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 Henry était accroupi, derrière un arbre de la forêt de Reñt, guettant les personnes aux alentours. Laïka dans ses bras, il attendait le bon moment pour s'approcher. Il s'était éloigné du chemin habituel, seul. Son fauve, de l'autre côté du village, était quant à lui prêt à passer à l'action.

 Fanny sortit de chez elle affolée. Il fallait qu'elle retrouve sa patiente en fugue et un grognement se fit entendre au sud du village. Toutes les personnes qui se trouvaient dehors ne se firent pas prier, les gardiens s'approchèrent de cet appel qui avait été lancé et les autres les suivirent avec attention. Fanny vit passer Nicolas et l'interpella.

 — Qu'est-ce que c'était ?

 — Un dreïn.

 — Merci Nicolas, je ne suis pas sourde, mais pourquoi ce hurlement ?

 — Et moi je ne suis pas devin.

 — Il n'y a pas de gardien au sud ?

 — Si, justement, ça m'inquiète un peu.

Ils arrivèrent tous deux près de la foule et aperçurent, dépassant les têtes un dreïn. La patte ne touchant pas terre, couinant et geignant, les oreilles couchées, les yeux ronds, humides.

 — Il est blessé, fit un homme.

 — Tiens, Fanny ! appela un autre. Tu ne pourrais pas regarder ?

Fanny soupira. Elle qui s'était précipitée à sortir, n'avait pas correctement protégé son visage du froid. Elle était ainsi la seule reconnaissable parmi cette foule de visage recouvert. Elle s'avança sur la voie qui s'était tracé devant elle.

 — Quelqu'un sait à qui appartient ce dreïn ?

Et que je tuerais bien...pensa-elle. C'est pas comme si je devais retrouver Laïka !

 — C'est celui d'Henry, lui répondit Nicolas qui s'était approché.

 Les personnes qui avaient satisfait leur curiosité partirent. Fanny commença par observer la patte de l'animal. J'ai pas le temps pour ça... Toute petite face à cette créature, elle avança sa minuscule main vers l'énormité poilu qui la laissait venir. Puis soudainement, l'animal se redressa et posa la patte à terre. Fanny, surprise, se releva. Il colla alors avec force sa tête contre Fanny et s'en alla. Les fesses sur la neige, les yeux ahuris, la jeune femme resta immobile un instant, ne comprenant pas ce qu'il venait de se passer.

 — Je suis resté et j'ai eu raison. Il vient de se jouer encore de nous.

Fanny leva la tête vers Nicolas qui ne cacha pas son sourire moqueur.

 — Jouer ? Il vient de se foutre de moi oui !

Nicolas la tira d'un coup sec pour la remettre sur pied et elle frotta comme elle le pouvait la neige accrochée à ses vêtements.

 — Je vois que tu es vraiment fatiguée

 — Ce n'est pas comme si j'avais fait deux nuits blanches d'affilée. Les hommes se fichent déjà de moi mais si maintenant les Dreïn s'y mettent aussi...

Fanny soupira de désarroi, ce qui fit rire son compagnon.

 — Qui sont les hommes qui se fichent de toi ?

 — Nicolas !

 — D'accord... Si ça peut te rassurer ce n'est pas la première fois qu'il nous fait le coup. Fanny leva un sourcil. Mais je croyais que tu voulais dormir, qu'est-ce que tu fais dehors ?

 — Oui ! Et faut que j'y aille !

Elle laissa alors sur place Nicolas.

 — Bon. A plus tard je suppose... Il la regarda s'éloigner le pas pressé. Ta maison n'est pas de l'autre côté ?

 Henry avait déposé Laïka sur son lit et rallumé son feu. Sa maisonnée n'était constituée que d'une seule pièce. Une petite table collée contre le mur à la gauche de la porte avec une chaise, plus loin, sa couche longeait le mur. L'armoire et plusieurs crochets lui permettaient de ranger ses vêtements et ses lances. Elle était faite comme la plupart des maisons modestes ici. Une maison de terre à la méthode de la famille de Dema, avec une ossature de bois et un fin conduit en pierre faisait office de cheminée au milieu de la pièce. Cela lui suffisait.

