14
Assis dans leur chambre, le frère et la sœur étaient face à face sur le tapis. Le jeune garçon aux cheveux blond vénitien penché sur son carnet releva enfin la tête. Sa cadette le fixait.
— Donc tous les points que je fais correspondent à une lettre d’un mot.
— C’est trop facile, le coupa sa sœur.
— Pourquoi ?
— Imagine que l’espion tourne les pages, il va voir que les lettres ressortent. Il saura donc lire ton message.
Le garçon se gratta le crâne.
— Alors je fais d’autre tâches. Et il fit plusieurs points sur la page.
— Ça change rien…
Il se concentra et fit des points autour d’autres lettres.
— Et là ? annonça-t-il fièrement.
— Bah… je ne vais plus voir ton message…
— On comptera les lignes. Regarde.
Ils se penchèrent sur le carnet et avec son petit doigt, il compta jusqu’à dix.
— Ligne 10, le point est sur le J.
La fillette se mit à sourire.
— A mon tour !
Elle copia son frère et compta les lignes.
— S… ça ne marche pas ton truc.
— C’est parce qu’il faut changer le nombre… Compte jusqu’à quinze.
— E. JE.
La petite blonde applaudit.
— Et on peut commencer en bas au lieu d’en haut ?
Il réfléchit.
— Oui, bonne idée, faut qu’on voie ça.
— Donc, résuma sa sœur. Si je vois que tu as dessiné un chien, c’est que tu as laissé un message. Soit il y a d’autres animaux, soit il y a des points.
— C’est ça.
— Mais Alex, t’es sûr qu’on va être envahie ?
— Oui, je suis sûr qu'un jour les aliens vont venir. Mais quoi qu'il arrive, il faut toujours que tu observes, que tu écoutes puis seulement après tu agis.
M.E.U.R.T.R.E
Ces lettres résonnaient encore dans sa tête. Antoine était face à elle, les flammes dansant sur son visage. Laïka fixait ses yeux qui s’abaissèrent sur le journal d’Alex. Elle retenait son souffle. Si c’est elle qui avait poussé un cri par surprise, c’est le visage d’Antoine qui était tordu par la peur. Le vent froid s’infiltra derrière lui, alors il referma doucement la porte. Désormais seul dans cette pièce, Laïka se leva de la chaise, tremblante et troublée.
— Le journal… Tu vas l’abimer à le tenir ainsi.
Laïka se pencha sur les pages. Elle déglutit et réussit enfin à sortir quelque mot.
— Tu m’as fait peur, répondit-elle en feignant d’être calme.
Elle relâcha la pression de ses mains et les pages retrouvèrent leur forme originelle.
— Désolé, ce n’était pas mon but.
Ce n’est qu’Antoine, pourquoi tu aurais peur ? Détends-toi…
— Pourquoi t’es revenu ?
— Pourquoi tu l’as fermé quand je suis rentré ?
Laïka se pencha sur ce livre à la couverture en cuir rouge.
— Je viens de te dire que tu m’as fait peur.
— Pourquoi ?
— Parce que t’es rentré comme un malade.
Antoine resta stoïque. Puis d’une petite voix, il s’excusa.
— J’ai croisé Henry… Il m’a parlé d’un langage codé que toi et Alex avait.
Laïka se figea. Henry… Comment il l’a su ? Idiote c’est toi qui lui en a parlé en sixième…
— Oui. C’est vrai. Calme-toi et réfléchit. Tu n’as parlé à Henry que des dessins.
— Je sais que c’est bizarre, mais en l’apprenant d’Henry, j’ai crus qu’il… qu’Alex m’aurait laissé un message.
— C’est plutôt des symboles qu’un réel langage.
Laïka rouvrit les pages du carnet et Antoine s’approcha. Il vit dans un coin une tortue, puis Laïka lui montra un petit lion. Tout proche, le cœur de Laïka frappait à intervalle régulier contre sa poitrine. Pourquoi aurais-tu peur d’Antoine…. Laïka calme toi, attends, observe, écoute puis agis.
— Qu’est-ce que cela signifie ? demande Antoine.
Il est aussi inquiet que toi…
— Le lion signifie la force, réussit-elle à dire. La tortue représente la lenteur, la patience. Et ici, le chat… représente le courage.
— Un chat ? Courageux ?
— J’avais neuf ans donc ne me critique pas.
Antoine échappa un sourire, pourtant Laïka, malgré elle, ne se sentait toujours pas tranquille.
— Et le chien c’est toi. Pourquoi il les a dessinés pour toi ?
Laïka le regarda dans les yeux. Antoine était cerné, épuisé.
— Je pense qu’il les a faits pour lui, se rappeler qu’il veut me protéger et rester fort, courageux et patient quoi qu’il arrive.
— Il n’a pas laissé d’autre message que les dessins ?
Laïka resta livide un instant, puis, le sourire aux lèvres elle donna un petit coup dans le bras d’Antoine.
— On a fait ça quand on était gamin, tu t’attendais à un langage codé type CIA ?
Antoine se détendit et sourit à son tour.
— Je suis désolé, j’ai vraiment espéré qu’il nous aurait laissé une dernière trace.
Elle baissa la tête sur le journal.
— C’est moi qui suis désolée, tu avais raison, ce n’est pas un roman à l’eau rose… Il est bourré de fautes.
Antoine posa sa main sur la tête de Laïka. Il était de nouveau là, le grand-frère qu’elle reconnaissait et cet homme effrayant d’il y a quelques instants avait disparu.
— Evite de crier la prochaine fois…
Elle se contenta d’hocher de la tête.
Antoine, je suis désolée. L’ennemi est fort et il me faut être patiente… Elle se pencha sur le petit chat en bas de la page. Et Il veut que je reste silencieuse.
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