2.Derrière les apparences

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Declan

Et merde ! J'étais conscient d'être allé trop loin dans mes mots. J'allais reprendre le chemin du bâtiment de sciences quand mon meilleur pote me barra la route.

— Qu'est-ce que tu ne me dis pas, Declan ?

Que ma sœur se fait tabasser au même titre que moi de temps en temps, mais que « papa » évite le visage avec elle pour je ne sais quelle raison ? Qu'elle m'a fait jurer de ne pas en parler ? Et que sans le faire exprès je viens à demi-mot de me parjurer ?

Son regard s'était durci et, dans l'immédiat, j'étais incapable de savoir si c'était parce que j'étais un mauvais ami ou un mauvais frère. Certainement les deux.

— Juste que tu ne sais pas tout, avouai-je fermement. Alors, ne l'ouvre plus. Et calme-toi avec ma jumelle. C'est la deuxième et la dernière fois que je te le demande cette année, mec.

Je m'en voulais déjà assez moi-même d'être incapable de gérer correctement la situation sans impliquer ma fratrie. Il faut se le dire, notre passeur de gènes n'est pas un cadeau !

Depuis le décès de maman, quatre ans auparavant, Warren s'était lentement et complètement métamorphosé en débris à peine humain, écumant les bars et rentrant en titubant pour s'en prendre verbalement, puis physiquement quand ça lui chantait, aux deux « salopards responsables de la mort de sa bien-aimée ». Peu lui importait qu'il plût ce soir-là, combien la route fut glissante et à quel point les plaquettes de frein auraient eu grandement besoin d'être changées. Au diable ce connard d'automobiliste à contresens. Élie et moi étions les deux salopards qui se chamaillaient sur le siège arrière.

Mais ce dernier mois, on s'était retrouvés plutôt bien vernis. Élie avait multiplié les « shows » pendant les premières semaines de vacances et j'avais enchaîné les combats de boxe clandestins qui nous avaient rapporté assez d'argent pour emmener Tim dans un studio au bord de mer. Ça peut vous sembler ridicule, mais pour nous trois, c'était un avant-goût paradisiaque de ce que seraient nos vies dans un an, si on se débrouillait correctement, ma jumelle et moi.

Tout cela dans le dos de Warren, évidemment.

La seule certitude, c'est qu'à l'instant où il avait revu nos visages, il avait eu une envie irrépressible de coller son poing dessus. Ma jumelle s'en était tirée avec quelques bleus. Mon coquard, lui, commençait seulement à s'estomper et ma côte fêlée guérissait plus lentement.

Je ricanai en repensant à l'élan de sympathie, d'affection et d'effroi qui avait gagné tout le fan-club féminin de l'équipe de football. Heureusement que je boxe, pour l'excuse...

Il aurait bien entendu été plus simple de signaler notre géniteur aux services de l'enfance, suggéreriez-vous. Plus d'odeur d'alcool, plus de coups, plus d’insultes. Mais dans ce système où les assistantes sociales régulent la vie des familles à problèmes avec autant d'affects que des narcotrafiquants, nous n'aurions sûrement jamais revu notre petite Crevette.

J'ai l'impression de parler comme un paternel divorcé...

Élie

Je remontai dans le dortoir, armée de mon sac en direction des douches, pestant intérieurement contre l'autre abruti. Manquerait plus que les pimbêches du fan club de Hutchkins me voient entièrement nue !

Passant devant le miroir plein pied – les filles s'étaient cotisées pour en équiper notre vestiaire —, je dévisageai celle à la silhouette fine et à la peau pâle, aux yeux d'un vert différemment coloré, aux longs cheveux roux tombants jusqu'au bas du dos. Et toutes ces horribles cicatrices rose violacé et circulaires qui maculaient son abdomen. Mon abdomen.

Je déteste toujours autant les miroirs.

Sur le qui-vive, je m'étais nettoyée et rhabillée en moins de cinq minutes et je redescendis bien heureusement sans croiser personne. Je n'eus pas le loisir de m'autocongratuler longtemps, car en rejoignant la chambre, la voix de crécelle d'Ashley me parvint dès que j'ouvris la porte.

— Arrête de laisser traîner tes fringues partout, c'est tellement insupportable ! J'en ai ras le cul de voir ta garde-robe étalée dans toute la chambre à chaque fois que je reviens.

Je haussai un sourcil en regardant successivement la grande blonde décolorée à la poitrine généreuse débordant de sa tenue de pom-pom-girl et le reste de la pièce tandis que ses yeux marron me toisaient avec énervement.

