oncle, pour trouver le saint Graal !

C'est pourquoi son père et moi avons fini par le présenter à celui-ci, afin qu'il devienne l'écuyer de l'un des chevaliers de la Table ronde...

Le destin aime jouer des tours, le savez-vous ?

Par un coup du sort, c'est ce jour-là que mes deux enfants se sont rencontrés.

Mordred, vêtu comme un véritable chevalier, a fait son entrée dans la salle du trône, encadré de compagnons.

S'il a eu la noblesse de ne pas dévoiler l'identité de sa mère, il ne s'est pas privé de proclamer son ascendance bâtarde haut et fort !

De notre côté, un seul échange de regards entre moi et mon frère a suffi à confirmer à ce dernier les origines de ce garçon se disant son fils.

J'ignore si Arthur m'en a un jour voulu de lui avoir caché cet enfant maudit. Il ne me l'a jamais reproché, du moins. Et je n'ai jamais trouvé le courage de lui demander.

Mon fils a donc été reconnu. Il a, pendant un temps, siégé à la table ronde. Il a, officiellement, participé à la quête du Graal.

Mais hélas, ce n'était là qu'une étape, pour lui.

Il n'avait que faire de la gloire, de ces titres, et d'avoir été reconnu...

Nous l'avons compris que trop tard, mais tout ce qu'il voulait : c'était détruire. Détruire ce monde pour lequel il n'avait que haine.

D'où lui venait toute cette colère ?

S'il a grandi sans père ni mère à proprement parler, il a tout de même reçu l'amour et l'éducation des druides d'Avalon !

C'est une question à laquelle ni moi, ni personne, n'avons de réponses.

Peut-être est-il né de ma haine pour Uther ?

Ou peut-être est-il simplement né avec cette colère abyssale.

C'est un mystère qui ne se sera jamais plus que ça... un mystère.

Je suis allé le visiter plusieurs fois pendant les trois années qui ont suivi.

Mais il m'a toujours repoussé, de façon plus ou moins violente.

Il ne voulait plus me voir.

Gauvain est devenu, pour sa part, chevalier rapidement. Il est même devenu l'un des favoris dans la quête du Graal !

Puis un jour, alors que j'étais chez les Orcades, une nouvelle calamiteuse m'est parvenue.

Une guerre couvait depuis quelque temps déjà avec les barbares saxons, et celle-ci avait finalement éclaté depuis quelques jours.

Mais ce n'était pas ça le problème... le problème était que mon frère l'avait fait sous l'unique bannière de la croix !

Heureusement que mon fils et mon époux n'étaient pas au château ce jour-là... Je m'en serais voulu de les écraser sous l'aura de colère qui m'a échappé !

« Arthur, quel imbécile tu es ! » ai-je juré !

Ce fou s'était battu avec en guise d'arme un don des dieux anciens et il avait fait le stupide choix de ne pas se placer sous leur étendard !

Je me suis rongé les doigts jusqu'au sang, avec l'espoir qu'il ne s'agissait que d'un incident isolé.

Mais je me devais d'en avoir le cœur net.

J'ai fait atteler un carrosse et ai débuté mon voyage vers le château de mon frère.

J'aurais évidemment préféré faire le déplacement seule et à cheval, pour aller plus vite, mais il aurait été contre-productif de débouler ainsi en furie, surtout avec ma réputation de sorcière qui n'avait toujours pas totalement été oubliée en dépit des années.

C'est donc comme une sœur rendant simplement visite à son frère que je suis venue.

Mais dès mon arrivée, j'ai compris que je n'étais pas la seule inquiète, en effet c'est le vieux Merlin qui m'a accueilli : et le poids des ans semblait plus que jamais lui peser.

C'est par sa bouche que j'ai appris l'origine du problème : cette pendarde de Guenièvre !

Cette brebis ignorante avait supplié son époux de cesser de combattre en plaçant côte à côte une bannière impie et celle de la croix, lui rabâchant les oreilles qu'il n'avait besoin que de l'appui de l'Unique, qu'il insultait le Seigneur par ses actions et qu'un jour celui-ci le punirait !

Et mon sentimental de frère avait fini par lui céder, pour lui faire plaisir !

Il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre...

Ah qu'il était beau l'amour de Dieu, tiens ! Ça parle de tolérance et ça n'est pas capable de partager !