Une fois que le feu prit, il retira enfin son manteau et se tourna vers Laïka. Il posa délicatement son vêtement sur elle et releva une des mèches qui s'était échappée de ses tresses. Sa tête penchée vers lui, il ne voyait pas la cicatrise rosie par le froid qu'il avait complètement oublié. Il l'observa un moment avant qu'elle rouvre les yeux.

Elle ne sursauta pas. Il ne détourna pas le regard. Grâce à la lumière du feu, Laïka pouvait le dévisager, de ses cheveux en bataille jusqu'à son menton garni d'une fine barbe. Ses yeux accompagnés de cernes, ses joues séchés par le froid, son nez écorché et sa...

 — Laïka.

Elle le regarda de nouveau dans les yeux. Henry qui était accroupi à côté d'elle continua.

 — Est-ce que ça va ? Pourquoi es-tu retournée là-bas ?

Laïka essaya tant bien que mal de se relever sans que, étonnamment, Henry ne l'aide. Une fois assise, elle continua de l'examiner silencieuse. C'était l'unique chose qu'elle pouvait faire. Après tout quoi lui dire. Elle-même ne savait expliquer ce qu'elle voyait. Un homme.

 — Fanny nous avait dit qu'elle utilisée des plantes fortes, je pense que tu es encore sous leur effets. C'est pourquoi il faut que tu retournes voir Fanny et...

 — Alex ! Laïka lui attrapa la manche. Il faut... Elle reprit son souffle. Il faut que je le voie.

Henry voulut prendre du recul mais elle ne le lâchait pas. Il ouvrit la bouche, incapable de sortir un traitre-mot.

 — Il faut qu'il m'explique quelque chose Henry. On est meilleurs amis nous deux après tout hein ? Alors s'il te plait aides moi. Tu sais où il est ? 

 — Laïka... Le visage dur, Henry la regardait avec effroi. Dis-moi que Fanny t'a refilé un des champignons de Walter ?

Laïka ne le répondit pas.

 — Laïka ?

 — Je dois ... Qui est Walter ? se résolut-elle à demander, les larmes au bord des yeux.

Cette fois-ci Henry recula sans que Laïka ne puisse le retenir. Il s'assit à même le sol, à sa hauteur, abasourdi. Elle fondit en larmes.

 — Non Laïka... Il lui attrapa les épaules. Ça va aller, tu es fatiguée et sans doute...

 — Tu m'en veux... se larmoya-t-elle.

 — Non ! Henry lui attrapa le menton. Tu n'es pas dans ton état normal... Il faut que tu retournes chez Fanny.

 — Avant je dois voir Alex.

Henry se releva.

 — Laïka je dois te ramener chez Fanny.

 — Pourquoi ?!

Il se frotta le visage et s'éloigna de son lit.

 — Pourquoi !

 — D'accord, calme-toi et répond d'abord à ma question. On en est à combien d'années ?

On en est à combien d'années ? à combien d'années de quoi ? Laïka n'avait aucune idée de ce dont parlait Henry. Mais s'il parlait du nombre d'année qui avait passé depuis son dernier souvenir, alors la pilosité de son ami d'enfance lui donnait un ordre d'idée.

 — Laïka.

Son prénom lui semblait être une torture. Elle était désemparée, perdue. Elle était prête à sombrer si, de nouveau, il prononçait son prénom.

 — Tu penses avoir quel âge ?

Laïka releva la tête. Ça elle le savait.

 — C'est un rêve... murmura-t-elle.

 — Quoi ? Henry revint s'accroupir près d'elle. Qu'est-ce que tu as dit ?

 — C'est juste un rêve.

 — Laïka je vais te...

Deux mots. Elle répondit à la question par deux mots et elle vit qu'il n'aimait pas sa réponse.

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