Je t'emmerde.

— C'est à moi, désolée ! s'exclama Ava, entrant dans le salon en se faufilant dans mon dos et bondissant pour ramasser à la hâte les vêtements qui jonchaient chaises et bureaux.

Le regard peu amène de notre agaçante colocataire se porta sur elle.

— On a qu'une seule foutue pièce et je refuse de passer mon année à vivre dans votre bordel ! Mon Dieu, pourquoi il a fallu que je tombe sur vous ! Les colocs de chambres les plus détestables du premier étage.

— Ne t'en fais pas, Ashley, on n’en pense pas moins de toi, lâchai-je paresseusement en enfonçant mes mains dans les poches de mon jean.

Y a qu'une seule chambre triple dans tout l'étage et fallait qu'on la partage avec Ashley !

Avec un soupir exaspéré, elle attrapa son sac et fonça vers l'entrée, non sans m'envoyer un coup d'épaule rageur. Stable sur mes appuis, je ne bougeai pas, contrairement à elle qui fut légèrement repoussée. Je me permis un sourire insolent devant son air furibond tandis qu’Ashley quittait la pièce. Ma meilleure amie leva les yeux au ciel.

— Charmante... On va passer une année extraordinaire, souffla-t-elle en achevant de ranger ses affaires. Donc, on avait dit « tenue sexy et sophistiquée » ...

J'attrapai mon sac de sport avant de suivre ma meilleure amie jusqu'à son armoire.

— C'est le thème de show le plus sobre depuis l'année dernière, releva-t-elle en sortant une robe moulante et sombre pour me la tendre.

Elle avait toujours le don de flirter avec le côté aguicheur sans franchir la limite et tomber dans le vulgaire absolu, et ses choix m'évitaient de devoir utiliser les fringues de secours mises à dispositions dans les coulisses qui, pour le coup, se rapprochaient plus du nudisme que du sexy.

— Bien. Pour la touche un peu plus sophistiquée, je sais exactement quoi faire. Je magasine et te rejoins au studio de danse.

— Merci, soufflai-je avec gratitude.

Je souris et Ava m'imita avant de quitter la chambre.

***

14H30.

Mon emploi du temps de cette année m'était plus que bénéfique. Mes mardis après-midi libérés, j'avais un jour supplémentaire pour m’entraîner, lorsque les chorégraphies s'avéraient plus lourdes ou plus complexes, jusqu'au jeudi. J'entrai dans l'espace réaménagé en studio de danse pour y trouver Meryl, des écouteurs dans les oreilles, en train de battre le rythme de la jambe et du doigt.

— J'espère que tu es en forme, petite gazelle. Je vais tout d'abord te montrer la chorée que j'ai élaborée et puisque nous n'avons qu'un après-midi pour travailler ensemble, autant s'y mettre sans traîner !

Ma collègue se leva pour allumer la musique tandis que je me débarrassai de ma chemise pour ne conserver qu'un débardeur moulant et un short. J'observai attentivement la grâce de la jeune femme fine au teint hâlé. Ses cheveux bruns ornés de boucles éparses suivaient la volupté de ses mouvements, léchant ses épaules, et ses yeux de la même couleur inspiraient l'assurance et l'autorité lorsqu'elle dansait. Elle m'impressionnait beaucoup.

Mère d'une petite fille qui valait à ses yeux bien plus que tout l'or du monde, elle avait embrassé sa profession de strip-teaseuse sans la moindre honte. Assumant pleinement son corps et consciente de ses atouts, Meryl n'avait pas ou que peu de tabous. Ses conseils, sa bienveillance et ses encouragements m'avaient rassurée plus d'une fois où j'avais failli abandonner. J'ai tellement progressé grâce à elle !

Je fronçai les sourcils pour suivre le nouvel enchaînement avant de sourire. Je me souvenais du premier apprentissage. Et du premier show... J'avais cru mourir d'humiliation.

Meryl m'avait aidée à appréhender les danses érotiques d'un autre œil, mais aussi à me faire ma place au sein du club, ce qui n'aurait pas été aisé sans elle. Elle se tourna dans ma direction et m'imita en découvrant mon sourire.

— À ton tour, viens par ici, petite gazelle.

Le temps passa et au bout de trois heures, je m'écroulai au sol après un dernier mouvement.

Declan

À la fin de la journée, Élie me rejoignit au stade, un sourire crispé au visage, et encadra mon cou de ses bras.

— J'ai pas besoin de te faire de recommandations, me chuchota-t-elle, mais fais attention à toi.