Merlin a bien sûr lutté pour faire comprendre à son roi qu'il avait besoin des deux bannières, qu'elles n'étaient pas antagonistes... Mais Arthur ne l'avait pas écouté.

Une aubaine que la bataille n'ait pas été trop violente et que mon frère n'était pas mauvais combattant !

Par l'intermédiaire d'Excalibur, les dieux l'avaient protégé jusque-là, mais s'il poursuivait dans cette voie et persistait à violer son serment d'égalité...

Car oui, Merlin comme moi le comprenions bien, c'était bien vers ça que l'on se dirigeait ! Cet événement provoquait un précédent...

Pourtant, les Saxons furent bien repoussés, au prix d'efforts impressionnants.

Par chance, le roi ne fut blessé qu'une seule fois, de manière superficielle.

Mais c'est une blessure qui n'aurait jamais pu arriver si les dieux l'avaient protégé, moi comme les autres instances des anciens cultes le savions. Et nous nous inquiétions.

Je ne suis pas resté longtemps à Kaamelott. Soutenues par la reine et enhardies par cette guerre menée sous leur symbole, les grenouilles de bénitier étaient plus puissantes que jamais.

J'ai parlé en tête à tête avec mon demi-frère, avant de partir, je l'ai mis en garde, je l'ai encouragé à la prudence et à la réflexion sur ses actes...

J'ai bien vu que cela le touchait, qu'il entendait et comprenait. J'ai donc fait le choix de lui donner une nouvelle fois ma confiance... L'amour prend bien des formes, comme vous pouvez le voir... Et l'amour rend surtout bête.

Pendant ce temps, alors que tout le monde s'occupait d'autres problèmes, Mordred était toujours là, lui, et attendait son heure.

C'est dans ce contexte de troubles, quelques jours après mon départ, qu'il a frappé.

Je l'ai appris par la bouche de Gauvain, venu nous rendre visite durant sa quête : l'infâme avait ourdi un piège qui avait mené à révéler au grand jour que Lancelot et la reine étaient amants.

J'ai maudit ces deux imbéciles, faisant sursauter mon, pourtant courageux, fils qui ne m'avait encore jamais vu autant en colère !

Moi qui avais plus de jugeote que n'importe lequel des habitants de Kaamelott, j'étais bien sûr au courant de cette liaison secrète, même sans avoir eu besoin d'y vivre...

Et il s'avérait que mon fils était vraisemblablement doté du même sens de la déduction.

Ce vil être en appelait désormais à l'application de la loi : pour avoir trompé son mari, une épouse infidèle devait être exécutée par le feu et le cocu était en droit de défier en duel l'amant.

En dehors de Merlin, je connaissais Arthur mieux que quiconque. Je savais tout l'amour qu'il portait à sa femme et toute la confiance et l'amitié qu'il avait pour le chevalier du Lac...

Il devait être dévasté.

Jamais il ne pourrait se résoudre à appliquer cette loi... Mais s'il ne le faisait pas, Mordred y verrait la brèche où s'infiltrer, pour déclarer la guerre.

Ah, le roi faisait un bâtard hors mariage et maintenant son épouse avait un amant... et personne n'était puni ?

La révolte serait inévitable si mon frère n'agissait pas.

Cette fois-ci, je ne me suis pas embarrassé des apparences.

J'ai sellé moi-même mon cheval et suis partie seule au château royal, empruntant tous les raccourcis ayant survécu à la régression de la magie face au catholicisme.

Je suis arrivé à Kaamelott dans l'après-midi même.

J'ai ignoré les stupides signes de croix et les crucifix qu'ont brandies les fervents du Dieu unique à mon arrivé tonnante, et me suis engouffrée entre les murs jusqu'à la salle du trône où je savais trouver Arthur.

En compagnie de Merlin, celui-ci regardait par une fenêtre la cour... où un bûcher était construit.

J'ai senti ma colère refluer quand j'ai vu ses cernes et l'abattement dans ses yeux.

Je l'ai pris dans mes bras, dans lesquels il s'est abandonné. Du haut de ses trente-six ans, il est redevenu l'espace de cet instant un simple enfant, pleurant dans l'étreinte réconfortante de sa sœur aînée.

En dépit de tous nos efforts, le royaume de Bretagne était au bord de la ruine à cause d'une succession de mauvais choix malheureux.

