"Le filleul de la Mort"
Un jour, un enfant naquit.
Treizième fils d'un bûcheron sans le sou, il n'y avait aucun espoir que cet enfant puisse aspirer à vivre vieux.
Son père implora alors la Mort d'être la marraine de l'enfant.
La Mort est douce au pauvre monde.
Aussi, celle-ci accepta.
Cette funeste marraine ne vint cependant jamais visiter son filleul.
Mais en un sens, on peut dire que cela était pour le mieux...
Ainsi, l'enfant ne craignit pas la tombe durant toutes ses jeunes années.
Ce n'est qu'une fois adulte, alors qu'il venait de prendre l'habit de médecin, qu'ils se rencontrèrent pour la première fois.
La Mort lui fit alors présent d'un sachet de poudres.
« Voici un remède contre tous les maux. Une pincée suffit à guérir n'importe quel malade, quand bien même aurait-il un pied dans la tombe. Cependant, si jamais tu me vois au chevet de ton patient : abstiens-toi d'agir. C'est qu'il est déjà mien. Si tu décidais de me le ravir malgré tout, tu le sauverais, mais payerais ce larcin de ta vie. »
Le filleul accepta ce présent avec joie et humilité, promettant de se tenir toujours à ces instructions.
Les années passèrent, au cours desquelles il se forgea une réputation sans nul pareil, mais sans jamais enfreindre la règle énoncée par sa marraine.
Puis un jour, il fut convoqué par le roi de son pays.
Celui-ci avait une fille malade, qu'aucun médecin ne parvenait à soigner.
À l'instant où il pénétra dans la chambre de la princesse, il vit la Mort à son chevet.
Mais ensuite, il avisa le visage de la belle souffrante... car oui, elle était fort belle.
L'Amour toucha alors son cœur.
Et sans davantage réfléchir, il administra une pincée de poudre à la princesse, qui retrouva aussitôt la santé !
« Tu viens de me soustraire une malade qui était mienne. » constata la Mort, « Mais j'accepte de faire une exception. Par égard pour ta bonne conduite jusqu'à présent. Je bénis votre amour, mon enfant. »
Le filleul remercia sa marraine, avant d'aller à la rencontre du roi, pour l'implorer de lui donner la main de sa fille en mariage.
Celui-ci accéda avec joie à sa demande !
Le couple vécut ainsi heureux de nombreuses années, au cours desquelles leur naquit même une magnifique fille !
Mais un matin, la petite tomba gravement malade.
Son père accouru aussitôt, sa poudre miraculeuse déjà prête !
Mais la Mort était au chevet de l'enfant.
Le médecin embrassa sa femme, puis sa fille.
Et sauva cette dernière.
La Mort ne prononça pas un mot.
Elle l'emporta simplement.
Mais son filleul n'avait aucun regret.
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