— Ça va aller, ma petite jumelle, dis-je en lui rendant son étreinte.

Vexée, elle me repoussa, faussement agacée.

— Arrête de m'appeler comme ça, on a le même âge et puis on a plus dix ans !

— Je suis sorti du ventre de maman avant ta tête de maigrichonne, alors je serai toujours le plus grand, petite jumelle, répliquai-je avec un air supérieur.

— Même pas je relève, répondit Élie en reculant de quelques pas avant de prendre la direction de la salle de gym du lycée Pewaukee. On se voit demain en cours de management.

Cole arriva dans mon dos et percuta mon épaule pour manifester son soutien tandis que de loin, j'aperçus Ava courir pour rejoindre ma sœur, non sans me regarder en serrant les poings devant elle en signe d'encouragement.

— Quand je te dis que tu es fait pour te caser avec une blonde, Casanova, plaisanta mon pote avec un rictus narquois des plus agaçants. Je le fusillai du regard avant de répondre.

— Tu vois, je commence à comprendre pourquoi ma sœur a tenté de te frapper ce matin. J'me casse, rajoutai-je en entendant son ricanement en guise de réponse.

Moins d'une demi-heure plus tard, j'arrivai devant le bâtiment où se trouvait la salle d'art. Une douce odeur d'acrylique envahit mes narines, et je restai à l'entrée en l'ayant vite repérée parmi les quelques enfants présents.

Tim était assis de profil, une tache de couleur jaune ornait sa joue tandis que, très concentré, il déplaçait son pinceau avec une lenteur exagérée. Un sourire étira mes lèvres et je m'adossai à l'encadrement de la porte en croisant les bras. En plus d'être patient, mon petit blondinet de frangin savait se montrer méticuleux. Une sérénité se dégageait du lieu et j'étais entièrement reconnaissant à Pitt, mon entraîneur de boxe, de m'avoir fait découvrir cet endroit aussi proche de son école. Evelyn, la directrice de l'atelier, s'approcha de moi avec un sourire presque maternel.

— Bonjour, mon garçon, ça me fait plaisir de te voir en meilleure forme ! La rentrée s'est bien passée ?

— Oui, merci, Évy, répondis-je en hochant la tête. Ça a été avec Tim ?

— Élie lui a rappelé que tu venais le récupérer ce soir, il n'a pas cessé de parler de toi !

Ce fut le moment que Tim choisit pour croiser mes yeux, le regard pétillant.

— Deeeeclan, cria-t-il en se levant d'un bond pour courir vers moi et bondir.

Je souris en le rattrapant tandis qu'il me serrait dans ses bras.

— Salut, Crevette. Content de me voir ?

Il leva les yeux d'un vert aussi profond que les miens sans se départir de son sourire. Fort heureusement, nous avions hérité de ses yeux. Ce vert marqué d'une hétérochromie plus foncée d'un œil sur l'autre. Les yeux de maman.

— Tu m'as manqué, c'était long !

Évelyne se pencha vers lui pour lui tapoter la tête.

— À demain, Évy, lança poliment mon frère avant de prendre ma main.

***

Mon petit frangin, installé à une des tables d'un fast-food, mordait à pleines dents dans son sandwich.

— Ça te plaît ?

Il leva le menton vers moi, plein de ketchup.

— Oui ! Mais ce qui me fait le plus plaisir, c'est que tu sois là.

— Dis tout de suite que tu me préfères à Élie, le taquinai-je en m'adossant à mon siège, le regard faussement réprobateur.

Il me fixa en secouant la tête.

— Je préférerais vous voir tous les deux comme la dernière fois, répondit-il doucement.

Moi aussi, Crevette, si tu savais...

— Peut-être, mais il faut bien qu'Élie se concentre sur ses études. Ils ne prennent que les meilleurs dans l'université où nous allons partir.

J'étais sans arrêt obligé de rassurer Tim, les premiers temps de notre partage de « garde alternée », tout comme Élie.

Nous ne voulions pas qu'il se sente abandonné, mais nos nerfs respectifs à ma sœur et moi n'auraient jamais tenu ces trois dernières années sans ce « break » d'une semaine sur l'autre. Ce laps de temps coincés chez Warren équivalait déjà à une fission psychologique voire physique trop importante. Même si nous nous étions blindés avec le temps, on parvenait à tenir les coups de blues et décompresser comme ça. Sans compter que le petit rayon de soleil et d'innocence qui me faisait face, la bouche pleine et le sourire de plus en plus grand, aidait bien, me rappelant chaque soir pourquoi je n'avais pas déjà mis les voiles.

