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Tu n'as pas à t'inquiéter.
Laïka ouvra les yeux. À qui appartenait cette voix d'homme ?
Elle était de nouveau dans ce lit, à fixer ce plafond en bois. Elle tourna la tête, la bougie était là, allumée, différente. On l'avait changé. Combien de temps s'était écoulé depuis la dernière fois ? Doucement, elle se releva puis s'assit, rassurée de voir qu'elle était habillée. Ses maux de ventre avaient disparu contrairement aux vertiges alors elle s'efforça de respirer calmement. Une autre bougie avait été déposée sur la commode, elle put ainsi constater que la lance et le poignard avaient disparu.
Elle entendit du bruit au rez-de-chaussée. Des murmures, un dialogue. Elle pencha l'oreille.
— ...d'arrêter de venir ! Tu te remets à peine de tes blessures.
— On a deux cas urgents et je n'en fais pas partie Fanny.
Fanny ? Laïka s'était collée au rideau, plus dégourdie que la dernière fois. Si la femme était Fanny, son amie, elle ne reconnaissait pas en cette voix d'homme Mickaël.
— Zoé va mieux et y a du progrès avec Laïka.
— Du progrès ?! T'appelle ça du progrès ? râlait l'homme.
— Elle s'est levée, elle a marché, elle a échangé avec Mickaël et ...
— Et elle est inconsciente depuis trois jours !
— Arrête de hurler.
— Pourquoi ?! T'as peur que ça la réveille ?
— Ecoute. Ça ne sert à rien que tu viennes ici toutes les nuits. Je m'en occupe.
— Je t'avais dit de ... faire appel à ...
— ...pas le choix.
Laika plissa les yeux.
— Je ne veux personne à son chevet sauf toi ou Naëlle. Et s'il n'y a personne de disponible alors personne ne la surveille ! Après tout elle est hors de danger non ?
Il y eut un long silence avant que Laïka entende la porte claquer. L'homme était sorti, quant à Fanny elle semblait être immobile. Puis elle l'entendit marcher, se déplacer et venir ici. Avec la grâce d'un animal blessé, Laïka se dirigea jusqu'à son lit et se glissa sous la couette. Droite, immobile, les yeux fermés et le cœur tambourinant dans la poitrine elle entendit Fanny marchait jusqu'à elle. Laïka sursauta presque quand elle sentit une main se poser sur son front.
— Pas de fièvre. Au moins une bonne nouvelle cette nuit.
Fanny était partie, Laïka s'en était assurée. Au bout milieu de la nuit elle s'en était allée après avoir rassemblé des affaires. Laïka l'avait observée du coin de la porte, le rideau légèrement relevé. Fanny, son amie aux longs cheveux bruns, aux yeux marrons et au teint pâle, travailleuse et disciplinée. Hier, elle lui aurait confié tous ses secrets, ses malaises, ses peurs, ses folies, mais aujourd'hui il n'en était pas question. Il fallait qu'elle voie son frère. Qu'il lui donne une explication claire et logique de la situation. Qu'il lui dise que tout ceci n'est qu'un rêve. Qu'Alex la serre dans ses bras et qu'il la rassure comme il savait si bien le faire.
Face aux flammes de cette jolie cheminée en pierre, Laïka était résolue malgré son état qui semblait la pousser au bord de l'évanouissement. Elle attrapa une paire de botte, d'où elle sorti une tige sèche. Elle mit immédiatement la main devant son nez.
— Purée, un déo... naturel.
Elle retira l'autre tige et les déposa au sol, ne sachant pas où les ranger. Elle enfila par la suite un manteau fourré sombre – encore du fait-main – et sortit.
Le froid la frappa de face. Elle déplia la capuche sur elle. Sans les quelques lanternes suspendues ici et là, il faisait noir. Laïka se frotta les yeux, ses vertiges revenaient. Il fallait qu'elle se concentre, qu'elle réfléchisse, qu'elle... Laïka regarda la couche de neige au sol. De la neige. On n'a pas eu de neige l'an dernier, seulement... Reste concentrée ! Reste... pourquoi j'ai chaud ? Pourquoi je... Laïka se colla contre la maison, à l'abri du vent. Alex. Il faut que je me concentre sur Alex. Il faut que le retrouve, ou alors Antoine... ou Henry. Henry.
Laïka s'avança, doucement, un pas après l'autre. Elle se trouvait dans un village. Certaines des maisonnées qu'elle croisait étaient rondes, d'autre se dressaient, plus élaborées comme celle qu'elle venait de quitter. Elle vagabonda, écoutant le bruit que faisaient ses bottes sur la neige, se croyant seule jusqu'à ce qu'elle aperçoive au loin, à la lumière d'une lanterne, deux hommes avec des lances. Elle manqua de glisser lorsqu'elle se colla contre une maison non éclairée. Des rondes ? Elle les regarda passer puis continua son chemin, l'œil aux aguets. Pourquoi ils font des rondes ? Et pourquoi utiliser des armes primitives alors que... la forêt.
Laïka s'immobilisa. Elle avait atteint les limites du village et apercevait plus loin cette nature où un chemin l'invitait à poursuivre. La Rencontre. Elle ne se contrôla pas, ne pensant plus à rien, elle s'engouffra dans la forêt noire, hypnotisée par une seule pensée, La Rencontre.
Laïka n'en connaissait pas la nature, ni ne savait d'où lui provenait ce nom, La Rencontre, mais elle savait qu'en continuant tout droit elle y arriverait. Le noir de la nuit s'illumina peu à peu sur son chemin. Elle crut rêver. Des fleurs, quelques champignons sur les arbres, parfois des insectes et ce qui semblait être des papillons s'éclairaient et lui dévoilaient de magnifiques couleurs. Rose, blanc, violet, jaune, vert, gris, bleu, sans parler de mélanges et de dessins qui apparaissait sur certaines ailes de ces différentes créatures.
— Je rêve....
Et comme dans un rêve, Laïka n'avait pas peur. Elle se sentait bien au milieu de cette nature magique. Elle marcha ainsi – combien de temps elle ne sut pas – jusqu'à trouver les rayons du soleil et la forêt bleue s'arrêta. Face à elle une avancée en pierre sous un vide exorbitant, elle avait atteint la limite de leur territoire. Et de cette falaise, elle pouvait voir le soleil se lever sur un paysage qui lui coupa le souffle. Emerveillée, Laïka était sur le plateau haut et la vue était magnifiquement étrange. D'une, pour un hiver, les arbres n'étaient pas nus ; de deux, la majorité de la flore se trouvait être bleu sous ce manteau blanc.
— Où suis-je ?
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