Et Mordred n'attendait que de pouvoir mettre le feu aux poudres si Guenièvre n'était pas punie.

Ressentir de la haine pour son propre enfant est quelque chose d'horrible... Je peux en attester.

Le lendemain matin, des gardes ont conduit la pauvre Guenièvre sur la funeste construction de bois.

Son père était là, en marge, poings et dents serrés pour s'empêcher d'intervenir.

Mordred était au premier rang de la foule venue assister à l'évènement.

Arthur était lui aussi devant, tournant le dos au monde, cachant sa douleur.

Merlin et moi étions à la fenêtre de la salle du trône, attentifs.

Les flammes se sont allumées dans une série de craquements macabres.

Le roi a tenu bon le plus longtemps possible, les mains verrouillées sur le pommeau de son épée pour se donner de la force... puis il a levé les yeux dans notre direction, implorant.

Son vieux conseiller n'a fait qu'un geste et les nuages se sont assombris avant de déverser la pluie salvatrice.

La foule s'est d'abord agitée, puis est arrivée à la conclusion que leur Dieu ne voulait pas de cette mort et pardonnait à la reine, certainement car elle était un exemple de foi chrétienne...

Mais j'ai vu mon fils se pencher à l'oreille de son père. J'ai vu le visage de mon frère. J'ai su que la guerre était à notre porte.

Mordred a disparu après cet épisode.

Le roi en a été rassuré, s'étant attendu à des représailles éclatantes, mais le calme régnait pourtant.

La Bretagne reprenait des couleurs !

En parallèle, la quête du Graal a même fait un pas majeur un avant !

Perceval, l'un des meilleurs éléments des chevaliers de la Table ronde, tenait une piste sérieuse avec un certain château du roi pêcheur !

Par conséquent, plusieurs de ses plus prestigieux compagnons le suivirent... ! Et laissèrent le royaume et leur roi affaibli lorsque Mordred revint, entouré d'alliés pris parmi les mécontents du règne de bonté d'Arthur.

Je ne... veux pas raconter comment se déroula ce conflit.

Trop de morts, de souffrances, de pertes, ...

Sachez seulement qu'à la fin, Mordred et Arthur s'affrontèrent dans un ultime duel et qu'il n'y eut aucun vainqueur... Ils se frappèrent mortellement mutuellement... Aussi abandonné de tous les dieux l'un que l'autre.

J'ai emporté leur corps à tous les deux, dans un éclair de tristesse, usant de toutes les forces magiques que j'ai pu déployer pour les soustraire à leurs hommes.

C'était mon fils, c'était mon frère, c'étaient les seuls hommes que j'ai aimés... c'était ma famille.

Je les ai emportés à Avalon, puisant dans mes ultimes onces de pouvoir pour nous faire traverser le faiblissant voile entre les mondes, consciente que bien rare seraient ceux qui pourrait encore passer après nous, la croix sapant désormais bien trop l'influence des anciens dieux.

...Voilà. Voilà toute l'histoire. Voilà comment je me retrouve, vieille femme seule, assise entre deux tombes, dernière prêtresse d'Avalon, attendant la fin...

À mon retour, j'ai trouvé Avalon dépérissante, Viviane étant morte en mon absence, sans avoir à ses côtés l'héritière que j'aurais dû être...

D'ici, j'ai ouï dire que Lancelot était porté disparu. Que Guenièvre, après la mort de son époux et avoir parlé une ultime fois à son amant, s'était retiré dans un couvent. Et, qu'ironiquement, c'est Galaad, fils du chevalier du Lac, qui avait fini par trouver le Graal... !

J'espère que cette coupe aura tenu ses promesses et aura apporté la paix tant convoitée...

Ne me répondez pas.

Je ne veux pas savoir.

Tous ceux que j'aimais sont morts pour cette babiole soi-disant sainte.

Plus rien n'a d'importance pour moi...

Gauvain seul a survécu... mais à quel prix ?

...Et maintenant... laissez-moi.

Vous avez eu ma version de l'histoire.

Allez embêter quelqu'un d'autre, qui vous racontera sûrement une histoire où j'étais une sorcière voulant la mort d'Arthur, qui avait traîtreusement enfanté Mordred et l'avait élevé dans la haine, ou que sais-je encore !

Tout cela m'est égal.

Je ne suis plus qu'une vieille femme attendant la mort.

Alors : adieu.

Et à jamais.

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