— J'ai hâte, se réjouit Timothy en sautillant sur sa chaise. C'est une grande université Yale, hein ? Moi aussi j'irai là-bas ?

— Tu as intérêt à être suffisamment bon à l'école ou en sport pour ça, Crevette, lui dis-je en penchant ma main armée d'un mouchoir pour lui essuyer les joues.

— C'est comment ?

— Le Connecticut ? On en a déjà beaucoup parlé, tu aimeras, bonhomme, ne t'inquiète pas. Mais comme d'habitude, je compte sur toi...

Tim se redressa sur sa chaise, exécutant un semblant de salutation de sergent, main gauche levée à son front.

— Pas un mot à la maison de nos projets super top secret, pas un mot à l'école de la maison pas comme les autres, bouche cousue, chef !

Déglutissant en souriant pour dissimuler l'élan de tristesse qui m'attaquait aux tripes, je frottai ses cheveux blonds avec un regard empli de reconnaissance et d'appréciation. Nous lui demandions de garder tant de secrets. Et nous lui cachions tout ce que nous pouvions encore lui cacher. Ce en quoi consistaient nos emplois illégaux respectifs, notre douleur, nos bleus et les humiliations, lorsqu'il n'en était pas témoin... Je voulais qu'il reste dans cette bulle d'innocence, et si j'avais pu y plonger ma sœur, je l'aurais fait volontiers.

***

Lorsque nous arrivâmes, je contournai la maison et m'arrêtai sous la fenêtre de sa chambre, coincée par une cale. De l'extérieur, elle semblait verrouillée, mais une pression suffisait à l'ouvrir sans difficulté. Je grimpai le temps d'inspecter la pièce, fermai la porte de l'intérieur et redescendis pour hisser mon petit frère sur mes épaules.

— Je n'ai pas besoin de te rappeler les règles, n'est-ce pas ? chuchotai-je.

— Je rentre et je verrouille la fenêtre, je mets mon casque, j'allume la musique, et si tu ne viens pas me chercher, je garde le casque pendant encore une heure avant de l'enlever, répondit Tim sur le même ton en levant les yeux au ciel, je sais. Et le volume à moitié.

— Bien. Ne t'endors pas avec, c'est nocif.

Tandis que mon petit frangin regagnait sa chambre, je traversai l'allée pour entrer par la porte, les dents serrées. Même routine depuis près d'un an et demi.

Nous ne savions jamais dans quel état Warren se trouvait en arrivant, il était devenu de plus en plus imprévisible et un coup était vite parti. Moins mon bonhomme serait exposé, mieux ce serait.

Aucun grognement, aucun bruit. Comble de chance, notre géniteur était bien parti faire un tour. Je relâchai mon souffle avant d'attraper ma lampe torche et me dirigeai vers la chambre de Tim. M'agenouillant, j’orientai le faisceau de lumière sous la porte. Le cliquetis du verrou me répondit et mon frère m'ouvrit en souriant.

— Parfait, tu vas te doucher en quatrième vitesse, Crevette.

***

L'heure du coucher approchant et après avoir entendu parler des aventures formidables de mon cadet, de son échange de goûter avec son nouvel ami d'école et de ses prouesses artistiques d'après classe, j'embrassai son front dans son demi-sommeil avant de fermer sa porte. Je longeai le couloir et profitai du calme pour redonner un coup de propre au salon puis regagnai ma chambre où je m'écroulai sur mon lit encore fait, savourant le silence et la pénombre.

Je glissai la main dans ma poche pour attraper mon portable. Deux appels en absence suivis de SMS.

Flinn « Ci-joint, fiche de recrutement à tous les candidats. Bonne chance, Declan ! J'espère qu'on sera tous les deux dans l'équipe ! »

Un rire moqueur franchit mes lèvres avant que je ne fasse défiler mes messages.

Cole « Les selec ont lieu jeudi à 14h bro' »

Cole « Préviens, si l'autre connard t'as pas envoyé la fiche, il m'a zappé exprès, j'ai dû appeler Connor »

Je répondis en soupirant.

Moi « Ça t'étonne ? Il est prêt à tout pour t'évincer. T'inquiète, je l'ai. »

Je fermai les yeux pour profiter du temps indéterminé qu'il me restait, sombrant dans le sommeil.

***

Un claquement de porte me montra à quel point j'avais eu raison. La pénombre, ce devait être le milieu de la nuit. Un nouveau fracas, qui semblait être un bris de verre et du métal, résonna dans le hall d'entrée, ainsi qu'un râle qui me confirma le retour de Warren. Sa voix éraillée me parvint d'en bas.

— Alors... lequel... le... quel des deux salauds est ici ?

Je me levai pour marcher en direction de l'entrée puis tournai la poignée, les mâchoires contractées et m'immobilisai.

Avec un peu d'espoir... Il s'écroulerait avant d'avoir eu sa réponse...

— Va... falloir que je vienne le découvrir a... alors ? rugit-il, interrompu par un hoquet.

J'inspirai en me raclant la gorge et regardai sous la porte de Tim. La lumière se mit à clignoter avant de s'éteindre. Malheureusement, il s'était réveillé aussi. Heureusement, il avait le temps d'enfiler ses écouteurs.

Je descendis les marches sans attendre davantage et tombai sur le reflet mal rasé de notre géniteur dans la vitre qui donnait sur le jardin. Il se retourna vers moi et m'inspecta avec un dégoût très prononcé, rendu encore plus visible par le relent hoqueté de je ne sais trop quoi.

J'étais toujours aussi frappé par son apparence, même si je le voyais chaque semaine. Il ne restait absolument plus rien de l'homme droit, fier et élégant au visage souriant et décontracté qu'il arborait quatre ans plus tôt. Son sourire chaleureux avait été remplacé par ce rictus méprisant et aigri qui creusait ses joues quand il me regardait. Son élégance naturelle avait fait place à un homme sauvage qui s'avachissait dès qu'il rencontrait une surface qui lui permettait de s'asseoir ou de s'étendre.

— C'est toi, hein...

— Bonsoir, répondis-je froidement sans contact visuel.

Il contourna le canapé en titubant pour aller s'y vautrer comme à son habitude.

— Vas m... mettre mes bières au frais et a... apportes-en une, cloporte.

Je me dirigeai vers la cuisine. J'espère que tu boiras suffisamment pour comater jusqu'à demain, bâtard.

Pour l'instant, ça ne s'annonçait pas trop mal. Des marmonnements me parvenaient depuis le salon, fournis en substance de « bon à rien... aussi gerbant que sa connasse de sœur... même espèce ».

Je retournai dans la cuisine communicante après avoir déposé la bouteille sur la table. Malheureusement pour moi, il semblait être encore assez net et avait envie de se sociabiliser.

— Tu vas... plus au collège, crevure ?

Aucune réaction de ma part.

— Elle fait... quoi, ta salope de jumelle, quand elle est pas dans cette... putain de maison, hein ?

Pourquoi ? Elle te manque ? Depuis quand tu t'en soucies ?

Je haussai les épaules et résistai à la tentation de répondre.

— Depuis qu'elle a quitté ce foutu collège... elle va sûrement même plus en... cours, j'ai pas une seule facture...

Je me retins de glousser. Évidemment que tu ne reçois aucune facture, si on avait compté sur toi pour la prise en charge de nos frais de scolarité, on se serait déjà fait virer et placer cinquante fois.

— Je savais qu'elle finirait par courir les rues et devenir une vraie traînée...

Mes poings se serraient et le goût de la bile me remontait en bouche, mais je me tus, fixant l'évier. Comme j'aimerais te noyer dedans, enfoiré...

— J'aurais... j'aurais dû être là, hoqueta mon géniteur sur le même ton rageur.

Je me figeai, le souffle coupé et les yeux écarquillés.

Serait-ce vraiment... ? Du regret ?

— ... là... pour vous flanquer plus... de... de raclées, cracha-t-il avec plus de hargne.

C'est beau de rêver, Declan... Top 4 des anecdotes intitulées moments d'espoir, merci, Warren.

— J'aurais dû vous cracher dessus plus tôt pour vous... rappeler votre putain de place dans ce bas monde rempli de...

Je me mordis l'intérieur de la joue pour éviter de lever les yeux au ciel avant d'entendre un objet en verre claquer et se briser contre le mur du salon face au divan. Un vase ou un cendrier. De toute manière, il n'y aurait bientôt plus assez de décorations pour retapisser le sol, à ce rythme.

Cette nuit allait être longue...

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Bonjour tout le monde !!!

Visite chez les Carter pour faire la « rencontre » de Warren qui, à fortiori est un personnage plus qu'antipathique.

Pour poursuivre dans la lancer des antagonistes actuels, le prochain chapitre débutera avec le POV de Cole avant qu'Élie ne reprenne le relais...à bientôt !

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